Il est pile midi, en ce lundi 14 mars. Françoise et Lutgarde sont assises côte à côte, sur le petit banc placé devant la salle commune où sont pris les repas du midi. La façade de la maison qui l’abrite est irradiée par les rayons du soleil arrivé prématurément cette année. Le facteur termine sa tournée matinale, salue les deux dames et distribue le courrier du 249 de la rue Savelan, à Gérouville, dans la commune de Meix-devant-Virton. Parmi les prospectus et les lettres s’est glissé le journal de la Mutualité chrétienne, En marche, où il est notamment question d’âgisme et de stéréotypes liés à l’âge. «Décidément, c’est un sujet dans l’air du temps!», s’exclame Françoise, 74 ans.
Avec trois autres habitants du même âge, Françoise Urbain a fondé l’asbl Voisin-âges et un collectif d’habitats éponyme. Elle connaît Lutgarde Dumont, Anne Renoird (dit «Nanou») et Bruno Carton depuis des dizaines d’années, mais c’est en 2019 qu’ils décident, tous ensemble, de sauter le pas. Leur intention est de créer un îlot villageois où il fait bon vieillir. Très concrètement, le projet intergénérationnel regroupe sept habitants qui peuvent compter les uns sur les autres. «Le groupe compte actuellement quatre personnes âgées, deux plus jeunes adultes et un enfant. Les implications de chacun sont fort diverses, elles vont du tout à presque rien…», précise Françoise.
Pour comprendre la genèse du projet, il faut remonter en 2015. C’est alors qu’un petit groupe informel d’une douzaine de personnes appelé «Les Artisans de notre vieillir» amorce une réflexion autour de la vieillesse et de ses nombreux enjeux (traitements médicaux, devenir du patrimoine, risques de chute, désorientation, etc.). Il se voit régulièrement chez l’un ou l’autre pour en discuter à cœur ouvert, sans tabou ni peur, avec humour ou émotion. «Ces réunions sont devenues les temps forts de nos jours. Nous voulons nous épauler les uns les autres et nous interpeller si l’un de nos compagnons de route perd courage. C’est une sorte d’engagement à l’interpellation.» C’est ainsi que, peu à peu, émerge l’idée de vivre tout près les uns des autres et de s’entraider au quotidien pour affronter la vie.
Ces habitats d’environ 50 mètres carrés ont beau être solidaires, ils sont indépendants et chacun comprend une salle d’eau et une cuisine. Leur force? La proximité géographique, puisqu’ils sont tous situés à la rue Savelan du hameau de Gérouville. «Nous démarrons avec ce qui est: des maisons pas très riches et anciennes, dans une rue en pente. Nous essayons, avec des moyens financiers peu importants, d’adapter le mieux possible des logements individuels. Les bâtiments que nous occupons appartiennent à deux propriétaires différentes qui font partie du projet.»