Une opinion de Ricardo Cherenti, Bernard Antoine et Willy Lahaye de l’Observatoire de l’action sociale locale.
C’est lors d’une crise que l’on reconnaît réellement les priorités : se nourrir, se loger, se laver, disposer de son nécessaire vital, être capable de protéger ses proches et se protéger soi-même. A ces priorités premières s’ajoute celle de pouvoir atteindre ou, à raison, de conserver un niveau de confort matériel minimum tout en s’assurant certaines ressources financières. Cet état d’esprit qui caractérise les mécanismes de survie est aujourd’hui partagé par de très nombreux citoyens. C’est pourtant, en Wallonie, celui dans lequel vivent au quotidien 21,8% de la population qui sont en situation de risque de pauvreté. C’est également la situation dans laquelle se trouvent de nombreuses personnes avec handicap, confinés en permanence. Comme eux, depuis quelques semaines, une multitude de personnes deviennent subitement vulnérables et prennent conscience de l’importance d’une sécurité sociale forte. Des personnes qui, trop souvent, jettent l’opprobre sur l’assistance sociale sont aujourd’hui heureuses d’avoir au bout du fil, des travailleurs sociaux, des agents du service public local pour les écouter et répondre à leurs demandes ou, plus simplement, pour les tranquilliser.
Nécessité d’une communauté humaine basée sur le maillage social
La distanciation sociale forcée (et le confinement) de ces derniers jours nous fait prendre conscience de la nécessité d’une communauté humaine basée sur le maillage social. Et de nous rappeler l’importance des associations locales sportives, culturelles, sociales ou philanthropiques.
Plus que jamais, l’action sociale locale (tout comme l’action sanitaire locale) semble se révéler être le levier d’intervention privilégié pour garantir une prise en charge de la population. Ainsi, par exemple, les autorités fédérales se tournent vers les polices locales pour appliquer les mesures de confinement. Elles réclament aussi tout le professionnalisme des institutions socio-sanitaires pour venir en aide aux plus démunis qui, par cette crise, sont davantage encore en situation de détresse.
Enfin, dans leur rôle de régulateur social local, les villes et les communes, ont une mission essentielle dans la gestion de cette crise sanitaire. Premier contact pour les citoyens, l’administration communale se doit d’assurer les services minimum d’accueil, de police administrative, de gestion de la salubrité publique, de sécurité sur le territoire.
Depuis quelques semaines, une multitude de personnes deviennent subitement vulnérables et prennent conscience de l’importance d’une sécurité sociale forte.
Loin de l’image d’organisations monolithiques, lourdes, lentes, procédurières et rigides, les administrations locales ont mis en œuvre, sur un laps de temps très réduit, des dispositifs d’intervention pour leurs populations grâce au travail exceptionnel et trop peu reconnu des fonctionnaires. Outre la réponse aux obligations régaliennes, ces pouvoirs locaux ont fait preuve de créativité et d’intelligence collective mobilisant leur personnel pour assurer, par exemple, la gestion d’un central téléphonique d’urgence, des permanences sociales, des interventions psychosociales auprès des personnes en détresse, une simple présence, etc.
Reconstruire notre échelle des priorités
L’expérience que nous vivons aujourd’hui nous invite à reconstruire notre échelle des priorités et à reconsidérer les investissements sociétaux de demain. Alors que l’économie et la finance ont été considérées comme valeurs prioritaires depuis quatre décennies, ne faut-il pas repenser la société autour de l’investissement social au sens large du terme ? L’occasion nous est donnée de valoriser la croissance inclusive et durable, soutenant le progrès social et le bien-être pour tous autour d’institutions démocratiques fortes. Dans cette perspective, le renforcement des pouvoirs locaux et l’accompagnement du secteur associatif seront essentiels pour contribuer au développement social local comme ciment de la communauté humaine et comme pilier fondamental de la solidarité face à l’adversité quand tout s’effrite. Car lorsqu’il n’y a plus rien, il reste fort heureusement l’action sociale locale !