«On est plus chaud, plus chaud, plus chaud que le climat!» Surchauffée, la jeunesse belge continue de marcher. Pourtant, les écoliers n’ont pas attendu que les manifestations se multiplient pour avertir du danger qu’encourt notre planète. Avec un directeur Ecolo, une classe de réflexion sur l’urgence climatique, et plusieurs mesures écologiques prises au sein de l’établissement, l’école Sainte-Marie est l’une des instigatrices de la lutte étudiante namuroise.
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Comme lors de la première manifestation, Louise et ses camarades de Sainte-Marie rallient la place d’Armes. Sous un soleil de plomb, on prépare les pancartes, les affiches, et les mégaphones. Soudain, comme un seul homme, les quelques centaines d’adolescents ne forment plus qu’un. Ils avancent, scandent, et brandissent les premiers slogans. Une vague déferlante traverse alors les rues de la capitale wallonne et réveille ses habitants, parfois un peu hébétés par la fougue des jeunes manifestants.
«Chaque semaine, Namur va être le théâtre de la mobilisation étudiante pour le climat.» Louise Rosoux, élève de cinquième, Sainte-Marie
«Rasez vos poils, pas nos forêts!», «Non-assistance à planète en danger», «Make our planet great again». Voilà ce qu’on pouvait lire sur des panneaux de fortune et entendre dans les rues namuroises ce jeudi 14 février. «Chaque semaine, Namur va être le théâtre de la mobilisation étudiante pour le climat.» Élève de cinquième à Sainte-Marie, Louise Rosoux semble déterminée. Responsable au sein de son école, elle mène la mobilisation en coordination avec les autres établissements scolaires de la ville. «Avec un ou plusieurs responsables par école, la communication est plus simple. On prépare le circuit, puis on cible un lieu du pouvoir en fin de cortège en espérant y rencontrer les élus.»
« Le thermomètre n’attend pas »
Depuis le début du mouvement, les étudiants namurois condamnent l’absentéisme général des gouvernements face à l’urgence climatique. Outre cette volonté d’assister à «un changement réel et rapide», une liste de mesures à l’échelon local a aussi vu le jour à l’initiative des jeunes manifestants. «Pour l’instant, nous réfléchissons à des mesures concrètes pour les transports en commun, le circuit court à l’école, et la gratuité de l’eau dans les bâtiments publics, indique la déléguée de Sainte-Marie. Mais il faut que tout ceci soit décidé le plus rapidement possible. Face aux émissions de CO2 le thermomètre, lui, n’attend pas.»
À côté de Louise Rosoux qui s’occupe de la mobilisation à Sainte-Marie, Alexis Cima, élève à Saint-Louis, se donne également corps et âme pour instaurer un dialogue avec les élus locaux. Pendant que certains ramassent des déchets, il harangue ses camarades des premiers rangs, jusqu’à la fin du cortège. Environ 300 élèves, 400 de moins que lors du premier jeudi, quittent la vieille ville et traversent la Sambre. Le groupe se positionne en bas de la Citadelle, face au Parlement régional. Porté par ses camarades, Alexis empoigne son mégaphone: «Malheureusement, il n’y a pas de séance parlementaire aujourd’hui. Mais se tenir ici, en face du Parlement de notre région, est un symbole fort. J’espère que nous aurons un jour l’occasion de nous y rendre et de pouvoir échanger sur le climat avec les députés.» Alors qu’il remercie l’ensemble des élèves pour cette mobilisation, Stéphane Hazée, député Ecolo, et Éliane Tillieux, députée socialiste, se glissent à l’intérieur du groupe.
« Trop souvent, dans le monde politique, les questions financières et budgétaires prennent le dessus sur la réalité à laquelle nous sommes confrontés. » Éliane Tillieux, députée socialiste
Comme par magie, les deux élus invitent trois des étudiants responsables afin d’échanger sur des mesures concrètes. Une invitation à laquelle ne s’étaient pas préparés Alexis et les autres délégués. «Je comprends tout à fait l’inquiétude qui règne sur la question climatique. Trop souvent, dans le monde politique, les questions financières et budgétaires prennent le dessus sur la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Le message des étudiants est légitime et nous l’entendons. La porte au dialogue est donc grande ouverte», assure Éliane Tillieux. Après une heure de discussion au Parlement, élus et étudiants se disent satisfaits de ce premier échange. L’ensemble des mesures auxquelles les étudiants sont attachées ont été parcourues. Parmi elles, la gratuité des transports en commun jusqu’à 25 ans ou encore le choix du circuit court dans les cantines scolaires.
Sainte-Marie, l’école de la transition ?
Dans l’école du vieux Namur, la sensibilisation aux dérives de notre système et ses conséquences sur notre environnement est très prégnante. Arnaud Gavroy, directeur et membre Ecolo, insiste sur l’importance de cette mobilisation, et voit même apparaître l’ombre d’un nouveau mai 68… «Il ne s’agit plus du chômage, des problèmes économiques et sociaux auxquels nous sommes déjà confrontés, mais d’un phénomène qui remet en cause notre société. Il s’agit de la première génération qui subira de plein fouet cette crise sans précédent. Alors, quand les élèves ont manifesté leur désir de se joindre à la mobilisation, le corps enseignant et moi-même n’avons pas hésité une seule seconde à les soutenir.»
Pour ne pas perturber les cours du jeudi matin, un système d’effectifs tournant est mis en place. Une dizaine d’élèves de chaque classe de 5e et 6e prennent part à la manifestation. «15% des élèves de Sainte-Marie vont manifester. Les autres pourront aller à la prochaine mobilisation, et ainsi de suite», explique Arnaud Gavroy, qui a reçu l’accord du Secrétariat général de l’enseignement catholique (SeGEC). Pas d’opposition non plus du côté de la ville de Namur. Les marches pour le climat étant pacifiques, le collège ne rechigne pas. Le directeur souhaiterait aussi que ses élèves s’impliquent en dehors des heures de classes.
Il faut dire que l’école Sainte-Marie et écologie font bon ménage. Une classe de réflexion autour des questions environnementales a été mise en place il y a plus de dix ans. Le groupe ECO2 est accessible à n’importe quel élève et professeur motivés à l’idée de réduire son impact environnemental et de se sensibiliser au développement durable. Les projets varient chaque année: achat de papier recyclé pour les photocopieuses, campagne pour l’impression recto/verso, distribution de boîte à tartines, achat de poubelles adaptées au tri des déchets, bourse de livres d’occasion. ECO2 a remporté un concours mis en place par l’Éducation relative à l’environnement (Ere) donnant droit à une aide financière.
« Je ne fais pas le jeu d’Ecolo »
Ancien échevin, Arnaud Gavroy est toujours membre du Parti Ecolo. S’il ne s’en cache pas, le directeur de l’établissement insiste sur le fait qu’aucune politisation du mouvement et des élèves ne doit avoir lieu. «Je ne veux pas être le médiateur entre les étudiants et les élus. Se battre contre la destruction de notre planète ne doit plus seulement être le domaine des partis écologistes. Je ne veux en aucun cas faire le jeu d’Ecolo. Ce que nous vivons à l’heure actuelle concerne chaque être humain. Il faut conserver une solidarité sociale à toute épreuve, et mettre nos avis politiques de côté.»
«Les élèves doivent se cultiver et bien cerner les enjeux climatiques avant de se lancer dans un échange politique plus ciblé.» Arnaud Gavroy, directeur de la communauté scolaire de Sainte-Marie
Enfin, les mesures discutées entre élus et étudiants devront bientôt être instaurées au sein même de l’école. «J’ai l’intention de créer une plateforme de covoiturage pour les élèves et les professeurs. Un traitement des déchets plus sélectif va également être mis en place.» Côté pédagogique, les chapitres de plusieurs matières peuvent facilement se décliner autour des questions écologiques et environnementales. En histoire, en sciences, en mathématiques, en biologie, en français, en géographie, «les élèves doivent se cultiver et bien cerner les enjeux climatiques avant de se lancer dans un échange politique plus ciblé».
En savoir plus?
La «rue» est sacrément agitée cet hiver. Les mobilisations en tout genre se succèdent et suscitent de grands espoirs. Grèves, manifestations et autres mode de contestation sont au menu du dernier numéro d’Alter Échos.