La lutte contre l’insalubrité est légitime. Elle permet de combattre les propriétaires qui, sans scrupules, louent des taudis à des personnes à faibles revenus.Toutefois, il est dommage que les occupants fassent les frais de cette politique. Rien n’est prévu pour assurer leur relogement. C’est pour interpeller les autorités régionalesque Solidarités nouvelles1 a mis sur pied une journée de réflexion.
Le 22 février dernier, l’asbl de défense des locataires Solidarités nouvelles organisait une « Journée contre l’insalubrité mais avec les habitants». Elle faisait suite au colloque organisé en décembre et présentant les résultats de son enquête décennale sur la qualité de l’habitat. Àl’époque, ils avaient déjà mené une action d’interpellation pour signaler :
• son soutien à une politique efficace de lutte contre l’insalubrité ;
• la responsabilité première de propriétaires peu scrupuleux qui mettent en location des logements indignes ;
• les effets contre-productifs que la politique de lutte contre l’insalubrité produit sur le terrain.
« À Liège, à Nivelles, à Charleroi et ailleurs, des habitants sont deux fois victimes : d’abord d’habiter dans des logements insalubres, ensuite des mesures prisescontre cette insalubrité, signale l’asbl. Ils se retrouvent pratiquement en situation d’expulsion, sans avoir commis aucune faute et au terme d’une procédure qu’ils ont parfoiseux-mêmes enclenchée…! » Solidarités nouvelles dénonce le fait que si la réglementation actuelle prévoit la fermeture des logements insalubres, ellene prévoit rien concernant le relogement des habitants ou leur accompagnement au relogement. Et cela touche aussi les logements sociaux !
Les mauvaises pratiques
Ainsi, à Mons, dans le cadre de la déconstruction de tours de logements sociaux de Ghlin, il apparaît que les propositions de relogement par la société «Toit et moi » ne tiennent pas compte des souhaits légitimes des locataires qui doivent déménager. Pour avoir refusé un logement qu’ils considéraientinadapté, certains locataires se sont vus expulsés, constate Solidarités nouvelles. Ainsi, la Justice de Paix de Mons a condamné Mustapha Kerai à l’expulsion, enoctobre 2007, « pour des impératifs de sécurité, compte tenu de l’instabilité des sols sur lesquels sont implantés ces immeubles ». Dès lors,pourquoi n’évacue-t-on pas les autres locataires, s’interrogent certaines personnes.
À Liège, le bourgmestre a décidé de fermer le domaine de la Chartreuse, arguant de la dangerosité des logements mais sans se préoccuper du relogement desoccupants. Seule la mobilisation des associations de défense des mal-logés a permis d’apporter une solution – temporaire – au relogement des personnes (voirencadré).
Enfin, à Charleroi, des locataires ont reçu un arrêté de fermeture de leur logement – pourtant salubre –, tout simplement parce que le propriétaire aomis de demander le permis de location. « On atteint réellement l’absurde quand on sait que les habitants ont trois mois pour ‘déguerpir’ et qu’il n’existe pas de solutions derelogement adaptées et en suffisance. » D’autres intervenants pointent aussi l’existence d’un vaste projet immobilier et de revitalisation urbaine concernant la Ville Basse de Charleroi,ce qui expliquerait sans doute cette attitude de la commune
Expulsions de la Chartreuse
« Le 13 septembre fut la journée la plus noire, journée d’expulsions pour tous ces logements ! Une bonne dizaine de personnes se sont retrouvées à la caserne deSaive, dont trois de la Chartreuse. Pour les uns, ce fut un très bon souvenir, pour d’autres un très mauvais rêve mais là, au moins, les victimes ont étéprises en main par les services sociaux et ont été beaucoup plus soutenues. Cette solution était-elle la meilleure ? Est-ce bien humain de déplacer les personnes de caseen case comme sur un échiquier ? Que penser de cette famille de trois enfants, et dont la maman attend le 4e, expulsée de la rue Pierreuse à la caserne de Saive, de lacaserne de Saive à un logement de transit, en attendant une ultime solution ? »
Témoignages d’expulsés présentés lors du colloque.
Les revendications
À l’issue de la journée, Solidarités nouvelles a demandé aux autorités régionales et locales de mettre fin à la « double peine sociale pourles locataires victimes d’insalubrité ». L’association demande au ministre wallon du Logement, André Antoine (CDH), un moratoire pour qu’il n’y ait plus d’expulsions pour caused’insalubrité sans relogement. Ensuite, elle exige que les réglementations soient améliorées pour atteindre cet objectif.
Plus concrètement, les revendications de l’asbl sont les suivantes :
• que tous les moyens soient mis en œuvre tout au long de la procédure en matière d’insalubrité pour la rénovation des lieux et le maintien dans lelogement, à savoir :
– privilégier la rénovation des logements et le maintien dans les lieux ;
– développer et faire en sorte que soit appliquée la possibilité pour les communes de réaliser elles-mêmes les travaux de mise en conformité si lespropriétaires ne les font pas ;
• développer des solutions de logements adaptées, durables, accessibles en nombre suffisant :
– via l’augmentation du nombre de logements, notamment d’urgence, de transit et sociaux, réellement disponibles pour les communes particulièrement confrontées auproblème d’insalubrité ;
– via l’attribution prioritaire de logements sociaux pour les personnes victimes de l’insalubrité ;
• qu’un accompagnement au relogement et un suivi soit élaboré, en particulier pour permettre aux habitants de faire effectivement valoir leurs droits en justice. Par exemple,par le biais de cellules de crise ou de relogement.
Enfin, Solidarités nouvelles invite la Région wallonne à s’inspirer du Code du logement flamand, lequel prévoit la sanction directe du propriétaire et uneintervention réparatrice de ce dernier dans le coût du relogement du locataire.
1. Solidarités nouvelles :
– adresse : rue Léopold, 36 A à 6000 Charleroi
– tél. : 071 30 36 77
– courriel : sn.secretariat@skynet.be