L’homosexualité provoque encore souvent des réactions de rejet auprès de certains jeunes dans les maisons de jeunes. Pour débloquer ce tabou et défaire les préjugés, les éducateurs et travailleurs sociaux ont développé une série d’outils. Parmi eux, le festival « Ceci n’est pas un jeune », qui a pour thème les questions de discrimination, de sexisme et d’homophobie.
18 heures, rue Ransfort à Molenbeek. Sept jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans sont rassemblés dans la salle d’accueil de l’asbl La Rue, une association d’éducation permanente. Ce sont des jeunes du quartier, ils sont d’origines diverses : Maghreb, Europe de l’Est, Belgique… La plupart ont fréquenté auparavant le soutien scolaire, un atelier créatif ou d’autres projets proposés par l’asbl.
Ils se sont réunis ce soir avec Claire Verhaeren, leur coordinatrice, pour participer à un jeu de rôle un peu particulier. Il s’agit de se préparer à répondre aux questions des journalistes pour défendre un court-métrage qu’ils ont réalisé, à l’occasion de la deuxième édition du festival organisé par le collectif Ceci n’est pas un jeune. Le synopsis : dans une classe d’humanité, une dizaine d’élèves d’origines et milieux culturels divers sont tour à tour victimes et coupables de remarques racistes, sexistes ou homophobes.
« On espère que les gens vont changer d’avis sur leurs stéréotypes. Il ne faut pas que les spectateurs jugent les gens du premier coup », explique le petit groupe à propos de son travail.
Dans un premier temps, ils s’accordent pour dire que la réalisation de ce film a provoqué une remise en question de leurs propres préjugés. Cependant, malgré le travail de réflexion mis en place, les choses ne sont peut-être pas si claires. « J’ai eu du mal à faire l’islamiste gay parce que je n’aime pas les gays. C’était difficile de me mettre à la place de mon personnage », confie un des participants.
Pour Claire Verhaeren, coordinatrice du projet de cohésion sociale à La Rue, on ne peut pas viser le changement de mentalité des jeunes. « On peut juste espérer qu’ils vont quand même réfléchir. Notre but est de faire comprendre comment les mécanismes de discrimination et de rejet de l’autre se mettent en place. »
Outiller les travailleurs
Le court-métrage a été présenté le 8 mars à Flagey, avec toutes les autres réalisations du collectif Ceci n’est pas un jeune devant près de 1 500 spectateurs. Le collectif rassemble vingt associations de jeunesse bruxelloises. Son objectif est de valoriser les jeunes en diffusant leurs créations culturelles. Il vise à donner une autre image de la jeunesse : créative, pleine de potentiel et engagée dans la société et dans sa ville.
Pour sa 2e édition, le Festival présentait entre autres des films, des pièces de théâtre, des chants et des photos sur le thème des stéréotypes et des discriminations. Plus spécifiquement sur les questions de sexisme, d’homophobie et de racisme. Le thème du festival n’a pas été choisi par hasard. Certains sujets restent très difficiles à aborder avec certains jeunes des maisons de jeunes et ce n’est pas forcément lié à une maison ou un quartier en particulier.
Didier Deroy, co-coordinateur du festival « Ceci n’est pas un jeune » et coordinateur à la maison de jeunes de Ganshoren, est régulièrement confronté à des réactions homophobes : « On a déjà eu plusieurs fois des discussions assez difficiles. On a déjà eu des réactions choquées de jeunes qui nous disent ‘Vous nous donnez des informations sur le diable, c’est inadmissible, vous nous poussez à des actes pervers’. Parfois, du matériel pédagogique est détruit devant nous », raconte-t-il.
« On travaille avec des jeunes qui rencontrent plus de difficultés que d’autres et on remarque que ces jeunes ont une série de préjugés. Entre autres par rapport à la question de l’orientation sexuelle mais aussi, dans certains quartiers, par rapport aux relations hommes femmes. Je n’ai pas envie de caricaturer ou de rentrer dans un stéréotype mais il y a des couches de population à Bruxelles où les valeurs fondamentales d’égalité entre hommes et femmes sont remises en question. Ce n’est pas nouveau. On se rend compte que ça participe aussi d’un mouvement plus général. Il y a eu les manifestations en France contre le mariage pour tous ; c’est des choses qui vont conforter certains dans l’idée que c’est normal de ne pas aimer, de discriminer quelqu’un qui a une orientation sexuelle différente », explique Nathalie Heusquin, présidente de la Fédération des maisons de jeunes et coordinatrice du festival « Ceci n’est pas un jeune ».
L’éducation à la citoyenneté est une des missions principales des maisons de jeunes. « On doit remettre les stéréotypes en perspective. La grosse difficulté, c’est de trouver des jeunes qui ont envie de travailler sur ces sujets et à partir de là, de trouver les bons outils. On ne va pas arriver avec nos gros sabots en leur imposant notre vision », ajoute Didier Deroy.
Dans le cadre du festival, les équipes d’encadrants ont bénéficié de trois journées de formation à ces problématiques, avec la participation du Centre pour l’égalité des chances. « C’est super important parce que les équipes ne sont pas toujours équipées pour parler du sujet. On a tous des images qui ne sont pas justes et l’on doit pouvoir aussi se questionner nous-mêmes. »
Malgré l’importance des formations, bien souvent, le seul vrai outil pour lutter contre l’homophobie est la discussion. C’est ce qui permet à Faker Bou Qan Tar, éducateur au Centre de développement et d’animation schaerbeekois (Cedas) de faire évoluer l’état d’esprit des jeunes vis-à-vis des personnes homosexuelles. Saïd, 15 ans, refusait auparavant d’entendre parler de ce sujet. « J’avais beaucoup de clichés en tête sur les homosexuels. Dans ma religion, c’est interdit. Mais maintenant, j’ai compris que la religion interdit mais n’empêche pas de respecter les gens. »
En savoir plus
Ceci n’est pas un jeune : www.cecinestpasunjeune.be