"Manço et Feld : analyse et réflexion sur l'intégration de la "2ème génération""

L’intégration des jeunes d’origine étrangère dans une société en mutation…1. Résultat d’une enquête2 et organisé en six chapitres, celivre d’Altay Manço et Serge Feld3 brosse un tableau assez complet de l’intégration des jeunes issus de l’immigration au niveau scolaire, socioprofessionnel et socioculturel. Ilprésente également cette intégration « à l’épreuve de l’espace et du temps ». Tour d’horizon.
Le premier chapitre présente « la migration en Belgique francophone à l’aube du XXIe siècle ». L’analyse des caractéristiques démographiques des immigrés etdes jeunes issus de l’immigration fait apparaître trois axes, soulignent les auteurs : dynamique socio-démographique des familles et des jeunes immigrants ; impact des flux migratoiressur la structure et le volume de la population du pays d’accueil ; indices de l’intégration de la population étrangère. Parmi ceux-ci : l’investissement immobilier, le choix dusite d’habitation, l’attitude vis-à-vis du pays d’origine et du pays d’accueil, le développement de mariages mixtes…
Au niveau de la scolarité, thème du second chapitre, les auteurs présentent et analysent, chiffres à l’appui, les parcours scolaires des enfants belges et étrangersau niveau primaire, secondaire, supérieur et… postscolaire. Ils en présentent les caractéristiques et tentent de déterminer les causes des échecs.L’intérêt de leur travail est de proposer des comparaisons, pour le moins parlantes, entre nationalités… Il se penche enfin sur les effets de l’environnement socioculturelet familial sur la réussite scolaire.
L’accès au marché du travail des jeunes issus de l’immigration apparaît, dans un troisième chapitre, plus difficile. Altay Manço et Serge Feld en brossent rapidementles origines : « L’explication renvoie à un ensemble de facteurs tels que le niveau de scolarité, la qualification professionnelle, le capital financier et intellectuel transmis par lemilieu familial, le niveau d’aspiration, bref une combinaison où les déterminants personnels et familiaux s’articulent aux paramètres structurels du marché dutravail. »
Ils se focalisent ensuite sur une analyse de la main-d’œuvre étrangère active : taux d’emploi, de chômage, caractéristiques de l’emploi, secteur d’activité,conditions de travail, trajectoire et évolution professionnelle… Cette partie remet les pendules à l’heure par rapport à certains stéréotypes et permetd’appréhender la situation socioprofessionnelle des jeunes d’origine immigrée de l’intérieur, mais aussi avec le recul de l’analyse scientifique.
Le chapitre suivant aborde la question de la participation socioculturelle et des réseaux de solidarité. La vie associative des jeunes d’origine immigrée varie en fonction de lanationalité et du temps de présence en Belgique. Elle est davantage tournée (mais est-ce spécifique à ce seul groupe sociologique ?) vers les groupes socioculturelsou religieux auxquels appartient la famille…
Les dimensions spatiale et temporelle sont les objets des deux derniers chapitres du livre. Ils analysent respectivement :
> Les phénomènes de concentration géographique, notamment les mécanismes de « ghettoïfication », leur impact en termes de scolarité, d’accès àl’emploi, de participation.
> L’évolution de l’intégration et des politiques d’intégration des 1re et 2e générations (pour laquelle une définition est proposée), notamment entermes de mobilité ou de reproduction sociale. Ainsi que le niveau d’aspiration socioprofessionnel entre générations et leur taux de réussite, principalement par le biaisde la scolarité et de l’emploi.
L’intégration des jeunes d’origine étrangère dans une société en mutation… est un outil d’analyse et de compréhension des flux migratoires et (desdifficultés) d’intégration des jeunes immigrés « de la deuxième génération » qui s’adresse à tous professionnels de l’éducation scolaire oupermanente et des services sociaux confrontés à la question de l’insertion scolaire, socioculturelle et professionnelle de ces populations. Il ouvre aussi la porte à unebibliographie bien fournie sur le thème. À lire, à l’heure où l’ordre du jour politique se penche avec une insistance croissante sur la solution de l’immigrationéconomique face aux supposées pénuries de main-d’œuvre.
1 Serge Feld et Altay Manço : L’intégration des jeunes d’origine étrangère dans une société en mutation. L’insertion scolaire, socioculturelle etprofessionnelle en Belgique francophone, Éditions L’Harmattan, collection Logiques sociales, Paris, juin 2000. Disponible en librairie.
2 Enquête menée auprès de la population des jeunes issus de l’immigration par le GRESP (Groupe de recherches économiques et sociales sur la population).
Altay Manço : docteur en psychologie et maître de conférences de et à l’Université de Liège. Il codirige l’Institut de recherche, de formation et d’action surles migrations (IRFAM) et enseigne à l’Université de Paris V (Sorbonne). Serge Feld : professeur ordinaire à la faculté d’économie et de sciences sociales età la faculté de droit de l’Université de Liège. Il dirige le GRESP.