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Regard critique · Justice sociale

Migrations

Marche arrière sur la régul'

Un an et demi après l’opération de régularisation des sans-papiers, l’Office des étrangers semble durcir le ton sur le traitement de ces dossiers.

12-06-2011 Alter Échos n° 317

En 2009, la Belgique a mené une vaste opération de régularisation des sans-papiers. Un an et demi plus tard, l’Office des étrangers semble durcir le ton sur letraitement de ces dossiers.

Du 15 septembre au 15 décembre 2009, la Belgique menait une vaste opération de régularisation des sans-papiers. Durant cette période, les étrangers pouvant seprévaloir d’un « ancrage local durable » ont eu la possibilité d’introduire une demande de régularisation. L’opération prévoyaitque aussi que les sans-papiers puissent être régularisés sur base d’un contrat de travail.

L’échec de la régul’ par le travail

Selon les derniers chiffres fournis par Melchior Wathelet, secrétaire d’Etat à la politique de Migration et d’Asile1, environ 24 200 personnes ont étérégularisées en 2010. Ces chiffres ne donnent aucune indication de la ventilation en fonction des critères mais, pour le Ciré, il apparaît d’emblée que« si un nombre important de personnes ont pu être régularisées sur base du critère de l’ancrage durable local, la régularisation par le travail, enrevanche, est plutôt une déception. »

Un an et demi plus tard, de nombreuses personnes attendent toujours une décision. La députée fédérale écolo Zoé Genot2 s’inquièted’un durcissement de la part de l’Office des étrangers dans le traitement de ces dossiers. Certains ont pu voir leur demande acceptée en 2010 alors que d’autres, sur based’éléments identiques, ont essuyé un refus en 2011. La députée pointe, entre autres, le flou qui entoure la notion de « tentative crédible d’avoirrégularisé son séjour ». Avoir consulté un avocat semblait suffire au début, ce n’est plus le cas aujourd’hui. « Lors des séancesd’information qui ont été données juste après la publication de l’instruction sur la régularisation, l’interprétation donnée au texte étaitplutôt extensive et optimiste. La réalité aujourd’hui ne correspond pas à ce qui avait été annoncé par M. Wathelet », regrette ZoéGenot. Un sentiment que l’on partage du côté du Ciré. « Il y a effectivement un retour en arrière de la part de l’Office des étrangers. Même si leCiré a pu obtenir un certain nombre de garanties sur des points techniques grâce à sa participation au comité de suivi », commente Coralie Hublaut, juristespécialisée en ces matières.

C’est que le contexte est sensible. Réforme de la loi sur le regroupement familial, débat pour restreindre le Code de la nationalité… ces derniers temps, les voix de droitese font entendre haut et fort au Parlement (Lire notre édito, Alter Echos n° 315 : «Feu à volonté sur le droit desétrangers »). « Mon sentiment est qu’il y a un durcissement lié au climat général sur les questions d’asile. Melchior Wathelet estvéritablement harcelé de questions par les parlementaires de la NVA, visiblement bien informés par des gens de l’Office des étrangers », observe ladéputée connue pour ses prises de position en faveur des sans-papiers.

L’absence de commission

Zoé Genot interpellait récemment Melchior Wathelet sur l’interprétation des critères de la régularisation faite par l’Office des étrangers. Elles’étonnait, par exemple, que des contrats de travail ne soient pas jugés valables au seul motif que le salaire déclaré était inférieur de quelques euros ausalaire minimum, l’employeur ayant oublié de tenir compte de l’indexation. « C’est dommage parce que des employeurs avaient trouvé des personnes susceptibles de leurconvenir. Ils s’étaient engagés dans cette démarche et n’ont pas compris ce manque de souplesse minimale leur enjoignant de respecter des règles àpropos desquelles ils n’étaient pas toujours très bien informés. »

Trop tatillon, l’Office des étrangers ? La création d’une commission, comme celle mise en place lors de la précédente opération de régularisation en 2000,aurait permis d’y voir plus clair. Cette commission – composée d’un avocat, d’un juge, d’un spécialiste des Droits de l’Homme – avait examiné des milliers dedossiers, donnant ainsi naissance à une véritable jurisprudence.

Une commission consultative a bien été mise en place pour l’opération de 2009. Mais elle n’est en rien comparable. A ce jour, elle n’a traité qu’une petite centaine dedossiers. Son rôle se bornant à examiner, sur demande de l’Office des étrangers, les cas où le critère de l’ancrage durable serait controversé. Si ses avissont généralement suivis, l’Office des étrangers n’y est d’ailleurs nullement tenu.

1. Cabinet Wathelet :
– adresse : rue de la Loi, 51 à 1040 Bruxelles
– tél. : 02 790 57 11
– courriel : info@wathelet.fed.be
– site : www.melchiorwathelet.be

2. Zoé Genot :
– adresse : rue de Louvain, 21 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 549 90 59
– courriel : zoe.genot@ecolo.be
– site : www.zoegenot.be

Sandrine Warsztacki

Sandrine Warsztacki

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