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Regard critique · Justice sociale

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"Marchés publics aussi pour PME, artisans et entreprises sociales"

12-02-2001 Alter Échos n° 91

La Fondation Roi Baudouin vient de publier quatre « guides destinés à promouvoir l’accès des PME, artisans et entreprises à finalité sociale aux marchéspublics »1. « Nous constatons que les pouvoirs publics sont souvent mal renseignés sur la manière de rédiger un cahier des charges pour un marché public, explique DominiqueDepuydt2, directeur adjoint à la FRB. Par ailleurs, les publics concernés rencontrent de sérieux problèmes à souscrire à ce type de marché. Pourtant,il offre un potentiel énorme3 , et cela éviterait des sous-traitances malheureuses. Mais ne simplifions pas à outrance, la matière reste complexe. » Les guides ontété rédigés par Jacques Noël, Ann Lawrence Durviaux4 et Françoise Navez5.
Particularité intéressante des guides, dans le fascicule II, la juriste Françoise Navez répond à la question suivante : Est-ce que les marchés publicspeuvent servir à lutter contre l’exclusion sociale ou, autrement dit, est-ce que les entreprises sociales peuvent souscrire aux marchés publics ? « Dans les différentesétapes du processus du marché public, la phase de spécification avec l’établissement des critères d’attributions est le point clef de la décision pourl’introduction de clauses sociales (emploi ou formation) », explique la juriste liégeoise. « Nous avons clairement voulu effectuer une discrimination positive et présenter le type demarché où la clause sociale est possible », ajoute Jacques Noël, juriste spécialiste en marchés publics.
« Mais attention, il faut rester en dessous des seuils européens (montant maximum), précise Françoise Navez, et, en Belgique, les clauses sociales sont toujours en manque delégislations6. Par ailleurs, au vu des rares expériences réalisées (en Wallonie, Flandre et Bruxelles), que ce soit pour les clauses sociales « formation » ou « emploi », onconstate deux dysfonctionnements : l’encadrement des publics en formation ou mis à l’emploi et le contrôle de la mise en œuvre de la clause sociale par le pouvoir adjudicateur. Lepremier, s’il est mal géré, occasionne un échec « supplémentaire » pour le bénéficiaire et donc un enlisement dans l’exclusion. Le second dysfonctionnement estune réalité. Les pouvoirs adjudicateurs ont des réticences à contrôler l’exécution des marchés et les clauses y afférentes. En formation, parexemple, il n’est pas rare de voir un manque de coordination entre le pouvoir local adjudicateur, le Forem, l’entreprise adjudicatrice et l’acteur d’économie sociale spécialiséen formation de ce type… Finalement, on en arrive à des situations où l’entreprise, au vu des échéances, retards,…, préférera payer lebénéficiaire à ne rien faire, quitte à l’envoyer au café du coin, plutôt que de l’avoir dans les pieds au moment du « rush » de fin de chantier. »
A l’heure où la tendance pousse à l’introduction de clauses environnementales, de clauses « commerce équitable », de clauses « développement durable », le chemin est encorelong entre bonnes volontés et réalisation. Au vu du potentiel des marchés publics, le jeu en vaut la chandelle. L’État consommateur… une occasion rêvéepour les pouvoirs publics de joindre les actes à la parole. Pourtant, le chemin n’est pas tout tracé pour l’économie sociale. Après deux ans de démarches,l’entreprise de formation par le travail « 1 001 Choses à faire » vient d’obtenir une agréation comme entrepreneur éligible pour des marchés publics suite à unedécision récente de la Cour d’arbitrage. Une première en Wallonie. Active dans le secteur de la construction, cette asbl est considérée comme « concurrentdéloyal » par les autres entreprises du secteur qui exprimaient des réticences face à un tel précédent7.
1 Pour obtenir les fascicules, tél. : 070 233 728
2 FRB, rue Brederode 21 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 511 18 40, site Web : http://www.kbs-frb.be
3 Pour ceux qui en douteraient encore, d’après les chiffres obtenus et disponibles auprès de la banque Dexia (ex-Crédit communal), on estime à 200 milliards de francs lemontant annuel destiné aux marchés publics par les pouvoirs locaux (ensemble des provinces, communes et CPAS belges (hors hôpitaux).
4 Jacques Noël et Ann Lawrence Durviaux, du Centre d’études, de Services et de Formation en matière de marchés publics (ESIMAP – Charleroi).
5 Françoise Navez, juriste spécialisée du Centre d’économie sociale de l’Université de Liège, tél. : 04 366 31 39.
6 La question continue de faire son chemin dans l’ordre du jour politique. Dernier exemple en date, la proposition de résolution qu’un groupe de députés a déposée(28 septembre 2000) à la Chambre, relative à l’introduction de clauses sociales dans les marchés publics de l’État fédéral et des entités publiquesqui en dépendent (doc. n°50-0888/001).
7 Nous y reviendrons dans notre prochain numéro.

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