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Marre des clichés sur les familles recomposées

Vous pensez qu’une famille recomposée est la nouvelle association de deux parents célibataires qui forment ensemble une famille nombreuse en additionnant la marmaille de l’une et de l’autre ?

22-06-2012 Alter Échos n° 341

Vous pensez qu’une famille recomposée est la nouvelle association de deux parents célibataires qui forment ensemble une famille nombreuse en additionnant la marmaille de l’une et de l’autre ? Eh bien, détrompez-vous !

La Ligue des familles1 vient en effet de publier une étude détaillée sur les familles nombreuses, basée sur une enquête menée par l’institut Dedicated auprès de 1533 personnes représentatives des plus de 18 ans en Fédération Wallonie-Bruxelles. Il en ressort que 55 % des familles recomposées ne comportent qu’un ou deux enfants, et 73 % comptent maximum trois enfants. On est loin de l’image d’Epinal de la famille constituée des trois enfants de l’un et des quatre de l’autre, auxquels vient s’ajouter un petit dernier commun aux deux nouveaux parents.

Ceci dit, 45 % des familles recomposées sont des familles nombreuses, ce qui représente une proportion nettement plus importante que par rapport aux familles « classiques » (0,20 %). Par ailleurs, une personne sur quatre en situation de famille recomposée était auparavant célibataire et sans enfant, et une sur quatre était auparavant célibataire avec enfants. Ce qui veut dire qu’une personne sur deux a fait le saut direct de l’ancienne famille à la nouvelle famille, « sans passer par la case célibataire », relève la Ligue des familles.

Les familles recomposées ne sont ni l’apanage des jeunes, ni le fait des classes sociales pauvres. La recomposition familiale traverse les âges et les classes sociales, selon l’étude. Autre enseignement de taille de l’étude menée par la Ligue : les familles recomposées vont bien ! « La demande principale pour améliorer leur vie est… que rien ne change », indique l’étude. L’entente entre beaux-parents et beaux-enfants est bonne et la source des discussions et des disputes n’est pas en lien avec la recomposition familiale.

L’étude révèle aussi qu’entre ex-parents, des accords « argent » (de l’homme vers la femme) contre « tâches quotidiennes » (de la femme vers l’homme) sont fréquemment observés. Ceci dit, la Ligue note que « Ce sont les hommes qui trouvent sensiblement plus leur compte dans ces accords que les femmes »…

Dans son numéro de juin 2012, Eduquer, une publication de la Ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente2, consacre un dossier complet aux nouvelles familles. Marie-Thérèse Casman, sociologue à l’université de Liège3, y relève qu’actuellement, les familles recomposées constituent environ 10 % des formes familiales. La famille nucléaire, traditionnelle, « a longtemps été le modèle familial de référence et est encore le plus répandu en Europe ». Les familles homoparentales et les familles qui adoptent sont de plus en plus nombreuses. Enfin, aujourd’hui, un quart des familles sont monoparentales. Et dans la majorité des cas (85 %), c’est une femme qui vit seule avec ses enfants.

Femme seule avec enfants, précarité en vue

Pour peu que la femme n’ait pas travaillé du tout ou ait eu un travail à temps partiel et qu’elle n’ait pas un niveau d’instruction élevé, elle se retrouve, après divorce ou séparation, dans une situation de précarité certaine.

C’est aussi le constat de l’étude de la Ligue des familles, qui met en relief un profil particulier et assez fréquent : celui de la jeune femme, devenue mère célibataire très rapidement. « La recomposition d’un foyer apparaît comme un nouveau départ et la fin d’une solitude et d’une précarité certaine », souligne la Ligue des familles. A ce sujet, on relira avec intérêt notre article paru il y a deux ans déjà, intitulé « Portrait du pauvre type » et dans lequel on découvrait que le pauvre wallon type est une mère de famille seule avec ses deux enfants. Il est donc important de continuer de promouvoir que les jeunes filles et jeunes femmes aient un diplôme et travaillent. Et il faut mettre en place les équipements collectifs – de garde d’enfants, notamment – qui permettront aux femmes d’exercer un métier et d’avoir des enfants.

« Les femmes aspirent à travailler et avoir des enfants », explique Marie-Thérèse Casman, relevant que, dans les pays du sud de l’Europe, les politiques sont telles que les femmes doivent choisir entre l’un et l’autre, et la natalité est moins importante. Au contraire des pays du nord, où les équipements collectifs d’aide aux femmes sont sensiblement plus nombreux et où les politiques permettent aux pères de s’investir dans l’éducation des enfants, entre autres facteurs favorisant une vie harmonieuse pour les femmes qui associent maternité et travail. En Belgique, nous sommes un peu entre les deux, selon Marie-Thérèse Casman.

1. Ligue des familles :
– adresse : avenue E. de Béco, 109 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 507 72 11
– site : https://www.citoyenparent.be/Public/ligue/
2. Ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente :
– adresse : rue de la Fontaine, 2 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 512 97 81
– courriel : info@ligue-enseignement.be
– site : http://www.ligue-enseignement.be
3. Université de Liège Département des Sciences de la santé publique, Bât. B13 PSBH
– adresse : chemin du Trèfle, 1 à 4000 Liège
– site : http://www.ulg.ac.be

Arnaud Gregoire

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