C’est la deuxième année que Médecins du monde propose aux sans-abri une vaccination contre la grippe. «C’est un vrai besoin pour ces personnes souvent exclues du système de santé, explique Sébastien Kervyn, responsable de la campagne de vaccination pour MDM. Ils n’ont souvent pas accès à un médecin traitant, et donc pas accès aux vaccins.»
C’est encore plus vrai en cette année de quasi-rupture de stock des vaccins contre la grippe, qui s’explique par la crainte de la population d’associer grippe et Covid dans un cocktail fracassant. Médecins du monde a donc «sécurisé» 450 doses à destination de personnes qui présentent des profils à risque. On parle des personnes les plus vulnérables, donc des sans-abri de plus de 65 ans qui présentent des facteurs de risque: maladies chroniques, diabète, problèmes respiratoires.
Pour l’instant, 214 doses ont été injectées. L’ONG propose cette vaccination dans les centres d’hébergement d’urgence du Samusocial, de la Croix-Rouge, mais aussi via les consultations mobiles de son Médibus (Lire «Medibus roule pour les sans-abri et les toxicomanes», AÉ n°374, janvier 2014)), et dans des structures gérées par ses partenaires, comme la plate-forme citoyenne de soutien aux réfugiés, l’asbl Doucheflux, ou encore en lien avec l’association des infirmiers de rue. L’opération de vaccination s’étire d’octobre à fin décembre. «Pour l’instant, nous avons doublé le nombre de vaccinations par rapport à l’an passé à la même période», explique Sébastien Kervyn.
«Dans la rue, les gens sont plus vulnérables, il faudrait éviter des doubles infections au Covid et à la grippe, qui pourraient se révéler dangereuses» Sébastien Kervyn, responsable de la campagne de vaccination
Soulager les sans-abri et ne pas engorger les hôpitaux
La vie en rue fragilise la santé des sans-abri. 45% des résidents de centres d’hébergement souffrent de maladies chroniques, nous dit Charlotte Lonfils, coordinatrice du programme «promotion de la santé» chez MDM. La grippe peut facilement engendrer des complications au sein de cette population et se transmettre dans des lieux clos et habités par de nombreuses personnes, comme le sont les lieux d’hébergement d’urgence. C’est d’autant plus vrai qu’en période de Covid, les dangers sont démultipliés. «Dans la rue, les gens sont plus vulnérables, il faudrait éviter des doubles infections au Covid et à la grippe, qui pourraient se révéler dangereuses», ajoute Sébastien Kervyn. Dans une étude menée à l’hôpital Saint-Pierre, dont les résultats ont été présentés en août dernier, Nicolas Dauby, spécialiste en maladies infectieuses, estimait que «le risque d’être hospitalisé pour Covid-19 est trois fois plus élevé chez les personnes sans abri».
Les groupes à risque du Covid et de la grippe sont en grande partie similaires, rappelle la docteure Marieke Priem, conseillère santé chez Médecins du monde. Et d’ajouter: «L’un des objectifs poursuivis avec cette campagne de vaccination, c’est aussi d’éviter la surcharge des hôpitaux», déjà sous tension permanente depuis plusieurs mois.
Une partie des sans-abri accepte volontiers de se faire vacciner. Ils sont désormais accueillis jour et nuit et ont bénéficié d’un accueil pendant la période estivale. «Avec le Covid, on est un peu sortis de la logique de pure urgence hivernale. Les gens se reposent et sont davantage prêts à entamer des démarches pour leur santé», constate Charlotte Lonfils.
Malgré cette tendance positive, les débats relatifs à l’acceptation vaccinale traversent aussi les populations de sans-abri. «Beaucoup sont réceptifs, mais d’autres sont sceptiques et pensent qu’ils servent de cobayes pour le vaccin contre le coronavirus», regrette Sébastien Kervyn.