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Regard critique · Justice sociale

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Même vide de sens, un problème reste un problème

Proposer des services d’intérêt à la collectivité aux chômeurs de longue durée? C’est ce que prévoit le nouveau gouvernement fédéral. Une mesure qui paraît vide de sens.

Illustration de Lucie Castel pour le numéro 483 "Covid-19 : le naufrage"

«Though my problems are meaningless, that don’t make them go away.» «Bien que mes problèmes soient vides de sens, cela ne les fait pas disparaître.» On n’aurait pas pu trouver mieux que cette phrase, tirée de «On the Beach», un morceau dépressif, mais ô combien addictif de Neil Young, pour illustrer les fameux services à la collectivité proposés aux chômeurs de longue durée par le nouveau gouvernement fédéral. Le tout pour deux demi-journées par semaine, potentiellement de manière obligatoire et en échange d’un gel probable de la dégressivité des allocations de chômage. Au regard des autres joyeusetés auxquelles les demandeurs d’emploi doivent faire face depuis quelques années, ces quelques moments à ramasser des feuilles mortes à la pelle paraissent presque «secondaires». À ce propos, on ne peut pas dire non plus que le bilan du gouvernement précédent soit fulgurant en matière de chômage et d’emploi… Certes, il était censé être plus «à gauche». Cela ne l’a pas empêché de prendre une série de mesures qu’il se serait empressé de dénoncer avec véhémence s’il s’était trouvé dans l’opposition. Et qui à bien des égards étaient plus dures que ce qui a été annoncé par le gouvernement Michel dans ce domaine. On ne s’acharnera donc pas ici sur le nouveau gouvernement fédéral… qui n’a encore rien mis en place à ce niveau. «Wait and see», pour rester dans les citations anglaises.

Mais même en les considérant un peu cyniquement comme «secondaires», ces travaux d’intérêt général semblent vides de sens et problématiques pour les chômeurs. Dans les autres entités où ils ont été mis en place (Rotterdam, notamment), les conclusions paraissent mitigées. Pourquoi vouloir dès lors instaurer un tel système en Belgique? La question mérite d’être posée. Parce qu’ici, on ne se trouve pas dans le «technique», dans le calcul d’une économie, dans le fait de savoir si prendre telle ou telle mesure viendra grever, ou maintenir, tel ou tel acquis social. On se situe dans le domaine du symbolique. Une symbolique un peu déprimante qui fait du chômeur un type profitant parfois de la collectivité. Et qui devrait bientôt se trouver pris en tenaille. Pourquoi? Le raisonnement est simple: le fédéral propose des services à la collectivité aux chômeurs. Les effectuer pourrait leur permettre d’échapper à la dégressivité de leurs allocations de chômage. Or, ne voilà-t-il pas qu’Éliane Tillieux, ministre de l’Emploi en Wallonie, fait savoir tout le mal qu’elle pense de ces services. La Région wallonne (et Bruxelles? Didier Gosuin ne semble pas non plus très enthousiaste), partiellement compétente en la matière, ne devrait pas permettre leur mise en place. En refusant de s’associer à une mesure polémique imaginée par le fédéral, la Région risque paradoxalement de «priver» «ses» chômeurs d’une possibilité de se prévenir de la dégressivité des allocations… Un système — et une situation — vide de sens. Mais qui risque de s’incruster pour un certain temps.

 

 

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste

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