La Belgique a été condamnée par le Comité des droits sociaux du Conseil de l’Europe pour avoir laissé des Mena à la rue. Au gouvernement, on estime que le problème est réglé. Les associations réclament des « solutions structurelles ».
La Belgique a été condamnée. Le 21 mars 2013, le Comité des droits sociaux du Conseil de l’Europe a rendu publique sa décision concernant l’accueil des mineurs étrangers non accompagnés (Mena) en Belgique. Le fait d’avoir laissé des centaines de Mena à la rue pendant des années, lorsque le réseau d’accueil des demandeurs d’asile était saturé, constituait, selon le Comité, une « violation du droit à une protection spéciale contre les dangers physiques et moraux, du droit à la protection de la santé et du droit à une protection sociale, juridique et économique de la Charte sociale européenne ». La décision rendue est sans appel, on y parle « d’incapacité persistante des dispositifs d’accueil en Belgique ».
Une telle décision n’engage pas à grand-chose. Son suivi est censé être assuré par le Conseil des ministres du Conseil de l’Europe qui peut adresser des recommandations à l’Etat mis en cause.
Cet impact limité n’empêche nullement l’association ayant introduit la « réclamation » – Défense des enfants international1 – et ses partenaires – Service droit des jeunes et plate-forme Mineurs en exil – d’y voir une victoire. Une telle décision confirme ce qu’elles dénoncent haut et fort depuis des années. Pour Benoît Van Keirsbilck, directeur de DEI, « la Belgique doit respecter cette décision », arguant qu’elle « est utilisable dans le cadre de recours par exemple ».
« Pour nous, c’est réglé »
Du côté du cabinet de Maggie De Block (Open VLD), secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, cette décision ne fait ni chaud, ni froid. « Pour nous, c’est réglé, déclare Els Cleemput, porte-parole de Maggie De Block. Tous les mineurs étrangers, y compris les non-demandeurs d’asile, ont été accueillis. » Il est vrai que cet hiver, contrairement à l’année passée, des solutions ont été trouvées en urgence. Aux associations qui réclament des « solutions structurelles », la porte-parole de la ministre affirme que justement, cet accueil hivernal pour les Mena « est devenu structurel. Comme ça n’avançait pas avec les Communautés, nous avons lancé des mesures. » Une information dont se réjouit Benoît Van Keirsbilck « si elle est bien avérée ».
En pointant du doigt les Communautés, la porte-parole de la secrétaire d’Etat fait allusion aux discussions qui traînent depuis des années entre Communautés et Fédéral sur la répartition des compétences en matière d’accueil des Mena. On sait que depuis 2009, des échanges ont lieu en vue de rédiger un protocole clarifiant les responsabilités de chacun. Les associations réclament « depuis des années » qu’un tel protocole soit adopté. Un des enjeux d’un tel texte serait de pouvoir répondre à cette question : à quel moment les Communautés doivent-elles prendre en charge un mineur étranger non accompagné ? « Ces critères sont en discussion », nous dit-on au cabinet d’Evelyne Huytebroeck (Ecolo), ministre Communauté française de l’Aide à la jeunesse, à propos du « protocole de collaboration qu’il faut finaliser ».
Un protocole adopté en catimini
Des places qui se libèrent dans les centres d’accueil et un réseau moins saturé permettent d’offrir un gîte aux Mena. Pour Benoît Van Keirsbilck, il faut creuser un peu plus : « Il faut relativiser le fait que des places se libèrent. On vide les centres en interdisant leur accès dès la deuxième demande d’asile. En restreignant l’accès à l’aide juridique. En conditionnant l’accueil des familles à l’acceptation d’un trajet de retour. » C’est un contexte général de « pressions » que le directeur de DEI dénonce. Dernier exemple en date : un protocole d’accord adopté en catimini par Fédasil, l’Office des étrangers et le Service des tutelles. Ce protocole, révélé récemment par le site d’information en ligne « Apache », permet, entre autres choses, de considérer qu’un Mena qui ne se présente pas à deux reprises aux convocations de l’Office des Etrangers est présumé majeur. « Notre sentiment est qu’il existe une stratégie pour éviter que les mineurs n’entrent dans les systèmes de protection », conclut Benoît Van Keirsbilck.
1. Défense des Enfants International (DEI) :
– adresse : rue du Marché aux Poulets, 30 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 203 79 08
– courriel : info@dei-belgique.be