L’accueil des mineurs étrangers non accompagnés (Mena) varie d’un centre Fedasil à l’autre. Chaque centre met en place des projets pédagogiques spécifiques en fonction de son public. Seul objectif commun, celui de rendre autonomes des jeunes en difficulté. Visite dans les centres de Florennes, Rixensart et Morlanwelz.
Malika a 17 ans. Cette jeune Guinéenne est arrivée en Belgique en juin 2012. Comme tous les Mena, elle a dû passer dans un centre d’observation et d’orientation (COO) avant d’être envoyée à Florennes dans le sud de la province de Namur. « C’est dur de vivre ici, loin de son pays. Je n’ai pas décidé de venir en Belgique, ce n’était pas mon idée », explique-t-elle avec émotion. Aujourd’hui, Malika va dans une école près du centre. Elle est en 3e secondaire, mais là aussi, les difficultés sont nombreuses. « C’est dur parce qu’on me rejette, les élèves ne me parlent pas, cela décourage d’aller en classe. Pourtant, j’ai envie d’apprendre et de devenir plus tard avocate », ajoute la jeune fille.
A Florennes1, ils sont une soixantaine de Mena comme Malika dans un centre qui compte au total 380 résidents. Ces jeunes viennent principalement de Guinée comme elle, mais aussi d’Afghanistan. Ils sont âgés entre 15 et 18 ans et résident au sein d’une unité de vie séparée, avec leur propre équipe d’accompagnateurs. Dans tous les centres Fedasil, on distingue désormais deux types de mineurs non accompagnés, les encadrés et les autonomes. Une mesure prise en réponse à la crise de l’accueil des Mena pour augmenter les capacités d’hébergement et rendre les centres plus structurels dans l’accompagnement de ces jeunes.
Pour passer d’une catégorie à l’autre, il faut être au moins âgé de 17 ans, être relativement autonome et maîtriser la langue française. A Florennes, pour accompagner cette transition pas toujours évidente, le centre est en train de mettre en place un coin cuisine pour les mineurs autonomes.
Préparer sa vie en dehors du centre
« L’idée, c’est d’aider le jeune à préparer sa vie en dehors du centre en lui apprenant à gérer un budget et à prendre des initiatives pour s’occuper d’une cuisine. C’est aussi l’occasion pour chaque jeune de s’exprimer d’une façon positive en préparant pour les autres une recette de son pays ou des soirées à thème. Car la priorité de notre accompagnement des Mena, c’est de les amener à être autonomes », souligne Stéphane Puissant, coordinateur pour les Mena à Florennes.
A côté de cela, toujours pour accompagner ces jeunes, le centre a mis en place cette année une école des devoirs. Car l’une des grosses difficultés dans le suivi des Mena, c’est de les faire intégrer dans un parcours scolaire. « Miser sur la scolarité, cela permet de donner un cadre et un rythme de vie pour des jeunes qui sont souvent en perte de repères familiaux et culturels. En mettant en place une école des devoirs, cela permet d’accrocher le jeune dans un cadre scolaire, de l’aider dans son travail, de suivre et de valoriser ses progrès », ajoute Stéphane Puissant.
A Rixensart avec des jeunes mères
Le centre Fedasil de Florennes est loin d’être le seul à mettre en place des projets spécifiques d’accompagnement. A Rixensart[x]3[/x], le centre accueille depuis 2007 des jeunes filles enceintes et des jeunes mères. Elles sont une quarantaine aujourd’hui contre vingt à l’époque des débuts. « Par rapport à l’accueil dans les autres centres, les difficultés sont différentes chez nous. Outre l’accompagnement de ces jeunes dans leur souffrance de l’exil et de la fuite, outre la reconstruction de repères dans un pays qu’elles ne connaissent pas, outre le travail sur l’autonomie, on doit aider ces jeunes filles à devenir mères et à s’occuper d’un enfant, souvent le fruit d’une agression sexuelle », explique Hippolyte Kisondé, coordinateur des Mena à Rixensart. L’autre difficulté, c’est la scolarité de ces jeunes mères. Pour les aider à la poursuivre, le centre a mis en place en 2008 sa propre garderie : l’espace Kirikou. Ainsi, les jeunes résidentes peuvent suivre leur scolarité tout en confiant leurs enfants au personnel de la crèche durant la journée. « Une fois que ces jeunes filles sont intégrées dans un processus scolaire ou qu’elles entrent en formation, elles vont jusqu’au bout. Même si avec leur maternité, elles accusent un retard par rapport aux autres jeunes dans la même situation. Surtout que ces jeunes filles arrivent directement chez nous, sans passer comme les autres Mena dans un centre d’observation et d’orientation. On doit donc faire le travail en amont ici pour que ces jeunes puissent avoir les premiers outils en leur donnant des cours de citoyenneté », poursuit le coordinateur.
Un projet éducatif individualisé
Autre expérience, celle du centre de Morlanwelz2 qui accueille une quarantaine de mineurs non accompagnés. Dès l’arrivée du jeune dans le centre se met en place avec son éducateur-référent le PEI, le projet éducatif individualisé. Durant tout son séjour, le jeune élabore un plan de travail en établissant des objectifs en matière scolaire. Tous les mois, en compagnie de son éducateur, le jeune peut évaluer son évolution, ses progrès comme ses difficultés. Pour Stéphane Mathieu, coordinateur des Mena à Morlanwelz, cela professionnalise le travail de l’éducateur, mais cela responsabilise surtout le jeune afin de lui éviter de tomber dans le décrochage scolaire.
Car pour les éducateurs, le point le plus difficile à travailler, c’est celui justement de la scolarité. Certains jeunes sont en décrochage. C’est alors un long travail de persuasion et de conviction. « On constate souvent que les jeunes qui approchent de l’âge de 18 ans veulent arrêter d’aller à l’école, on essaie alors de leur expliquer l’importance d’aller en classe », explique Michaël Clément, éducateur à Morlanwelz.
En outre, le centre organise chaque mois un groupe de paroles avec les Mena. L’occasion de prendre la parole, de faire part de ses attentes ou de ses frustrations. « Le fait de se retrouver seul dans un pays que vous ne connaissez pas, sans repères, sans cadre familial, c’est une violence terrible pour un jeune. C’est pour cela qu’on doit mettre des initiatives de ce genre pour travailler à l’autonomie du jeune, pour l’aider à vivre dans une communauté où se retrouvent des dizaines de nationalités et pour s’intégrer dans un processus de scolarisation, parfois très lourd pour des jeunes qui ne sont pas venus en Belgique pour aller à l’école », souligne encore Stéphane Mathieu.
1. Centre d’accueil de Florennes :
– adresse : rue Henry de Rohan Chabot, 120 à 5620 Florennes
– tél. : 071 68 11 00
– courriel : info.florennes@fedasil.be
2. Centre d’accueil de Morlanwelz :
– adresse : chaussée de Mariemont, 92 à 7140 Morlanwelz
– tél. : 064 23 96 40
– courriel : info.morlanwelz@fedasil.be
3. Centre d’accueil Rixensart :
– adresse : rue du Plagniau, 1 à 1330 Rixensart
– tél. : 02 655 10 20
– courriel : info.rixensart@fedasil.be