La législation belge sur les droits du patient (2002) reste peu connue et mise en pratique.
Consulter son dossier médical, recevoir une information claire, choisir son praticien… Les patients ont des droits consacrés dans la loi « Droits du patient » promulguée en 2002 (voir encadré ci-dessous). Sur le terrain pourtant, ils sont loin d’être appliqués et les patients ne les connaissent pas toujours. A l’occasion de la Journée européenne des Droits du patient, la Ligue des Usagers des Services de Santé (LUSS asbl), fédération francophone indépendante d’associations de patients, et Psytoyens, concertation des usagers en santé mentale, ont décidé d’interpeller le grand public et les médias.
Actions de sensibilisation
«Ces droits, dont l’esprit est d’améliorer le dialogue entre les patients et les professionnels de santé, sont encore trop méconnus. Leur application est encore très aléatoire notamment en ce qui concerne l’accès au dossier médical ou le consentement éclairé du patient», déclarent la LUSS et Psytoyens dans leur communiqué. Pour sensibiliser le public, des actions ludiques seront menées ce vendredi 17 avril à la Gare de Bruxelles-Luxembourg de 7H à 13H.
Revendications
Au niveau européen, la Luss demande «la promulgation claire de la charte européenne des droits du patient» qui permettrait d’établir une norme commune à l’ensemble des pays européens et diminuerait fortement la disparité d’application encore trop présente. Elle avait en outre publié en 2013 un «Manifeste des patients». Ce document présente des propositions concernant notamment la reconnaissance des missions de base des associations de patients, l’information des usagers ou encore la lutte contre la discrimination face aux assurances.
Aux sources de la loi
La reconnaissance en Belgique des droits des patients par la loi du même nom (2002) s’inscrit dans un vaste mouvement européen qui s’est amorcé dans le courant des années nonante. La volonté belge d’élaborer un droit du patient s’exprime dès 1999 à travers la déclaration gouvernementale fédérale. On y parle tant du droit des patients à l’information que de son droit de se plaindre.
En 2002, une proposition de loi donne lieu à de nombreux débats et discussions. Car elle touche non seulement au respect des patients, aux relations entre patients et médecins, à celles entre la société et ses médecins. Des médecins qui s’inquiètent des effets potentiels «d’instrumentalisation» qui pourraient être induits par la nouvelle loi: les patients, se transformant en «consommateurs» de soins, accepteraient de moins en moins la possibilité d’un risque lié à un acte médical. Imaginant un possible accroissement du nombre d’actions portées en justice, le corps médical se soucie de l’engagement de sa responsabilité pénale. «Il y a un risque de voir se développer une multiplication des procédures de médiation ou de recours à l’encontre des médecins, intentées de manière abusive et disproportionnée par rapport à leur objet. C’est un pas vers une espèce de “judiciarisation” à l’américaine de la médecine», a-t-on notamment pu entendre lors de la séance plénière du Sénat du 19 juillet 2002. Pour certains, la proposition de loi est déséquilibrée, ne donnant que des droits aux patients et des obligations aux médecins. «La médecine n’est pas une science exacte. Or le projet de loi place les médecins dans une situation quasi systématique d’accusés», clame un sénateur.
La loi sur les droits des patients «ne cherche nullement à être une menace pour les dispensateurs de soins ni à exacerber le caractère juridique de la relation entre le demandeur et le dispensateur de soins, rétorque une sénatrice au cours de cette même séance. Au contraire, elle veut prévenir au maximum les problèmes». Prévenir les problèmes en installant une relation de confiance basée sur l’écoute, l’information et la codécision. Et en évitant que le malentendu ne se transforme en conflit juridique.
Le 26 septembre 2002, la loi est publiée au Moniteur. Elle détermine les droits fondamentaux de chaque patient:
- le droit au libre choix du praticien professionnel;
- le droit à des prestations de soins de qualité;
- le droit à l’information sur l’état de santé;
- le droit au consentement libre et éclairé à la prestation médicale;
- le droit à un dossier de patient soigneusement tenu à jour et conservé en lieu sûr;
- le droit de consultation et d’obtention de copie du dossier de patient;
- le droit à la protection de la vie privée.
Un huitième droit sera consacré par la loi du 24 novembre 2004, celui de recevoir des soins visant à soulager sa douleur.
En outre, la loi «droits du patient» de 2002 institue la fonction de médiation. Au-delà du traitement de la plainte, c’est, en amont, la prévention de la plainte et, en aval, l’information du patient au sujet des autres possibilités existant en matière de règlements des plaintes, qui doivent être prises en charge par cette fonction de médiation, qui sera organisée tant dans le secteur hospitalier et celui de la santé mentale que dans l’ambulatoire par le biais d’un service de médiation fédéral.
Lire aussi : Droits des patients, une conquête inachevée ?, AE, n°389, 30 septembre 2014, par Marinette Mormont