La modification de la loi sur l’inspection du travail1 aurait pu passer inaperçue, noyée dans le «Chapitre III – dispositions diverses» du plan pour l’emploi 98 que legouvernement sortira cet automne. L’avant-projet de loi a été soumis en première lecture au Conseil des Ministres du 3 juillet dernier. L’article 63, qui réformel’inspection du travail, vise à rendre tout à fait légales les pratiques – jusqu’ici illégales – des inspecteurs de l’ONEm relatives au contrôle de lacohabitation par des visites inopinées au domicile des chômeurs, à toute heure du jour ou de la nuit.
Pour rappel, la loi actuellement en vigueur2, est sujette à interprétation discordante entre la Justice et l’Emploi. Les visites domiciliaires prenant régulièrement desallures de perquisitions (hors compétences de l’ONEm puisque relevant seulement de la compétence de policiers dûment mandatés par un juge d’instruction), elles ontété dénoncées par les collectifs de sans-emploi, les syndicats et la Ligue des Droits de l’homme. Alors ministre de la Justice, Monsieur De Clerck (CVP) avait reconnuqu’il y avait violation des droits constitutionnels (inviolabilité du domicile, respect de la vie privée) et des droits de l’homme dès lors que l’ONEm visite les domiciles deschômeurs pour contrôler autre chose que le présumé travail au noir, la fouille demeurant strictement prohibée3.
La réponse de la ministre Smet ne s’est pas fait attendre : elle tente de légaliser ce qui est illégal.
L’article 63 stipule : «En outre, les inspecteurs sociaux compétents en la matière peuvent, moyennant autorisation préalable du juge du Tribunal de police,pénétrer entre 6 heures et 20 heures dans les locaux habités par des bénéficiaires d’allocations dont ils peuvent raisonnablement supposer qu’ils ont contrevenu auxdispositions relatives à l’octroi ou au calcul des allocations sociales. Dans ce cas, le contrôle doit être effectué par deux inspecteurs sociaux au moins».
L’exposé des motifs de l’article 63 est très clair : les inspecteurs ont désormais compétence pour s’inviter chez le chômeur, sous le motif de leur choix. L’objectifsera de contrôler «la situation familiale des bénéficiaires des allocations, lorsque celle-ci a une influence sur la détermination des montants alloués, pourvérifier que l’éventuelle déclaration sur l’honneur correspond à la réalité». Et de conclure en précisant que la présence de deuxinspecteurs au moins «constitue une garantie supplémentaire pour la vie privée des bénéficiaires d’allocations».
Les témoignages de chômeurs dénoncent le fait que les inspecteurs de l’ONEm ne leur laissent pas le choix, les intimident pour entrer et vont jusqu’à menacer de les priverdéfinitivement d’allocations s’ils ne se soumettent pas à leurs exigences. Pour rappel, la Constitution garantit l’inviolabilité du domicile. Il est donc tout à faitlégal de refuser l’entrée à l’inspecteur. Les collectifs de chômeurs expliquent que, invariablement, le chômeur informé de ses droits répond : «Jen’oserais pas refuser, je ne veux pas risquer de tout perdre ! De quoi vivra ma famille ?».
1 Loi du 16 novembre 1972, modifiée par la loi-programme du 22 décembre 1989.
2 La loi les autorise en effet à «pénétrer librement, à toute heure du jour et de la nuit, sans avertissement préalable, dans tous les lieux de travail ouautres lieux soumis à leur contrôle ou dans lesquels ils peuvent avoir un motif raisonnable de supposer que travaillent des personnes soumises aux dispositions des législationsdont ils exercent la surveillance» (Loi du 16/11/72, modifiée par la loi du 22/12/89, art. 4,1°). Concernant la visite domiciliaire, la loi précise : «(…) dans leslocaux habités, ils ne peuvent pénétrer qu’avec l’autorisation préalable du juge du Tribunal de police».
3 Le ministre de la Justice, interpellé par le député Ecolo, Thierry Detienne, explique : «Il me paraît donc évident, au vu des textes applicables que laperquisition du domicile privé d’un chômeur, avec l’autorisation du juge de police, ne peut avoir lieu que dans le cas où il y a exercice présumé d’un travail.L’hypothèse de la vérification d’une cohabitation est à exclure».
Archives
« Miet Smet veut légaliser le contrôle à domicile de la situation familiale du chômeur »
Alter Échos
31-08-1998
Alter Échos n° 35
Alter Échos
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