Difficile d’imaginer plus fragile qu’un consommateur d’héroïne en situation d’exil. C’est aux usagers de drogues les plus vulnérables que s’adressent deux nouveaux projets d’accompagnement mobile lancés par le Projet Lama. L’objectif: leur ouvrir la première porte vers l’accès aux soins.
Rien de très neuf au fait que des travailleurs de rue accompagnent, presque main dans la main, les publics en grande précarité dans les services sociaux afin leur en faciliter l’accès. Mais cette fonction a progressivement pris un nom, celui d’«accompagnateur psycho-social», et est devenue un métier à part entière (Lire la «Recherche-action: Réseau d’accompagnateurs psycho-sociaux, RAPS», Observatoire de la santé et du social de Bruxelles, Smes-B, décembre 2012). Ce dernier est notamment exercé, dans le champ de la santé, par le Réseau Hépatite C, qui tente d’améliorer la circulation des personnes infectées par le virus de l’Hépatite C dans le milieu des soins.
Face à la précarisation des publics, cette activité serait-elle amenée à prendre de l’ampleur? Le Projet Lama y croit fermement et vient de mettre sur pied, en collaboration avec la Mass (Maison d’accueil socio-sanitaire de Bruxelles) et l’asbl Transit, deux services d’accompagnement mobile à destination de leurs publics les plus précaires.
Le premier d’entre eux, le Lambda (pour Liaison et accompagnement mobile pour demandeurs d’asile), vise les demandeurs d’asile usagers de drogues. «À l’origine, nous avons été contactés par le Ciré, qui s’est vu attribuer de nouveaux publics à accompagner en appartements individuels, dont des consommateurs de produits», raconte François Baufay, responsable du projet. L’objectif était de créer une équipe mobile qui puisse soutenir les travailleurs du Ciré, ainsi que ceux du Samusocial où sont orientés depuis les centres d’accueil des demandeurs d’asile avec un problème de consommation ou de discipline.
«Chez des personnes originaire d’Afghanistan, d’Irak ou du Pakistan, il y a parfois une consommation antérieure à la migration, détaille François Baufay. Des fumeurs d’opium, des consommateurs d’héroïne. Chez d’autres, la consommation s’est installée pendant le parcours migratoire. C’est un public problématique, qui n’a pas bénéficié des mesures d’éducation à la santé et de réduction des risques qui existent ici depuis plusieurs années.»
Avec l’arrivée massive de demandeurs d’asile depuis le mois de juillet, l’activité de Lambda se concentre sur l’orientation et l’accompagnement physique des personnes d’un service à l’autre. «La difficulté, s’inquiète le coordinateur du projet, c’est qu’on risque d’accompagner des personnes dans des services saturés.» (Lire notre dossier «Réfugiés-associatif: le (sur)vivre ensemble», Alter Échos n°411 du 14.10.2015.) Financé dans le cadre d’un appel à projets lancé par Fedasil, le projet souhaiterait en 2016 étendre son intervention à d’autres lieux d’accueil comme le Petit Château ou les centres de la Croix-Rouge.
Assurer une meilleure protection des plus faibles
Le Dispositif d’accompagnement mobile socio-sanitaire (Dass), soutenu pour son lancement par le Fonds Contigo de la Fondation Roi Baudouin (FRB), s’adresse lui «aux usagers de drogues en situation de vulnérabilité». Parmi eux, les personnes en séjour illégal, qui constituent de 10 à 30% des public de l’ambulatoire à bas-seuil de Bruxelles. «Les sans-papiers issus des différentes vagues migratoires, les Européens en errance, précise Éric Husson, coordinateur du Projet Lama à Anderlecht. Ces derniers sont des publics très fragiles: ils n’ont pas accès aux soins, leur santé est mauvaise car ils sont sans source de revenus, sans logement…» (Lire «Européens, plus exclus que les sans-papiers?» sur Le blog d’Alter Échos, Le Soir) À ceux-ci s’ajoutent des Belges dont les droits et l’accès aux soins ont été détricotés (Lire à ce sujet «Santé: à la recherche des droits perdus», Alter Échos n°403 du 4.05.2015).
Le Dass poursuit un double objectif: accompagner ces publics, via une intervention courte, vers l’accès aux soins (AMU, conventions internationales des mutuelles, lieux de santé) et sensibiliser les différents partenaires à leurs besoins.
«Ce n’est pas facile de pousser certaines portes. D’un autre côté, la plupart des services sont submergés de demandes. Certaines personnes ne sont donc pas reçues. Ces fonctions d’accompagnateurs permettent un meilleur maillage de la première ligne, une perméabilité entre les services et une meilleure protection sociale des plus faibles», conclut Éric Husson, qui se dit aujourd’hui inquiet pour la pérennisation de ces tout jeunes dispositifs.