Les partis de gauche sont-ils encore capables de débattre en interne des questions liées à la neutralité ou à la laïcité? Souvent tabou, source de fractures, le sujet crispe. Au point d’inciter certaines formations politiques à mettre le couvercle sur la marmite? Tentative de réponse avec le «cas» d’Écolo.
«Il y a une impossibilité à débattre de sujets sensibles comme la religion. C’est presque une annihilation de la pensée.» Cette phrase coup de poing n’est pas issue d’une conversation autour d’une bière, posée sur le comptoir d’un quelconque café du commerce. Elle sort de la bouche d’un cadre d’Écolo, qui a préféré rester discret. Comme l’ensemble des partis de gauche, les verts semblent aujourd’hui mal pris dès lors qu’il s’agit d’aborder les questions relatives à la laïcité, la neutralité ou la religion dans son ensemble. Sujet très sensible, le fait religieux crispe une bonne partie du champ politique progressiste. Avec, comme point de tension ultime, la question du port du voile à l’école, dans l’administration, etc.
«Il s’agit d’un débat très sensible qui traverse tous les partis de gauche», Pascal Delwit
Entre partisans d’une approche plus restrictive de la question et adeptes d’une «neutralité inclusive» plus souple, entre volonté d’inclusion de certains pans de la population aux convictions religieuses plus affirmées et tentative de préserver la neutralité de l’État, le grand écart paraît parfois compliqué. «Il s’agit d’un débat très sensible qui traverse tous les partis de gauche, du PS à Écolo en passant par le PTB», souligne Pascal Delwit, professeur de sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles. Plus largement, le sujet semble aussi venir faire exploser les divisions traditionnelles entre laïques et religieux. Dans de nombreux partis, on trouve en effet des laïques partisans d’une plus grande ouverture et des «religieux» partisans de plus de fermeté. Et l’inverse. «C’est une fracture que l’on retrouve dans tous les camps, même au Centre d’action laïque», souligne Édouard Delruelle, professeur de philosophie politique à l’Université de Liège.
En Belgique francophone, c’est cependant chez Écolo que les tensions ont parfois paru les plus évidentes ces derniers temps. Le «cas» de Marie Nagy, suspendue en 2017 de la locale du parti de Bruxelles-Ville – et démise de sa fonction de chef de groupe – alors qu’elle avait publié dans le quotidien Le Soir une carte blanche intitulée «Veut-on faire d’Écolo le nouveau porte-drapeau du ‘come-back religieux?’» en est l’exemple le plus médiatisé. Une carte blanche où elle déplorait notamment le fait que «les discours de certains mandataires Écolo tendent à incriminer l’évocation du principe de neutralité comme instrument de stigmatisation de la communauté musulmane».
Si, pour Patrick Dupriez, coprésident d’Écolo, «Marie Nagy n’a jamais été démise pour cette raison. Il s’agit de conflits interpersonnels au sein de la locale que Marie a ensuite habillés en problèmes relatifs à la neutralité», pour d’autres membres ou ex-membres d’Écolo cette affaire est révélatrice des dissensions en cours au sein du parti, singulièrement à Bruxelles. Au point d’inciter Écolo à éviter le débat en interne?
L’«affaire» Nagy
Attablée dans un café du centre de Bruxelles, Marie Nagy a le sourire aux lèvres. Pourtant, dès qu’on évoque les épisodes ayant mené à sa mise de côté en mars 2017, sa voix se fait moins assurée. Et ses yeux semblent sur le point de s’embuer. Toute l’«affaire» débute lors du conseil communal du 3 octobre 2016. Lors de celui-ci, une polémique éclate entre Zoubida Jellab, conseillère communale Écolo, et Faouzia Hariche (PS), échevine de l’Instruction publique. Elle concerne l’interdiction faite à certaines mères voilées de remplir le rôle d’accompagnatrices bénévoles lors de sorties à l’extérieur de l’école. Une interdiction prononcée par l’échevine en application du projet éducatif de la Ville de Bruxelles, qui stipule notamment que les intervenants externes sont tenus de s’abstenir de tout prosélytisme politique, philosophique ou religieux. Pour Zoubida Jellab, «le principe de neutralité ne s’applique pas aux parents». L’élue Écolo va même plus loin en s’adressant à Faouzia Hariche. «Au nom de ce principe de neutralité que vous utilisez comme instrument de discrimination et de stigmatisation d’une certaine communauté, vous bafouez la dignité de ces femmes», lâche-t-elle.
«Certains de mes collègues pensent qu’on a inventé la neutralité pour discriminer les femmes musulmanes», Marie Nagy
L’incident en restera là, mais pour Marie Nagy, il est significatif. «Certains de mes collègues au sein du parti pensent aujourd’hui qu’on a inventé la neutralité pour discriminer les femmes musulmanes et racontent ça à qui veut l’entendre», explique l’élue. Avant de pointer l’influence qu’aurait selon elle le Collectif contre l’islamophobie en Belgique sur une élue comme Zoé Genot, la chef de groupe Écolo au parlement bruxellois. Notons à ce propos que le CCIB compte comme président Mustapha Chaïri, lui-même estampillé Écolo. «Jusque-là, je m’étais toujours tenue à distance de ces débats, parfois dramatiques, au sein d’Écolo, continue Marie Nagy. Mais j’ai toujours été attachée à la séparation de l’Église et de l’État, à la neutralité de ce dernier. Or, dans ma locale, ce principe est de plus en plus remis en cause. En voulant être progressiste, on aide en fait l’islam politique à avancer. Et tout ça se fait en catimini, sans vrai débat. Pour moi, on peut discuter les principes de neutralité, on peut considérer qu’elle n’est plus un élément de liberté. Mais parlons-en ouvertement et comptons-nous. Or, à l’heure actuelle, quand on veut mettre ça sur la table, on se fait traiter de raciste ou d’islamophobe. C’est ce qui m’est arrivé à la suite de ma carte blanche.»
Du côté de Zoubida Jellab, on avance la même position que Patrick Dupriez pour expliquer ce qui s’est passé. Et puis, surtout, on dément qu’il y ait jamais eu de demande de discussion en interne sur ces questions. «Ce sujet n’a jamais constitué un point de désaccord jusqu’à cet événement, explique l’élue. Je suis pour la neutralité, le parti l’est. Mais pour moi, dans ce cas précis, la manière dont cette neutralité était appliquée était discriminante. Marie a mal compris, elle a tout généralisé. Et elle a utilisé ça pour justifier sa sortie.» Malgré cela, Zoubida Jellab note aussi une crispation sur ces thématiques. «Il y a un vrai travail à faire de ce côté-là, on doit pouvoir en parler sereinement. C’est un sujet très important pour le vivre-ensemble. Or ici j’ai l’impression que cette thématique revient à chaque crispation. Et puis on n’en parle plus», regrette-t-elle.
Personne n’est content?
Cet épisode n’est pas le seul à avoir secoué Écolo. En 2014, suite au vote d’une résolution en commission des Affaires générales du parlement wallon visant à interdire le port de signes convictionnels ostentatoires dans la fonction publique, Manu Disabato – à l’époque chef de groupe Écolo au parlement wallon – avait connu une mésaventure semblable. Il avait voté «pour»… «J’ai reçu une volée de bois vert de mes amis, on m’a accusé d’être raciste. Cela m’a profondément meurtri, moi qui viens d’une famille issue de l’immigration.» Une expérience qui pousse l’ancien parlementaire wallon à dresser un constat semblable à celui de Marie Nagy. «Il y a une vraie difficulté à avoir un débat apaisé sur ces questions. Or on doit accepter qu’il puisse y avoir des points de vue différents.»
De manière plus large, une vraie division existerait aujourd’hui entre verts wallons et verts bruxellois sur cette question. Avec du côté du sud du pays, des élus plus à cheval sur les questions de neutralité. Et du côté de la capitale, des mandataires plus «inclusifs» comme Zoé Genot et Sarah Turine, échevine de la Jeunesse, de la Cohésion sociale et du Dialogue interculturel à Molenbeek. Des élus bruxellois qui donneraient d’ailleurs le «la» au parti sur les questions liées au religieux et aux signes convictionnels. «Vu la composition sociodémographique de la Wallonie et de Bruxelles, les Wallons ont un peu tendance à laisser ces questions dans les mains des Bruxellois, dont certains cadenassent les débats», souligne un proche du parti qui a souhaité rester anonyme. Problème: ce seraient aussi ces élus bruxellois qui auraient tendance à venir blâmer vertement leurs collègues porteurs d’une ligne plus stricte, notamment en matière de signes convictionnels. «Je peux imaginer que certains mots arrivent parfois facilement au bord des lèvres d’une partie des tenants d’une ligne bruxelloise plus inclusive», admet d’ailleurs diplomatiquement Christophe Derenne, directeur d’Etopia, le centre de recherche et d’animation d’Écolo.
«Pour moi Écolo est un parti à la morale catholique, qui n’ose pas dire qu’il n’est pas laïque», Aziz Albishari
C’est effectivement dans la capitale que les tensions semblent les plus fortes. Outre Marie Nagy, un autre élu Écolo a récemment claqué la porte à Bruxelles-Ville. Il s’agit de Michaël François, parti rejoindre Marie Nagy après avoir déclaré qu’Écolo était «un parti où l’angélisme prend parfois le dessus». Tous deux siègent encore actuellement comme indépendants. Avant de probablement rejoindre Défi. Du côté de Saint-Gilles, l’ex-député bruxellois et actuel conseiller communal Aziz Albishari vient lui aussi de quitter le parti. Les raisons qu’il invoque sont peu ou prou les mêmes que celles avancées par Marie Nagy. «Je suis musulman et laïque. Je n’ai pas de problème avec la religion, mais c’est une affaire privée. Quand je dis ça à Écolo, on me dit ‘Mais de quoi tu parles?’ Pour moi Écolo est un parti à la morale catholique, qui n’ose pas dire qu’il n’est pas laïque. Tous les laïques s’en vont d’ailleurs…», explique-t-il.
Cela dit, de l’«autre côté» du spectre, on se plaint aussi de la violence de certains débats. Tout en assumant les dissensions actuelles. «Oui, je suis partisane; pour moi, plus la société est inclusive, mieux ce sera. Il n’y a que l’inclusion qui fera bouger les choses, affirme Zoé Genot. Aujourd’hui, dès qu’on désigne un jeune musulman à un poste à responsabilité, il se fait tuer. En gros, on lui dit: soit tu es laïque, soit tu restes chez toi. C’est une catastrophe.» Quand on évoque les insultes que recevraient les partisans d’une ligne plus stricte au sein du parti, elle enchaîne. «C’est un débat hyper-‘touchy’ qui divise toute la gauche. Chacun campe sur ses positions. Mais, de mon côté, j’en prends aussi plein la gueule pour pas un rond. On me traite d’islamo-gauchiste, des militants m’envoient des messages du genre ‘Ne viens pas te plaindre quand ta fille se fera lapider’… Alors oui, certains pensent qu’on va trop loin. Mais d’autres personnes estiment aussi qu’on ne va pas assez loin en termes d’inclusion ou de port de signes religieux distinctifs…»
Ces mêmes personnes penseraient également qu’Écolo rechigne aujourd’hui à mettre en avant son positionnement «ouvert» en la matière. Parmi elles, on retrouve notamment Henri Goldman, cheville ouvrière du collectif Tayush, un «groupe de réflexion pour un pluralisme actif», partisan d’une «société inclusive». Henri Goldman est aussi connu pour avoir été proche d’Écolo. Il a été très actif dans les réflexions menées par le parti à partir de 2007 autour des questions relatives au port de signes religieux distinctifs. La position d’Écolo en la matière – intitulée «Proposition n°4: Organiser l’exercice du droit de porter un signe religieux ou philosophique et l’égalité de traitement entre les cultes et mouvements philosophiques» – découle d’ailleurs des réflexions menées à l’époque. Dans les lignes de celle-ci, on peut notamment lire qu’«Écolo soutient l’interdiction du port de signes convictionnels pour les métiers investis d’une fonction ou d’un rôle d’autorité pour le public ou une partie du public (police, justice, armée, enseignants…)». Pour le port du voile à l’école, le credo en vigueur en 2009 est «il est interdit d’interdire», d’après Sarah Turine.
«Le parti n’a pas été capable de résister à la pression des autres partis politiques influencés par une certaine laïcité ‘à la française’», Henri Goldman
Pour Henri Goldman, «à l’époque cette position a passé tous les filtres démocratiques d’Écolo. Mais très vite, on a senti remonter du parti un gros malaise, on voyait même que certains dirigeants historiques n’étaient pas pour. Aujourd’hui encore, j’ai l’impression qu’Écolo est mal à l’aise avec cela. Alors que le parti a une position ouverte, un programme, il en a l’air un peu gêné». Après les élections de 2009, le programme change d’ailleurs en ce qui concerne le port du voile à l’école. Et devient ce qu’il est aujourd’hui: «Écolo souhaite soutenir le libre choix de porter ou non un signe convictionnel dès lors que la ou le jeune est capable de le poser en toute liberté.» Dans les faits, on parle d’une interdiction jusque’à 14 ou 16 ans, selon les sources et les interlocuteurs.
Selon Henri Goldman, cette «gêne» et ce changement de cap ont une origine externe: «Le parti n’a pas été capable de résister à la pression des autres partis politiques influencés par une certaine laïcité ‘à la française’». Et une cause interne: «Écolo est resté, y compris à Bruxelles, un parti de classes moyennes ‘blanches’ peu sensible aux demandes de l’électorat d’origine immigrée, même si c’est en train de changer.» Paradoxe ultime: alors que d’un côté on se plaint de ne pas pouvoir débattre des positions souples du parti, de l’autre on déplore que celui-ci ne les assume pas.
«Ça risque d’être très violent»
Pour Pascal Delwit, la source des divisions actuelles est à aller chercher du côté d’une appréciation différente de la situation. «Certains élus pensent que les questions liées notamment au voile constituent une pièce rapportée d’autres problèmes, comme le manque d’inclusion des populations musulmanes, le manque d’intégration, les problèmes sociaux. Ils vont donc mettre en place des politiques de résorption des inégalités, de logement. De l’autre côté, certains estiment qu’il y a aujourd’hui un problème avec la radicalisation de l’islam, le salafisme. Dans ce cadre, ils auront alors tendance à se centrer sur la question vestimentaire, des rites et à être plus stricts à ce niveau. Il y a un vrai conflit d’interprétation, c’est très compliqué. Et à l’heure actuelle, il est difficile d’avoir une position nuancée à ce sujet…»
Plus spécifiquement, une explication est peut-être aussi à trouver du côté de cette fameuse proposition n°4. Car le diable se situe dans les détails. Ou plus particulièrement dans les points de suspension… Après avoir énuméré une série de fonctions d’autorité où le port du voile est interdit (police, justice, armée, enseignants…), la proposition se termine en effet par trois petits points qui en disent long. «C’est une position d’équilibre qui cherche à rassembler le plus grand nombre mais qui ne convient à personne, admet Stéphane Hazée, chef de groupe Écolo au parlement wallon. Au nom de la liberté, on peut en effet défendre le port ou le non-port de signes religieux distinctifs. Selon le point de vue où l’on se situe, on pourra donc voir l’énumération des différentes fonctions de la proposition n°4 comme une liste fermée ou une liste ouverte si on prend en compte les trois petits points.»
«Ecolo est une plate-forme visant à créer du consensus», Christophe Derenne
On tient peut-être là l’une des raisons des tensions actuelles au sein du parti. Dans une volonté d’apaiser tout le monde, le parti n’aurait pas tranché. Laissant ainsi le champ libre à diverses interprétations. La laïcité et la neutralité sont en effet des concepts aux définitions diverses. «Écolo est une plate-forme visant à créer du consensus», illustre Christophe Derenne. Un objectif qui trouve son explication dans les origines mêmes du parti. «Il est évident qu’Écolo a toujours été à cheval sur deux piliers, explique Édouard Delruelle. Une bonne partie de ses membres vient de la démocratie chrétienne et une autre de la gauche et de l’extrême gauche.» Des tendances qui «se sont réunies autour d’un projet politique basé sur le socio-économique, le renouvellement de la démocratie», d’après Stéphane Hazée. Et qui se sont trouvées contraintes de prendre position sur des sujets «qui ne font pas partie de l’objet intime de ce qui rassemble Écolo», toujours d’après Stéphane Hazée.
Écolo serait-il donc, dans ce cas, victime de sa «machine à créer du consensus»? «On peut peut-être nous accuser d’être chèvre-choutistes, mais je pense que nous sommes malgré tout de loin les plus clairs sur la question, répond Patrick Dupriez. Quand un débat est difficile et qu’on prend une position d’équilibre, il y a toujours des orphelins convictionnels, des gens qui ne comprennent pas les compromis.»
De manière plus générale, les cadres du parti tendent aujourd’hui à considérer ces questions comme «marginales», d’après Patrick Dupriez. Surtout, ils entendent bien éviter que le parti ne se déchire à ce sujet. «Disons que nous sommes d’accord sur 98% du programme, continue le coprésident. Et que les deux pour cent qui restent concernent notamment le fait de savoir si la fille au guichet peut porter un voile. Trancher cette question risque d’être très violent en notre sein. On se ferait du mal pour rien… C’est un compromis difficilement atteint. On ne va pas le remettre en cause toutes les semaines.»
Lorsque l’on évoque justement les éventuelles difficultés à lancer un débat sur ce sujet, Patrick Dupriez s’agace. «Dire qu’on ne peut pas en débattre, c’est faux, s’agace-t-il. Les processus existent. On peut le demander à Etopia, ça peut se faire au niveau des locales. Et ceux qui voudraient remettre le programme en cause peuvent solliciter le conseil de fédération.»
L’impossible débat?
Manifestement, cette position n’est pas partagée par tout le monde au sein du parti. Elle semble aussi donner du grain à moudre aux membres d’Écolo affirmant que le débat est impossible sur ces questions. C’est notamment le cas de Xavier Winkel. Ex-député bruxellois à la Chambre des représentants, ancien échevin à Schaerbeek, l’homme est aussi un des «historiques» du parti. Et pour lui, il est évident que le débat est difficile à mener. «Je pense que beaucoup de monde comme moi pense que le parti va trop loin dans ses positions relatives aux faits religieux. Parmi eux, il y a aussi des jeunes. Mais beaucoup se taisent, ils ont peur pour leur carrière.»
«Il est évident qu’Ecolo a toujours été à cheval sur deux piliers», Edouard Delruelle
Y aurait-il un conflit de générations? Il semble en effet que les «anciens» comptent parfois parmi les plus critiques vis-à-vis de la position «inclusive» du parti. Un élément qui fait aussi réagir Christophe Derenne, mais sous un autre angle. «Depuis les années 90, on retrouve au parti bon nombre de ce que j’appelle des ‘post-laïques’, certains diront peut-être des laïcs ‘mous’ qui considèrent que le religieux peut avoir une certaine place dans l’espace public. Pour eux, les divisions laïques/catholiques ne sont plus un enjeu.»
Au point de ne plus faire de cette question un enjeu de débat? Xavier Winkel affirme qu’en 2008 il avait demandé un débat en conseil de fédération afin de retirer les accommodements raisonnables du programme du parti. Des accommodements qui avaient finalement été supprimés. «Aujourd’hui, ce genre de débat n’est plus accepté», affirme-t-il. Pour preuve, après les attentats de Charlie Hebdo et de Bruxelles, Xavier Winkel affirme avoir voulu mettre le point «des intolérances religieuses et de leur expression violente» à l’ordre du jour au niveau régional et fédéral. Une demande effectuée en compagnie de plusieurs Écolos, dont Didier Cœurnelle, un ancien conseiller communal à Molenbeek. «On nous à chaque fois promis ce débat, mais il n’est jamais venu», déplore Didier Cœurnelle. Avant de viser l’assemblée régionale bruxelloise «où plus grand monde ne vient». Pour Sarah Turine par contre, ce débat a bien eu lieu. «Je suis venue, mais Didier n’était pas là», affirme-t-elle.
Les cadres entendent bien éviter que le parti ne se déchire à ce sujet.
Entre les uns et les autres, il semble donc parfois compliqué d’y voir clair. Et les choses ne risquent peut-être pas de s’améliorer en termes de débats. Pour Pascal Delwit, le sujet est peu porteur en interne. «Les cadres assurent une position universaliste sur les questions relatives à la religion, mais au prix de tensions internes et de questionnements», conclut-il. Électoralement, le constat est le même. Écolo semble ainsi ne rien gagner de son positionnement «universaliste» auprès des populations immigrées. «Le gain que le parti peut faire semble plus important auprès des mouvements universalistes ‘blancs’ que des communautés immigrées», note le professeur. Quant à son électorat «traditionnel» et ses membres, ceux-ci seraient aussi parfois peu en phase avec les positions actuelles du parti. Résultat: «Les partis politiques, Écolo compris, sont des organisations qui n’embrassent pas les questions qui divisent la population. Sur ces sujets à fleur de peau, il n’y a pas de débat», conclut Pascal Delwit.
En savoir plus
Dossier «Cathos, laïcs: la chute des piliers?», Alter Echos 454 (novembre 2017)