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Regard critique · Justice sociale

Non-marchand : retour sur un printemps agité

Coup d’œil sur les soubresauts qui ont agité le secteur début juin.

03-07-2010 Alter Échos n° 298

Le secteur du non-marchand était en ébullition début juin. Entre déclarations « piquantes » et revendications variées, AlterÉchos tente d’y voir clair.

Le 8 juin, le secteur du non-marchand manifestait dans les rues de Bruxelles. Nouveaux accords sociaux, harmonisation barémique, correctifs des accords précédents… Lesrevendications émanant du front commun syndical ont fusé, de même que les déclarations de certains membres de celui-ci à l’égard des employeurs (Unipso– Union des entreprises à profit social1), qui se sont également fendus d’un communiqué. À tel point qu’on a quelquefois fini par perdre le fil de ce quise passait et qu’on en est arrivé à se demander à quoi allaient bien pouvoir servir les 9,65 millions d’euros au total débloqués à destination de laRégion wallonne, de la Communauté française et de la Cocof pour l’année 2010. « Au niveau fédéral, les manifestations visaient les partispolitiques, déclare à ce propos Yves Hellendorf, secrétaire national à la CNE2. La question que nous leur posions était la suivante : êtes-vousprêts à vous battre pour le non-marchand dans le cadre d’un accord social ? Il fallait se positionner par rapport à la future déclaration gouvernementale. » Lebut, semble-t-il, était donc de donner une visibilité transversale au secteur (fédéral, Région flamande, Région wallonne, Communauté française,Cocof) alors que l’accord non-marchand fédéral arrive à terme fin 2010 et que le front commun syndical avait à ce sujet déposé son cahier de revendicationsfin février.

Plus « localement », les raisons de cet ébrouement étaient également nombreuses, même si la « fin » des accords sociauxprécédents, en Région wallonne et en Communauté française notamment, constitue une des raisons principales. Pour rappel, le précédent accord au sud dupays courait de 2007 à 2009 alors que celui de la Communauté française couvrait la période de 2006 à 2009. Pour Bruxelles, c’est l’accord global de 2000-2005 quicourt toujours, même si des ajustements (addendum) ont eu lieu depuis. « On se situe bien sûr dans des temporalités différentes selon l’endroit où l’on setrouve, admet Christian Masai, secrétaire fédéral Setca3. Mais globalement, la période de juin est traditionnellement celle où les ajustementsbudgétaires ont lieu… » C’est aussi la période où les négociations pour les budgets de l’année suivante commencent à se mettre en place.« Or il n’y avait rien de prévu dans les budgets pour le non-marchand en 2010 », affirme Christian Masai. Une réalité budgétaire (une crainte« d’année perdue » selon les mots d’Yves Hellendorf) qui, combinée à la fin des accords, a également contribué à « mettre lefeu aux poudres », même si elles fumaient depuis octobre 2009 avec la remise des cahiers de revendications syndicales au niveau des Régions et Communautés.

« Cette somme n’est bien sûr pas suffisante »

À parler revendications, celles-ci ont été nombreuses ces dernières semaines : questions relatives aux conditions de travail (augmentation du nombre du personnel,jours de congé…), à l’emploi ou encore à l’harmonisation barémique sur les secteurs fédéraux de la santé, le panel est large. Dès lors,l’argent débloqué pour 2010 suite aux manifestations (les 9,65 millions d’euros qui, pour rappel, se répartissent de la manière suivante : 4,5 millions pour laRégion wallonne, 4,5 millions pour la Communauté française et 650 000 euros pour la Cocof) seront-ils suffisants pour mettre cet ambitieux programme en place ? « Cettesomme n’est bien sûr pas suffisante, note Yves Hellendorf. Ce sont des moyens disponibles pour faire débuter les nouveaux accords sociaux. » Les prochains travaux devraientdès lors permettre de discuter à propos de l’affectation de l’argent mais aussi donc concernant l’élaboration de nouveaux accords. Dans cette optique, deux solutions semblentpossibles : soit un accord de transition est mis en place pour 2010 et les négociations avancent sur le nouvel accord à négocier pour la fin de l’année soit onnégocie tout tout de suite avec un « effet rétroactif » pour 2010. Les nouveaux accords pourraient courir, selon certaines pistes, jusque 2014, les syndicatspréférant des accords longs (cinq ans). « Mais attention, nous dit Éric Dubois, responsable sectoriel non-marchand à la CGSLB4. Un accord long, ce seraitbien mais encore faudrait-il voir ce que contient l’enveloppe… »

Concernant l’affectation de l’argent débloqué, plusieurs pistes sont évoquées. « Les négociations vont bien sûr dépendre d’uneentité à une autre, précise Christian Masai. Mais globalement, on peut dire que nous allons d’abord voir si des éléments des accords précédents ontété sous-financés et s’il faut les rééquilibrer. Deuxièmement, concernant l’harmonisation barémique, certaines parties n’ont pas étéréalisées (NDLR en Communauté française notamment). Enfin, s’il reste de l’argent, nous essaierons bien sûr d’avancer sur l’emploi. »

Quoi qu’il en soit, des réunions sont prévues en Région wallonne. En Communauté française, les rendez-vous n’avaient pas encore été pris au momentd’écrire cet article. « Depuis la manifestation, c’est le calme plat en provenance du cabinet de monsieur Jean-Marc Nollet (NDLR Écolo – vice-président de laCommunauté française), qui pilote le processus, ajoute Éric Dubois. C’est inquiétant parce que nous nous trouvons à la veille des congés et qu’il risque dene plus y avoir de réunions… » Enfin, pour la Cocof, des réunions seraient en cours. Néanmoins, les dents semblent grincer de ce côté : les650 000 euros débloqués l’ont été par… la Région wallonne et la Communauté française. Une belle solidarité qui n’atténuecependant pas la taille famélique de l’enveloppe octroyée. « Ce n’est pas avec cette somme que l’on va pouvoir faire quelque chose », déplore YvesHellendorf. Un son de cloche que l’on retrouve également du côté de la CBENM5 (Confédération bruxelloise des entreprises du non-marchand) oùGabriel Maissin, conseiller, déclare : « Cette somme correspond à 10 ou 15 ETP, c’est évidemment très peu. En termes de contacts, nous avons étéreçus pa
r les cabinets, mais il n’y a pas encore eu de tour de table, il n’y a pas de calendrier fixé. »

Les employeurs entrent dans le jeu

À propos des employeurs justement, l’Unipso est également entrée dans le jeu en mettant certaines revendications sur la table. Si certaines sont proches de celles du frontsyndical (augmentation de l’attractivité des métiers du secteur), d’autres, comme la reconnaissance et la subsidiation des fédérations d’employeurs, ont suscité lecourroux des syndicats qui, dans un tract, dénonçaient « la politique du coucou » des employeurs, accusés de faire leur nid dans celui des autres.« Il est légitime que les employeurs déposent un mémorandum, mais pas dans le cadre des accords du non-marchand, explique Yves Hellendorf. Les accords sociaux,ça veut dire ce que ça veut dire. Ce sont les cahiers de revendications des travailleurs. Ce n’est pas aux employeurs à faire le choix des revendications à rencontrer oud’en mettre sur la table. » Un avis tranché qui pourrait presque faire croire que les manifestations constituaient également un exercice de musculation àl’égard desdits employeurs.

Quoi qu’il en soit, l’Unipso défend bien sûr une position différente de celle du front syndical. « Il n’y a pas de difficultés pour nous à ce qu’il yait un accord du non-marchand, affirme Dominique Van de Sype, secrétaire général de l’Unipso. Mais nous avons des demandes, les mesures prises ont un coût, et ce coûtdoit être pris en compte. Si l’on prend un travailleur APE, par exemple, nous recevons un subside pour ce poste, mais il y a un différentiel sur fonds propres. Il est important que l’onregarde la faisabilité des mesures prises. Les syndicats disent : nous discutons avec les pouvoirs subsidiants et puis nous venons vous voir, ils parlent de « politique du coucou ». Pour nous,le premier principe d’une concertation, c’est qu’elle doit être tripartite. Il y a un nid, et c’est celui du non-marchand. Nous avons également nos priorités, comme la formationou le financement des fédérations. » À la CBENM, l’avis est plus ou moins le même : « À côté des cahiers de revendications dessyndicats, il y en a d’autres. Il s’agit en fait d’une autre logique qui ne s’oppose pas aux syndicats point par point. Si des moyens sont débloqués, il faut tenir compte d’autresparamètres », note Gabriel Maissin.

Si l’ambiance est donc un peu chaude, les employeurs ne mettent pas non plus de l’huile sur le feu. À la question de savoir si l’Unipso sera présente aux prochaines réunions(on nous rapporte que les syndicats seraient sortis d’une réunion au moment où les employeurs lisaient leurs revendications), Dominique Van de Sype répond : « Oui,bien sûr, nous serons là. Nous ne pratiquons pas la politique de la chaise vide… » La suite dans les prochains mois.

1. Unipso :
– adresse : av. Reine Astrid, 7 à 1440 Wauthier-Braine
– tél. : 02 367 23 90
– courriel : unipso@unipso.be
– site : www.unipso.be
2. CNE :
– adresse : av. Alcide de Gaspéri, 2 à 1400 Nivelles
– tél. : 067 88 91 91
– site : www.cne-gnc.be
3. Setca :
– adresse : rue Haute, 42 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 545 69 00
– courriel : admin@setca-fgtb.be
– site : www.setca.org
4. CGSLB :
– adresse : bd Poincaré, 72-74 à Bruxelles
– tél. : 02 558 51 50
– courriel : cgslb@cgslb.be
– site : www.cgslb.be
5. CBENM :
– adresse : rue des Guildes, 9-11 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 233 54 79
– couriel : info@cbenm-bcspo.be
– site : www.cbenm.be

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste

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