Olivier Lagneau est directeur Réseaux chez Vivaqua. Il organise l’état des lieux et la rénovation des deux mille kilomètres d’égouts que compte la Région bruxelloise. Un travail sans fin.
Alter Échos: Quelle est la principale difficulté à laquelle vous êtes confrontés dans la gestion du réseau d’égouttage de la Région bruxelloise?
Olivier Lagneau: Le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale compte environ deux mille kilomètres d’égouts ainsi qu’une cinquantaine d’ouvrages d’assainissement. Le principal enjeu est le mauvais état du réseau. Il faut donc le réparer, l’améliorer. Notons au passage qu’on compte encore une vingtaine de kilomètres de voirie, vers Uccle ou Neder-over-Heembeek, sans égouts.
A.É.: Comment expliquer le mauvais état des égouts bruxellois?
O.L.: Le réseau d’évacuation des eaux usées est très ancien. Les premiers égouts ont été créés il y a environ 150 ans, à l’époque du voûtement de la Senne. Pendant les dernières décennies, on n’a pas investi dans les égouts. Les égouts sont cachés, on préfère peut-être ne pas trop savoir où ça va.
A.É.: Mais cette situation a changé?
O.L.: Oui, en 2007, 2008, la Région bruxelloise a entamé une réflexion profonde sur l’état des égouts. Il y avait pas mal d’accidents en surface. Des égouts s’affaissaient, ce qui creusait des trous dans le sol, avec un impact sur la voirie. Ces accidents ont fait prendre conscience du mauvais état du réseau.
A.É.: C’est donc l’impact à la surface qui a poussé à s’intéresser au souterrain…
O.L.: Des fonds ont alors été débloqués pour effectuer, à partir de 2008, un état des lieux du réseau. Huit millions par an les deux premières années. Quatre millions d’euros par an désormais. Cent kilomètres de canalisations sont inspectés annuellement. Nous vérifions les fissures, les branchements, les effondrements et nous tentons de répondre rapidement aux situations les plus urgentes pour éviter l’affaissement. Cet état des lieux permet aussi de mieux cartographier le réseau que nous n’avons pas la prétention de connaître à 100%.
A.É.: Quels sont les premiers bilans de ces inspections?
O.L.: Nous pensions en commençant que 30 à 35% du réseau serait en mauvais état. Nous n’en sommes pas loin. On tourne autour de 27 à 28%. Ce qui nécessite de nombreuses interventions. Nous avons déjà inspecté 600 kilomètres d’égouts. Cela prend du temps. Nous n’avons pas d’échéance pour terminer. D’ailleurs, certaines canalisations que nous avons inspectées peuvent se dégrader d’ici 10 ou 15 ans. Je ne peux donc pas vraiment concevoir qu’on dise «j’arrête les inspections». Environ 25 personnes sont affectées aujourd’hui à cet état des lieux.
A.É.: On entend parfois des critiques à l’encontre du réseau d’égouttage bruxellois qui mélange eaux usées et eaux pluviales et serait, dès lors, polluant…
O.L.: En Région de Bruxelles-Capitale, le réseau est unitaire. Il n’y a donc pas de séparation entre eaux pluviales et eaux usées. Tout va à la station d’épuration qui traite cette eau. Cela fonctionne assez bien sauf en cas de très gros coup d’eau. S’il y a vraiment beaucoup trop d’eau, des débordements peuvent arriver. Mais c’est assez rare et les saletés rejetées sont déjà très diluées puis sont épurées naturellement par la rivière. En Flandre, les nouveaux projets d’égouttage doivent inclure un réseau séparatif. À Bruxelles, ajouter un conduit coûterait très cher et ne serait pas si pratique.
A.É.: Dans les égouts de Londres, on a trouvé d’énormes amas de graisse bouchant les canalisations. Cela arrive-t-il à Bruxelles?
O.L.: Les restaurateurs sont censés avoir des dégraisseurs, mais n’en ont pas toujours. On retrouve des amas de graisse qui colmatent les égouts. On retrouve aussi des lingettes, car elles ne se dissolvent pas et colmatent les bouches de raccordement. Il est même arrivé de retrouver des animaux et, paraît-il, un cadavre.