«La digitalisation de l’enseignement, c’est maintenant!» C’est le titre d’un communiqué de presse arrivé ce 1er septembre à 8 h 20 pile, heure de la cloche de l’école, dans notre boîte mail. Le courrier déroule ensuite sa «solution clef en main et performante» proposée par deux entreprises pour «changer le cours de l’histoire», à savoir «faciliter le trajet numérique des écoles fondamentales et secondaires».
Alors que les profs et les élèves sont à peine remis du long épisode de cours en ligne, qu’ils reprennent la route de l’école en présentiel, voilà qu’il redéboule… le numérique. Indéniablement, la pandémie a donné un coup d’accélérateur à la numérisation des écoles. Si les outils numériques ont permis de garder un lien pédagogique mais surtout social avec les élèves, ont révélé la créativité de certains enseignants et la dextérité d’étudiants, ils ont aussi eu leurs revers: renforcement des inégalités scolaires, fracture numérique tant dans le matériel que dans l’accès, tant chez les élèves que chez les enseignants, marchandisation de l’école, etc.
Dans l’urgence, on ne s’est en effet pas trop posé la question du quoi – « quel » numérique laisser entrer dans les lieux pédagogiques – et du «comment».
Dans l’urgence, on ne s’est en effet pas trop posé la question du quoi – «quel» numérique laisser entrer dans les lieux pédagogiques – et du «comment». Si bien qu’on a déroulé, sans trop se poser de questions, le tapis rouge aux GAFAM. Les mêmes questions se sont posées dans le monde associatif: c’est l’objet du dossier de ce mois.
«À l’école, à l’université, le numérique n’est pas une greffe qui s’ajoute à la culture traditionnelle des institutions et des jeunes. Il n’est pas un ensemble d’outils high-tech, il est un véritable écosystème qui modifie profondément nos modes de pensée, de socialisation, nos formes de travail», lit-on dans le manifeste pour «Une école démocratique dans une société numérique» proposé par un collectif d’associations.
La mise à jour prendra donc du temps et les solutions «clef en main» ne suffiront pas. Cela nécessitera de s’interroger sur le matériel qu’on utilise, de sensibiliser les élèves aux logiciels libres, de leur apprendre à coder, d’encourager l’apprentissage entre pairs.
Comme nous l’expliquaient Irénée Régnauld et Yaël Benayoun, auteurs de Technologies partout, démocratie nulle part (Plaidoyer pour que les choix technologiques deviennent l’affaire de tous), «aujourd’hui on croit encore que le progrès technique est inéluctable, voire autonome. Les citoyens ne sont donc pas sollicités pour lui donner telle ou telle direction. Nous sommes donc assez loin d’une technologie qui prendrait en compte le vécu de ces citoyens, le rapport qu’ils entretiennent à leur territoire, à leurs administrations, etc.». Il s’agira aussi d’impliquer les élèves-citoyens et toute l’équipe pédagogique dans les choix technologiques faits par l’établissement.
En vue de transformer ceux qu’on appelle les «digital natives» en des adultes éveillés et critiques aux outils numériques. Capables de les comprendre, d’y résister et d’en imaginer d’autres.