On a l’impression qu’à chaque fois qu’il le peut, ce débat revient sur la table. Ça doit être dû à l’air du temps. Tenez, prenez l’article en couverture de ce numéro d’Alter Échos. Koen Geens (CD&V), le ministre fédéral de la Justice, travaille pour l’heure à une réforme du code des sociétés. Un code dans lequel les asbl seront désormais intégrées. Elles deviendront donc des entreprises comme les autres, susceptibles de développer des activités commerciales à titre principal. Symboliquement, la mesure est forte. Mais, dans les faits, elle ne change peut-être pas grand-chose. Voilà des années que des asbl exercent des activités commerciales à titre principal, sans trop oser (se) l’avouer. Plus globalement, c’est une bonne partie du secteur associatif et de l’économie sociale qui tend depuis quelques années à réorienter ses pratiques à l’aune d’un management inspiré du privé, d’une professionnalisation, d’une plus grande «modernité». Critères d’évaluation, gestion des ressources humaines, volonté de diversification des ressources ont ainsi fait leur apparition dans un monde qui ne ressemble plus vraiment au cliché qu’on pouvait s’en faire il y a encore 15 ou 20 ans. Mais où sont donc passés les travailleurs post-soixante-huitards montant un projet dans les combles d’une vieille maison?
Voilà des années que des asbl exercent des activités commerciales à titre principal, sans trop oser (se) l’avouer.
Parallèlement à cela, il se développe à l’heure actuelle de plus en plus d’outils permettant aux projets sociaux de se financer «autrement». On a ainsi beaucoup parlé dans les pages d’Alter Échos des fameux Social Impact Bonds. Ceux-ci permettent notamment au privé de venir financer des projets sociaux avec un retour sur investissement si ceux-ci atteignent certains objectifs. Et puis voilà que l’on apprend que les asbl pourront dorénavant développer des activités commerciales à titre principal. On est alors pris d’un doute: et si, dans l’esprit des pouvoirs publics, cette modernité ou cette professionnalisation signifiaient autre chose? Et s’il s’agissait pour eux de créer les conditions de leur désengagement progressif du financement du secteur social? Quelle utilité y a-t-il en effet à subsidier des asbl si celles-ci peuvent trouver de l’argent par d’autres biais?
D’où la question: est-ce cette tentation des pouvoirs publics qui a amené les asbl à opérer un virage progressif, direction la professionnalisation? Ou bien les pouvoirs subsidiants profitent-ils de cette professionnalisation pour tenter de retirer progressivement leurs billes du financement du secteur social? À moins que ces deux mouvements soient conjoints ou… qu’ils n’aient rien à voir l’un avec l’autre? On vous met au défi de trouver la réponse.