Une étude, commanditée par le ministre de l’Enseignement secondaire Pierre Hazette (MR), dressant un état des lieux de la réforme de l’enseignement enalternance, a été finalisée en mars dernier par le service de pédagogie expérimentale1 du professeur Marcel Crahay (ULg). L’étude, qui portesur une réforme appliquée seulement depuis septembre 2001, précise dans son chapitre introductif qu’il « ne s’agit nullement de remettre en cause la pertinencedes objectifs du décret, mais bien de mettre en exergue les éléments facilitateurs, les freins, les conséquences et les modalités de sa mise en place ». Ledocument a été présenté aux acteurs de terrain par le ministre vers le 10 juin.
L’équipe liégeoise a donc soumis un questionnaire aux 43 centres de formation en alternance (CEFA), complété par des entretiens individuels et des rencontrescollectives. Après un premier chapitre consacré au rappel du cadre législatif qui préside à l’organisation des CEFA, les chercheurs se sont attelésà caractériser ces structures. Ils y décrivent une situation qui est loin d’être homogène. Ensuite, les différents points du décret sontanalysés, mobilisant les commentaires recueillis auprès des coordonnateurs : les conseils zonaux de l’alternance et les conseils de direction, la relation de l’alternance auplein exercice, les modules de formation individualisée (MFI), les articles « 45 » et « 49 » (certifications spécifiques au CEFA à la demande desentreprises, et certifications par le CESS) et la formation complémentaire dispensée dans le système de l’alternance.
Au terme de cette étude fouillée, les auteurs dressent trois constats :
> Une grande diversité entre CEFA. À titre d’exemple, des différences sensibles quant à la connaissance du nouveau décret ont étéobservées entre CEFA. Elles « peuvent se répercuter de manière importante dans la mise en œuvre du décret ». Les chercheurs font l’hypothèseque les CEFA dont les acteurs connaissent moins bien le décret auront plus de difficultés à opérationnaliser et peut-être à s’engager dans cetteréforme. Ces différences s’expliquent par des éléments historiques. À ce titre, la relation du coordonnateur avec la direction de l’établissementapparaît centrale. Le regard du directeur sur l’alternance tout comme sa connaissance des objectifs et des modalités de réalisation du décret semblentdéterminer son degré et son type d’investissement, influençant le développement du CEFA.
> Plusieurs éléments du décret restent flous. En particulier concernant l’équivalence avec le plein exercice. D’où cette possibilitéd’organiser le décret différemment dans chaque centre. « Tantôt, on privilégie la poursuite des finalités et des objectifs de l’enseignement deplein exercice tout en tirant parti des spécificités de l’alternance. Tantôt, c’est essentiellement à travers un respect des exigences administratives quel’alternance pense aboutir à une équivalence avec le plein exercice. »
> Enfin, le Conseil zonal de l’alternance reste balbutiant. Celui-ci vise à coordonner la recherche de contrat et de convention auprès des entreprises de la zone enpartenariat avec des représentants syndicaux et des parents.
Quel démarrage pour les Conseils zonaux ?
Il apparaît qu’au moment de boucler la recherche, la plupart des Conseils n’ont pas encore pu réellement fonctionner. Néanmoins, quelques difficultésapparaissent déjà. L’objectif du Conseil est parfois compris comme le partage de lieux de stage entre CEFA. Or, étant donné les différences de politique en lamatière entre établissements, la concurrence (souvent entre réseaux) s’en trouve exacerbée. Par ailleurs, le rôle des syndicats est parfois mal compris. On ytrouve des représentants du monde de l’enseignement et moins des représentants des secteurs professionnels. Les parents sont peu présents. Les auteurs notent que «les conseils de zone restent encore, pour la plupart, un lieu où l’on échange des idées, où l’on s’informe mutuellement. […] C’est en nedépassant pas le rôle qui lui est dévolu par le décret que cette structure pourra fonctionner sous peine d’être sclérosée par des enjeuxpolitiques liés à l’appartenance à tel ou tel réseau ».
En conclusion, les chercheurs recommandent « une installation progressive passant par une appropriation des objectifs, une réorganisation complète du fonctionnement, unaccroissement des compétences à faire acquérir aux élèves et une pédagogie adaptée à l’alternance et aux exigences administratives duplein exercice ». Ils terminent en insistant sur la nécessité des réponses politiques : « Il ne suffit pas de laisser le temps aux CEFA d’intégrercomplètement les modalités du décret, mais il est temps que des personnes de référence apportent aux acteurs du terrain des réponses politiquementdécidées ».
1. Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, bât. B32, bd du Rectorat, 5 à 4000 Liège 1 – tél. : 04 366 20 95 –
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