Le pacte associatif a sa méthodologie. Le gouvernement conjoint Région wallonne – Communauté française du 7 juillet dernier en a fixé les grands principes(voir Alter Échos n° 191, p. 29), suivi le 30 août par le gouvernement bruxellois. Pour rappel, des consultations sont prévues d’ici fin octobre. Un projet depacte sera sur la table des gouvernements à la fin de l’année. S’ensuivront débats parlementaires et concertations au sein des conseils d’avis concernés.L’adoption du pacte est attendue pour juin 2006. Au-delà de la signature d’un cadre général, il s’agira de relire et, le cas échéant,d’adapter les décrets fondateurs, secteur par secteur, aux principes du pacte.
De ce pacte associatif, on en parlait déjà sous la précédente législature. La présence des écologistes dans la plupart des gouvernements faisaitespérer une évolution vers une dépilarisation des rapports avec les pouvoirs publics. Donc une meilleure reconnaissance des associations « émergentes »,indépendantes, qu’elles soient de service ou de critique sociale. Le barrage des libéraux n’a laissé filtrer qu’une refonte du décret «Éducation permanente » à la Communauté française. Tandis que de l’opposition, le PSC, rebaptisé CDH, faisait d’un pacte associatif fondésur la subsidiarité l’un de ses chevaux de bataille : que l’État s’occupe de ce que les associations ne peuvent prendre en charge mieux que lui.
Aujourd’hui, les écologistes ne font plus l’appoint qu’à Bruxelles. Et les libéraux ont disparu des gouvernements fédérés. Le PS aentamé une révolution culturelle en reconnaissant la complémentarité de l’action des associations et des pouvoirs publics, lors de son Universitéd’été 2002. Et le CDH, de retour au pouvoir mais se sachant désormais contournable, maintient un intérêt à clarifier les rapports de l’Étatavec les associations, fussent-elles proches d’un pilier.
À la veille des élections régionales de juin 2004, la plate-forme pour le volontariat avait rassemblé une série de fédérations et de coordinationsd’associations. Objectif : jeter les bases d’une discussion revendiquée avec les futurs gouvernements. Puis le pacte associatif a effectivement été inscrit dans lesdiverses déclarations gouvernementales. Aujourd’hui, alors que les différents gouvernements manifestent l’intention d’avancer sur le sujet, quels espoirs lesassociations fondent-elles sur l’élaboration du pacte ?
Enjeux : comme au tango, il « suffit » de marcher …
Le pacte doit renforcer la concertation en amont des politiques publiques. C’est toute la fonction consultative qui doit être relue, insiste Pierre Malaise de laConfédération des employeurs des secteurs sportifs et socio-culturels (Cessoc). A l’Union francophone des entreprises du non-marchand (UFENM), Sophie Vaessen considère quel’idéal serait de « ne plus devoir pousser des portes pour faire entendre sa voix ». Mais bien d’être formellement et systématiquement « concertés ».Y compris pour l’élaboration de politiques économiques. Dimitri Barthélémy, secrétaire général d’Inter-Environnement Wallonie, va plusloin. Pour lui, il faudrait élargir la concertation sociale aux acteurs environnementalistes. Les questions climatiques et énergétiques plaident en faveur d’une telleévolution, explique-t-il. En outre, une systématisation de la concertation en amont des décisions politiques permettrait d’éviter l’insécuritéjuridique provoquée par certains décrets mal rédigés.
Plus question d’être la cinquième roue de la charrette, comme dans le « plan Marshall » wallon. La création ou le maintien d’emplois – donc derichesses – concernent aussi les responsables du non-marchand, plaident ces différents acteurs associatifs. Ainsi la Fédération des employeurs bruxellois del’Insertion socio-professionnelle (Febisp) se réjouit-elle, par la voix de son administrateur délégué Gabriel Maissin, d’avoir étéassociée à l’élaboration du Contrat pour l’Économie et l’Emploi. Elle considère que pareille démarche de consultation formelle en amont desprogrammes devrait être élargie à l’associatif en général.
L’enjeu se mesure également à l’apport sociétal auquel contribue le non-marchand, en particulier lorsqu’il s’adresse à des publicsdéfavorisés, estime la Fédération des institutions et services spécialisés d’Aide aux adultes et aux jeunes (Fissaaj). Une parole forte etdifférente doit pouvoir se faire entendre. Daniel Thérasse, son directeur, espère que le pacte le permettra. Pierre Malaise reconnaît pour sa part quel’identification de critères assurant l’indépendance des associations, bien qu’indispensable, ne sera pas chose aisée. Il plaide dès lors pour ledéveloppement d’une logique de l’évaluation, commune au politique et aux associations. Il revendique également une culture de la contestation citoyenne, àentretenir au sein même des associations, y compris de service, comme gage d’innovation et d’indépendance.
« Comment ne pas perdre la tête, … »
Côté nerf de la guerre, les acteurs interrogés insistent sur le (pré-)financement correct de leurs activités, sur une base pluriannuelle, fondée sur uncontrat. Ce qui suppose aussi une meilleure visibilité des budgets affectés. A contrario, la déliaison des agréments et des subventions, dans le secteur Jeunesse de laCommunauté française, n’augure rien de bon aux yeux de la Fissaaj.
La question est d’autant plus cruciale pour les acteurs considérés comme « émergents ». Or, en Belgique, l’émergence dure longtemps. Il a falluune vingtaine d’années aux écoles de devoirs avant d’être reconnues et soutenues par un décret, rappelle Pierre Malaise. Entre-temps, elles survivaient dans uncontexte précaire. Même son de cloche chez Inter-Environnement Wallonie, dont les moyens budgétaires dépendent à 75 % de conventions annuelles signées avecdeux ministres. Pour cette fédération, le pacte devrait permettre d’avancer vers un modèle « à la flamande » où un décret subventionne lacoupole environnementale sur la base d’un contrat de cinq ans, et de rapports triennaux.
Une simplification administrative des procédures ainsi qu’un taux de TVA ramené à 6 % aideraient aussi grandement les associations, estime l’UFENM. Ducôté politique, on insiste sur le fait que le pacte ne porte pas en lui-même d’engagements budgétaires des pouvoirs publics. La question de l’allocation desressources est renvoyée à chaque secteur en application des décrets fonctionnels.
Qui dansera, qui fera tapisserie ?
A ce stade, le politique prépare la liste des invités à la consultation. A priori, il n’y a aucune exclusive : tout le monde pourra s’exprimer. L’enjeu serasurtout d’imaginer les modalités de dialogue les plus judicieuses avec les ministères et administrations concernés. Du côté associatif, on est fin prêt.Des groupes de travail internes aux fédérations ont planché sur le sujet1. Certaines fédérations se sont concertées, au sein du Conseil bruxelloisde coordination socio-politique (voir la pétition coordonnée par le CBCS)2 et de la Plate-forme pour le volontariat, notamment.
Même le Secrétariat général de l’Enseignement catholique (Segec), dont la plupart des travailleurs ont un statut de fonctionnaire, a manifesté un vifintérêt pour le pacte associatif lors de son Université d’été, le 26 août dernier. Etienne Michel, son directeur général, insiste sur unecondition de réussite des consultations et concertations qui s’annoncent : que l’ensemble des associations maintiennent leur front sur les questions de principe, communes àtous les secteurs. Pour les spécificités, on verra plus tard.