Les métaphores animales abondent au moment de qualifier le pacte associatif qui doit clarifier les rôles respectifs de l’administration, du politique et des associations : lescabinets semblent se regarder en chiens de faïence et avancent à pas de loup, beaucoup d’associations se présentent en chats échaudés et, pour qualifier le rythme dutout, c’est plutôt l’image de la tortue qui vient à l’esprit… La situation devrait néanmoins significativement s’animer dans les semaines à venir. Un gouvernementconjoint Communauté française-Cocof-Région wallonne est en effet annoncé pour le 27 mars. Devraient y être soumis une note méthodologique et un Livre vertoffrant une synthèse de la question et des différentes positions en présence ainsi que des perspectives internationales1. Le but explicite de ce Livre vert estd’offrir aux associations souhaitant contribuer au débat un outil de travail susceptible de leur éviter un fastidieux travail de déblayage. Du côté politique, c’estd’ailleurs la rédaction de ce document qui est invoquée pour justifier le retard accumulé par le processus.
Quand ?
À la manœuvre actuellement, se trouve un comité de pilotage constitué des représentants de neuf ministres2. Issus des trois entités politiquesparties prenantes au pacte, ils forment la « coupole ». Un des nombreux enjeux du processus réside d’ailleurs dans la répartition des niveaux de consultation : « Dequoi discute-t-on où ? » La question est particulièrement prégnante à Bruxelles. Du côté des représentants du monde associatif, on tient en effetà rappeler les spécificités d’une Région qui est surtout une ville : importance d’un associatif émergent ancré dans les communautés immigréeset statut de l’associatif bicommunautaire, notamment. Il s’agira donc de faire remonter ces particularités lors de la rédaction du pacte en surajoutant aux consultations globales de la« coupole », une consultation intrabruxelloise : c’est du moins ce que promet de réaliser le cabinet Cerexhe, en charge de la coordination du processus pour la Commissioncommunautaire française. Mais, précisément, ces consultations, quand auront-elles lieu? D’abord annoncées pour octobre 2005 puis pour février 2006, elles sontmaintenant promises dès que la note méthodologique et le Livre vert auront été approuvés par le gouvernement conjoint. Donc, peu après le 27 mars, si tout vabien…
Qui ?
Dans un premier temps, la consultation devrait concerner les partenaires sociaux, les différents conseils supérieurs, conseils consultatifs et conseils d’avis sectoriels, lesconseils économiques et sociaux, ainsi que 27 associations « illustratives » et diversifiées – selon des critères géographiques, philosophiques etd’activité : y figurent entre autres le Segec, la Febisp, le CBAI, Inter-environnement Bruxelles, le CBCS, Inter-Environnement Wallonie, Lire & écrire, les mutualitéschrétiennes et socialistes, le MOC, PAC,… À partir de tous ces avis informés par le Livre vert, le comité de pilotage – les représentants des neuf ministres– devrait élaborer une synthèse. Au cabinet Arena, on précise également que le texte – au statut non encore défini – qui émergera de cesconsultations ne sera qu’une pièce autour de laquelle il y aura encore, évidemment, débat… Une des conditions de réussite du processus devrait d’ailleurs porter sur lamobilisation des associations de terrain autour de ce premier texte annoncé pour le second semestre 2006.
Quoi ?
Reste que, sur la nature exacte de ce premier texte, c’est encore le flou qui règne : lignes directrices ou premier projet de pacte ? Au-delà de cet aspect formel, c’est toute laproblématique du caractère contraignant et de la force juridique de la version finale qui est directement visée. Dans les coulisses, d’aucuns évoquent déjàla possibilité de modeler le Pacte associatif sur l’exemple du Pacte culturel de 1973 et, ainsi, d’installer une Commission nationale permanente du pacte associatif auprès de laquelleles associations s’estimant lésées par rapport aux engagements pris par le politique pourraient porter recours. Mais cette approche maximaliste semble loin de fairel’unanimité.
Sur ce point, les cabinets, toutes tendances confondues, se montrent particulièrement discrets, soit qu’ils souhaitent ne pas abattre leurs cartes trop prématurément, soit– hypothèse optimiste – qu’ils se refusent à orienter trop nettement la phase de consultation. Tout au plus, précise-t-on du côté du cabinet Huytebroeck,seul partenaire écologiste autour de la table, qu’il s’agit surtout d’éviter le « façadisme » et de s’assurer que le processus actuel « débouche sur unvéritable outil au service des associations ». Faute de quoi, « on n’aura rien fait d’autre que briser la confiance avec de fausses promesses ». Mais pour le cabinet, on n’enest pas encore là : « À ce stade-ci, il n’y a rien de mal fait et rien de bien fait ! »
Comment ?
Reste que, pour conjurer cette perspective, de nombreux écueils sont encore à éviter et de nombreux débats doivent être tranchés. Certains sontfondamentaux et portent sur la manière même dont les partenaires politiques envisagent le rapport entre État et associations (État fournisseur ou régulateur ;complémentarité ou subsidiarité, ou même subordination), d’autres sont plus contextuels mais pas nécessairement moins menaçants : ils ont trait aux risquesd’interférences avec d’autres dossiers (non-marchand, situation de l’associatif bicommunautaire à Bruxelles, financement de la Région bruxelloise, …).
Les partenaires ont donc à slalomer entre deux risques symétriques (mais pas mutuellement exclusifs) : celui de s’enliser et celui de déboucher sur un accord minimal –et minimalement contraignant – qui ne satisfasse personne. Lorsqu’en juillet 2005, les gouvernements wallon et de la Communauté française (mais pas encore de la Cocof, qui n’arejoint la « coupole » qu’en septembre) s’étaient mis d’accord sur une méthodologie, il était question de clôturer pour octobre 2005 les consultations, et deproposer un premier projet de pacte pour décembre de la même année. Par rapport à cet optimiste calendrier, le retard accumulé n’est pas loin d’être de l’ordrede l’année!
Une lenteur qui rend d’aucuns pessimistes sinon sceptiques quant à la réelle volonté politique d’avancer dans ce dossier. Ainsi, Philippe Laurent, président de laPlate-forme pour le volontariat, remet en cause le rôle des piliers et de leurs relais politiques. « À cet égard, la situation était certainement plus favorable sousla législature précédente lorsque l’un des piliers [le CDH : NDLR] était dans l’opposition. Le grand danger qu’il y a à la pilarisation – certes moinsmonolithique qu’auparavant mais toujours très prégnante – est l’absence de renouvellement de l’engagement social. En effet, l’offre de participation sociale de la plupart des gensn’est valable que dans le cadre d’une autonomie. Or, comme celle-ci est réduite et que c’est à travers les piliers que sont orientés l’argent, les représentations et lesprojets, il y a un assèchement et une fonctionnarisation du travail associatif. Ce ne sont pas des conditions optimales pour affronter la vague de libéralisation et de privatisation quidemeure potentiellement menaçante. » Eh oui, dans toute cette faune, l’associatif joue aussi la mouche du coche !
1. Pour plus de renseignements sur le modèle anglais, fréquemment cité en exemple, voir le site du «Compact »
2. Pour la Communauté française, il s’agit de Marie Arena (ministre-présidente – PS), Fadila Laanan (Culture et Éducation permanente – PS), Catherine Fonck(Enfance et Aide à la Jeunesse – CDH), pour la Région wallonne, Elio Di Rupo (ministre-président – PS), Christiane Vienne (Action sociale – PS) etMarie-Dominique Simonet (Recherche et Relations extérieures – CDH) et Cerexhe (ministre-président – CDH), Picqué (Cohésion sociale) et Huytebroeck (Budget etpersonnes handicapées – Écolo) pour la Cocof.