Catherine Bourlet est une adepte de la course à pied. «Quand je cours, c’est comme si tout devenait possible», lance-t-elle. Au-delà de cette passion, la vie de cette maman de cinq enfants prend souvent des allures de marathon: elle ne connaît pas de répit entre son quotidien de parent solo et l’asbl qu’elle gère pour soutenir les familles monoparentales. C’est d’ailleurs en faisant son jogging que Catherine, a eu, voilà cinq ans, l’idée de lancer «Solo mais pas seul». «Quand on se sépare, on ne sait plus ce qui va arriver, on n’a plus aucun repère. On vit au jour le jour…», témoigne-t-elle.
Depuis 2014, l’association, située à Jodoigne, aide les familles monoparentales – majoritairement des mères – à recréer un réseau social. Catherine les oriente vers les services compétents et les accompagne tout au long de leur parcours.
«Quand on se sépare, on ne sait plus ce qui va arriver, on n’a plus aucun repère. On vit au jour le jour…» Catherine.
L’endroit est discret, à côté des commerces de la rue Saint-Jean, une petite artère tranquille de Jodoigne. À l’entrée, quelques jouets et livres traînent, de quoi occuper les enfants pendant que leurs parents se font aider. Sur un tableau fixé au mur, on y lit des mots écrits par les parents qui poussent la porte de l’association: «Reconstruction», «Solitude et jamais seule» ou encore «Super woman»… Un inventaire des réalités vécues par ces familles.
Marcher sur un fil
C’est que la vie de parent solo est loin d’être un long fleuve tranquille. «Être parent solo, c’est marcher sur un fil. Cela demande beaucoup de souplesse», poursuit Catherine. Car pour ces familles, il faut souvent faire autant, avec moins: moins d’argent, moins de temps, moins d’aide. Ce fil mince sur lequel marchent de nombreuses familles est si emblématique qu’il est devenu le symbole de l’association.
«Être parent solo, c’est marcher sur un fil. Cela demande beaucoup de souplesse» Catherine
La détermination de Catherine ne laisse rien percevoir du parcours titanesque qu’elle a surmonté ces dernières années. Quand elle s’est retrouvée seule voilà sept ans, ses enfants étaient jeunes. L’aîné avait 8 ans, le dernier quelques mois à peine. Avec la séparation, elle n’arrive plus à travailler. Épuisée, en maladie, puis au chômage… le cercle vicieux est connu, loin d’être unique, notamment pour une mère seule. Au pied du mur, Catherine refuse cette situation. Une idée germe en elle, celle de créer un lieu destiné aux familles monoparentales pour leur donner les informations administratives ou judiciaires nécessaires. Catherine s’était rendu compte que les démarches pour connaître ses droits comme parent solo relevaient trop souvent du parcours du combattant. «Je ne savais pas à quelle porte frapper», se souvient-elle.
Mais comment lancer un tel projet sans un sou en poche? La mère de famille y va au culot. Elle prend contact avec le propriétaire d’un bâtiment vide depuis plusieurs mois, découvert lors d’un jogging. La course, encore… Elle lui explique sa situation et son projet pour parents solos. «Il accepte de louer le local pour plusieurs mois. Cela a été un véritable déclencheur pour se lancer dans cette aventure…», raconte Catherine, qui ne s’imaginait pas être coordinatrice d’une association, elle qui avait travaillé dans le tourisme. Si «Solo mais pas seul» a déménagé depuis, l’asbl n’a cessé de se développer en cinq ans d’existence. «Avec le temps, les partenariats se sont tissés.»
L’association reçoit des demandes toujours plus nombreuses de parents, qui ne se limitent pas au seul Brabant wallon. «Ce qui est surprenant, et cela pose question en termes de besoins, ce sont les kilomètres qu’ils sont prêts à faire pour venir jusqu’ici. C’est évidemment une reconnaissance pour le travail mené par l’association, mais cela démontre un manque énorme d’informations et d’accompagnement pour ces familles.» Manque d’autant plus important qu’une famille sur quatre en Wallonie est une famille monoparentale. «Même si on retrouve de nombreuses informations sur Internet, cela reste souvent de la théorie. Pour l’avoir vécu comme d’autres, quand on est dans une situation vraiment compliquée comme une séparation, que tout est à refaire pour trouver un logement, un emploi, s’occuper de ses enfants, le contact humain est plus que nécessaire. C’est ce qui fait la force de l’association.»
«La plupart sont atteints psychologiquement par la séparation. Il leur est difficile d’entamer n’importe quelle démarche tant ils manquent de confiance en eux.» Catherine
Si la première ambition de «Solo mais pas seul» est d’apporter des informations aux familles monoparentales, Catherine Bourlet s’est rendu compte de la nécessité d’étendre les activités de l’association pour sortir les parents de leur isolement. «Au fil des rencontres, ces parents avaient un grand besoin de parler. La plupart sont atteints psychologiquement par la séparation. Il leur est difficile d’entamer n’importe quelle démarche tant ils manquent de confiance en eux.»Que ce soit autour d’un café, un apéro lors d’une journée à la mer ou lors d’un atelier pour réaliser soi-même ses produits ménagers, diverses activités sont proposées tout au long de l’année, autant de prétextes pour sortir de l’engrenage de la solitude et retisser du lien social.