Du 15 au 19 février s’est tenue la quatorzième édition du Parlement jeunesse1. Cette simulation du débat parlementaire à laquelle une centaine dejeunes ont participé a pour but de promouvoir la démocratie. Un événement ludique qui suscite de vives critiques.
« Calomnies ! » hurle un jeune député sans trop savoir pourquoi. Une charmante parlementaire en tailleur beige se lève et défend sessupposées frasques amoureuses au nom de l’union libre, un autre suggère le rétablissement de la torture sous les huées de ses collègues. L’ambiance est chaude auParlement de la Communauté française à Bruxelles. Les 75 députés du Parlement jeunesse s’échauffent chaque matin sur un ton humoristique, lors du traitementdes « affaires du jour ». On se croirait à un match d’impro, sans les savates qui volent et la musique d’ambiance. Les jeunes jouent le jeu et s’invectivent, s’initientau grand théâtre qu’est la politique. À 10 heures, le propos se fait plus sérieux, les apprentis députés rentrent dans le vif du sujet et débattentjusqu’au soir de propositions de décrets, défendues par des ministres en herbe. Les sujets discutés ont déjà animé les bistrots et les rédactions cesdernières semaines : port du voile, laïcité, prisons et numerus clausus. La majorité fait face à une opposition, mais chacun est libre de voter selon ses propresconvictions, aucune discipline de parti n’est imposée. Selon Maxime Lambrecht, administrateur de l’asbl organisatrice, « il s’agit d’une simulation d’un débatdémocratique idéal, débarrassé des stratégies purement politiciennes et des logiques de parti ».
Chaque année, la Communauté française met ses locaux à disposition du Parlement jeunesse dont l’objectif est de sensibiliser la jeunesse au débatdémocratique et à la citoyenneté. Les joutes s’étalent sur une semaine pendant laquelle des jeunes jouent leur rôle de député avec plaisir.
Pendant un an, les membres de l’asbl Parlement jeunesse prennent leur bâton de pèlerin à la recherche de futurs parlementaires en distribuant des affiches sur les campus. Lesadministrateurs de l’asbl sélectionnent les aspirants députés sur base de lettres de motivation, « nous ne cherchons pas à tout prix des jeunes à l’aiseen public, au contraire, cette expérience marquante peut débloquer la parole chez des jeunes », nous assure Maxime Lambrecht. Cette année, 250 jeunes de 17 à 26ans ont déposé leur candidature pour la guindaille démocratique à prix abordable (50 euros la semaine). C’est en tout cas cette campagne de recrutement qui pèse leplus sur le budget de l’association. Un budget mixte composé à 55 % de subventions de la Communauté française et à 45 % de subventions privées sousforme de « sponsoring » (Pure FM, Sofico…).
« Un alibi jeune »
Malgré le charme apparent d’une telle opération, le Parlement jeunesse compte toutefois des détracteurs. Cet exercice démocratique n’est pas du goût du Conseil dela jeunesse catholique qui fustige le principe même de simulation. Pour Brice Many, son secrétaire général, « ce type d’événement réduit lacitoyenneté à la seule démocratie représentative, ce qui est très court et dévalorise les actions citoyennes réelles. » Loin de ladémocratie réelle, la vision « romantique » d’une démocratie non structurée par des partis politiques est aussi soumise au feu des critiques de BriceMany, « on voudrait faire croire à une démocratie idéale, sans logique de partis, alors que les partis sont la représentation instituée des rapports deforce ».
Même son de cloche du côté de la Confédération des organisations de jeunesse indépendantes et pluralistes (COJ). Geoffroy Carly, président de la COJ,reconnaît bien volontiers que pour les jeunes qui participent au Parlement, l’expérience est enrichissante. Mais ce jeu de rôle n’a pas d’influence sur le réel et, selonlui, c’est là que le bât blesse. « Cette simulation fait ressentir l’écart substantiel entre le pouvoir qu’ont les jeunes dans cet espace et la réalité,elle ne change rien à la place des jeunes dans un cadre politique plus large. » Le président de la COJ n’est pas sûr que cela forme les citoyens de demain :« quels sont les jeunes qui participent au Parlement jeunesse ? Des jeunes qui sont déjà impliqués dans la politique ! » À ses yeux, cetteinitiative est « un alibi jeune de la Communauté française ». Enfin, pour Geoffroy Carly, le coût d’une telle initiative laisse songeur sur lespriorités politiques alors que la démocratie se construit avant tout dans les écoles et dans les associations.
1 Parlement jeunesse asbl :
– adresse : place du XX août, 24 à 4000 Liège
– tél. : 0496 94 62 84
– site:www.parlementjeunesse.be