Au nom de l’ensemble de ses collègues ainsi que de la majorité des coordonnateurs des Centres de formation en alternance (CEFA) de l’enseignement libre, Pierre Chapelle,coordonnateur du CEFA de la Communauté dans la région de Visé1, juge insuffisants les deux amendements à l’avant-projet de décret relatif à l’alternance. Cesmodifications avaient été proposées au gouvernement par le ministre Hazette à la suite de la concertation sur son avant-projet de décret (voir notre éditionprécédente).
Si le premier d’entre eux (l’introduction de modules de formation individualisés) « ouvre une porte à la resocialisation des mineurs d’âges », l’absence de moyenscomplémentaires n’en permettra pas, selon le coordonnateur, une application réelle. Quant à la création de conseils zonaux, Pierre Chapelle ne voit tout simplement pasl’utilité de cette nouvelle structure qui engendrera « quelques réunions et détachés supplémentaires ». Mais surtout Pierre Chapelle dénonce l’absenced’avancée en ce qui concerne « le carcan administratif qui grève la souplesse de fonctionnement des CEFA et la spécificité de l’alternance face au plein exercice ». « Riennon plus sur le plan de la fonction d’accompagnateur et de coordonnateur »; ces dernières questions devant se régler par ailleurs avec le ministre du Budget Rudy Demotte.
Marie-Jo Sanchez, coordonnatrice du CEFA de Saint-Gilles2, estime quant à elle que les modules préparatoires constituent « un acquis dans le cadre de la lutte contre le décrochagescolaire ». Mais également « un piège » potentiel : celui de voir les CEFA se muer en » structures ghetto » dans lesquelles les écoles secondaires « dispatcheraient » lesélèves en difficulté ou qu’elles organiseraient elles-mêmes sous forme de section séparée, brisant ainsi « l’autonomie et la spécificitépédagogiques de l’alternance ». En outre, Marie-Jo Sanchez reste « très sceptique quant à l’efficacité du conseil zonal ». Le problème est, selon elle, quel’entreprise n’est pas demandeuse de dialogue avec l’école et que la culture de formation n’y existe pas, d’autant plus à l’égard de jeunes en âge de scolarisation exigeantune formation de base. « Bon nombre de patrons ne voient dans le CEFA qu’un pourvoyeur de main-d’œuvre bon marché immédiatement adaptée au poste de travail, les profils de laCCPQ aggravant cette situation par le seuil qu’ils créent vis-à-vis des formations spécifiques. » La coordonnatrice espère malgré tout que le conseil sera « investipar le monde de l’éducation » pour permettre de régler les problèmes de stages et servir de « relais des préoccupations éducatives, via les syndicatsinter-professionnels, vers le monde du travail ». Enfin elle ne cache pas que « les premières moutures du décret avaient été conçues par des gens qui savaient de quoiils parlaient » mais qu’en revanche, le texte actuel renforce la lourdeur administrative, ne comprend pas la spécificité de l’alternance et ne règle rien des problèmes destatut du personnel.
Etienne Florkin, secrétaire général de la Fésec3, juge, quant à lui, que le décret constitue « une véritable valorisation de l’alternance puisqu’ill’organise en une filière à part entière qui n’exclut aucune des voies qualifiantes ». Il exprime toutefois « une petite réserve » : « Nous ne sommes pas sûrs qu’onpuisse développer un projet d’alternance avec des élèves du 2e degré professionnel ». « Sans que les dispositions soient obligatoires, il sera malgré tout tentantpour les écoles d’y aiguiller les élèves qui posent problème alors que nous sommes persuadés que leur place est dans le plein exercice. » « Cela reste unedifficulté, mais des assouplissements ont été introduits », les CEFA pouvant décider de l’organisation spécifique de l’horaire de ces élèves tout enrestant dans le cadre de l’obligation scolaire. Plus globalement, Etienne Florkin constate qu’en 15 ans, « l’alternance est passée d’une connotation sociale prioritaire à une connotationqualifiante prioritaire, le problème étant de les marier alors que le décret pousse à écourter la phase préparatoire à la mise en entreprises ».Attendant sur ce plan l’aide des partenaires sociaux, Etienne Florkin reconnaît que le risque quant à la répartition inégale des stages entre les différents types deformation en alternance désormais prévus « n’est pas nul ». Le nombre de ces derniers « n’augmente que d’une centaine par an » malgré la publicité et les primes de laRégion wallonne. Il apporte également des nuances quant à la culture de formation des entreprises, soulignant le sentiment de responsabilité de patrons de PME qui »tiennent à passer le témoin dont ils ont bénéficié étant jeunes ». Sur le plan de l’autonomie des CEFA, Etienne Florkin insiste sur la gestioncollégiale et l’interdépendance entre alternance et plein exercice que permettra le conseil de direction. Enfin, la Fésec espère que le conseil zonalintercaractères, par l’objectif de concertation qui lui a été assigné, conduira les acteurs à ne pas « se marcher sur les pieds afin de ne pas faire de tort auxjeunes » et à se constituer un langage commun pour entrer en contact avec les entreprises.
1 CEFA de la Communauté, rue Saint-Laurent 45 à 4690 Glons, tél. : 04 286 91 23.
2 CEFA de Saint-Gilles, rue de la Croix de Pierre 73 à 1060 Bruxelles, tél. : 02 537 55 37.
3 Fédération de l’enseignement secondaire catholique, rue du Commerce 82 à 1040 Bruxelles, tél. : 02 507 07 50.
Archives
"Parmi les réactions, à l'avant-projet de décret sur les CEFA…"
Donat Carlier
09-04-2001
Alter Échos n° 95
Donat Carlier
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