À l’occasion du lancement de la semaine européenne de la démocratie locale, du 15 au 21 octobre, l’Union des villes et communes de Wallonie (UVCW) conviait le 16octobre dernier à une conférence de presse consacrée à la démocratie participative. Des mandataires communaux issus des quatre partis démocratiquesprésentaient des initiatives illustrant la variété des dispositifs mis en œuvre en Région wallonne.
Qui participe ?
Ironie de la situation : aucun citoyen sans mandat électif n’était présent à la conférence de presse. Une occasion perdue d’illustrer parl’exemple la bonne santé de la démocratie participative en Wallonie. Et sans doute révélatrice de la difficulté qu’il y a à évaluerprécisément qui participe aux dispositifs mis en place par les communes. Même si les mandataires se posent en permanence la question de savoir comment toucher, directement ouindirectement, tous leurs concitoyens, il n’y a pas, à ce jour, de réponse toute faite. Chaque démarche est aussi une tentative d’élargir le cercle des habitantsimpliqués dans une démarche citoyenne, sans toujours y parvenir.
Les initiatives sont si nombreuses et contextualisées, selon le président de l’UVCW, Paul Furlan (PS), que celui-ci a demandé à ses services de réaliser unrecensement des démarches participatives [voir encadré]. Objectif : établir une cartographie qui favorise l’échange d’expériences entre les 262 communeswallonnes et identifier des initiatives qui pourraient utilement être soutenues par décret. Et le président de rappeler que le gouvernement wallon prépare un décretqui devrait notamment intégrer le budget participatif dans le Code de la démocratie locale.
Les mentalités des politiques évoluent
Pour Paul Furlan, « participation et démocratie représentative ne s’opposent pas mais sont susceptibles de se renforcer mutuellement ». Les dispositifsréglementaires, qu’ils soient obligatoires (enquêtes publiques) ou volontaires (conseils consultatifs communaux) semblent désormais faire partie de l’arsenal normal,« acceptés », au service de la gouvernance locale. Il n’en a pas toujours été ainsi.
On se souviendra de l’inquiétude, voire de l’irritation, provoquée par l’expérimentation, en 2001, du premier panel de citoyens en Belgique (voir AlterÉchos n° 99). « La prise de décision légitime, c’est nous » avaient alors clamé, en substance, une série de mandataires, toutes tendancesconfondues, de même d’ailleurs que certaines associations d’éducation permanente « historiques ». Tous craignaient pour leur légitimité, quid’élus, qui d’animateurs de la société civile.
L’état d’esprit des élus locaux a-t-il évolué depuis lors ?
« Il y a clairement un renforcement du rôle d’animation des élus locaux », affirme Thérèse-Marie Bouchat, échevine (Écolo) àSombreffe. Et ses collègues de citer, pour preuve, le nombre de réunions en soirée qu’ils consacrent à l’information des citoyens, à la confrontationdes arguments et des priorités et à la défense des projets retenus.
Aujourd’hui, une majorité d’élus semble avoir saisi l’intérêt de promouvoir et d’expérimenter des processus participatifs. « Sibeaucoup d’habitants viennent encore aux réunions des comités de quartier pour tenter de résoudre leurs propres problèmes tout de suite, la prise en compte del’intérêt général progresse d’année en année », affirme Paul Furlan.
Fracture numérique, une question d’usage
De plus en plus souvent, les nouvelles technologies de l’information sont intégrées dans les stratégies de participation. Floreffe, entité rurale de 7 500habitants, dispose de sept commissions et conseils consultatifs. En avril dernier, la commune se dote d’un nouveau site Internet collaboratif. Grâce à une technique baptisée« CommunesPlone » – reposant sur des logiciels libres et mis au point par l’UVCW – les communes peuvent désormais développer leur site en toute autonomie. ÀFloreffe, le dispositif prévoit de donner la possibilité aux associations et autres acteurs locaux de gérer leur propre page d’information sur le site communal, moyennantla signature d’une charte de l’utilisateur. Un dispositif conçu pour compléter la politique communale d’information des citoyens comme condition de leur participation.Avec l’ambition affichée, à terme, de « fonctionner à livre ouvert avec la population, sur toutes les informations stratégiques » affirmeThérèse-Marie Bouchat.
Dans la commune urbaine voisine de Namur, qui compte 107 000 habitants, le bourgmestre Jacques Étienne (CDH) a mis en évidence le site internet cogéré par lecomité de quartier de Bomel-Herbatte et la ville de Namur, un espace d’expression sensé renforcer les liens entre l’administration et les habitants.
Ce recours croissant à l’informatique s’accompagne de la question de la fracture numérique. Mais pour François Belot, bourgmestre (MR) de Rochefort, poser la seulequestion de l’accès n’est pas suffisant. Dans sa commune, une enquête a mis en évidence un taux de pénétration de l’internet plus élevéchez les personnes bénéficiant des services du CPAS que dans la moyenne de la population. À l’inverse de l’usage des courriels, plus fréquent dans lamoyenne.
Un constat qui semble plaider en faveur de nouvelles technologies de l’information comme complément et non comme substitut à des approches, plus directes, de la participationcitoyenne.
L’identité comme perspective, le projet pour mobiliser
À l’autre bout du spectre de l’implication citoyenne, il y a la dynamique sambrevilloise. La commune, 27 000 habitants, marquée par le déclin industriel, montreaujourd’hui un visage essentiellement rural. Elle s’est dotée sous la précédente mandature d’une Plate-forme communale des quartiers (PFCQ) qui a permis demobiliser de nombreux habitants, en particulier parmi les plus défavorisés socio-économiquement, selon François Plume, conseiller communal (PS).
La PCFQ agit comme un espace de concertation autour de projets communs entre les associations qui en font partie. L’initiative s’inscrit dans le programme européen Urban II desoutien à la revitalisation des quartiers. « L’objectif premier consiste à combler le déficit d’image de soi d’une population, explique FrançoisPlume. Pour cela, la commune met en avant une méthode inspirée de la pédagogie du projet : favorisant l’implication active des habitants, chaqu
e initiative faitl’objet d’une fiche thématique, sa coordination est assurée ou soutenue par la PFCQ et enfin chacune fait l’objet d’une évaluation. »
Exemple : « Tous à vélo ». Organisée depuis cinq ans, la manifestation rassemble 400 participants lors d’une promenade cycliste. Initiée par le CPAS,la balade est l’occasion de multiples implications. « L’affiche annonçant l’événement est réalisée par les participants du grouped’alphabétisation, un atelier de réparation vélo a été créé sous la forme d’une entreprise d’économie sociale, un groupe detravail et de réflexion sur la santé et les sports s’est constitué, explique François Plume. La plupart des participants ont approfondi et multiplié leurimplication dans une série de démarches citoyennes, inscrivant les effets de ce projet dans la durée. »
Des effets de bon augure pour le prochain redécoupage de la commune en quartiers que préparent les autorités locales. « Les comités d’habitants de cesquartiers seront des interlocuteurs pour le collège, dans la perspective de l’élaboration de budgets participatifs par exemple », conclut François Plume.
L’exemple de Sambreville – une animation de la vie locale qui débouche entre autres sur un intéressement des citoyens à la vie communale – montre que donner lesmoyens de participer à certaines catégories de la population, cela passe par des dispositifs et des projets spécifiques, qui nécessitent de dégager des moyenspropres et peut avoir des effets d’entraînement multiples.
La culture, véhicule de la citoyenneté
La culture ou des institutions à vocation culturelle jouent souvent un rôle de leaders, voire de pionnières, en matière de participation citoyenne. En particulierlorsqu’il s’agit de développement de projets sur un territoire transcommunal. Les centres culturels de l’ouest du Brabant wallon, avec l’animation d’un voletcitoyenneté dans le cadre de la reconversion de la sous-région, en est un exemple (voir Alter Échos n° 225).
Autre exemple mis en évidence par l’UVCW : Prospect 15. Démarche prospective menée sur le territoire des quinze communes de l’arrondissement de Dinant (103 000habitants), elle a été lancée en 2003 suite à une interpellation du centre culturel régional. « Présent et actif sur un territoire qui englobeplusieurs communes, celui-ci percevait une série d’enjeux et de problématiques exprimés par des citoyens, qui appelaient des actions au-delà d’une communeprise isolément » explique François Belot, bourgmestre de Rochefort.
Interpellés par le centre culturel, les quinze bourgmestres ont embrayé et se réunissent désormais au sein de l’un des trois comités de concertation mis enplace début 2005. Les deux autres étant composés des représentants des CPAS pour l’un et des animateurs des centres culturels locaux pour l’autre. Les sixthèmes discutés concernent la mobilité, l’économie, l’aménagement du territoire, la culture, le social et la santé. « Il s’agit deréfléchir aux grandes orientations à privilégier, à moyen et à long terme, dans chacun de ces six domaines et de dépasser les intérêtsparticuliers de chaque commune dans leur mise en œuvre » précise le bourgmestre de Rochefort. Un défi que permet de relever l’implication du centre culturelrégional dans le rôle de « médiateur, de facilitateur et de passeur ».
Contrairement à la dynamique portée par les centres culturels de l’ouest du Brabant wallon, plus citoyenne mais moins directement connectée aux politiques, la dimensionparticipative de l’exemple dinantais implique peu les habitants. Elle réside principalement dans la possibilité d’organiser une concertation entre représentants dequinze communes et dans la consultation, au sein des groupes de travail, de personnes-ressources invitées pour leur expertise ou leur expérience dans un domaine précis.
Participation citoyenne : des moyens et des idées
Dans l’attente de l’étude exhaustive commandée par le président de l’Union, ses services ont élaboré une note – disponible sur le site del’Union des villes et communes de Wallonie1 qui fait le point sur une série de dispositifs participatifs. Distinguant « plutôt passifs » (information) et« plus actifs » (consultation, concertation, etc.), elle met l’accent sur les expériences non institutionnalisées, soit celles où la marge d’innovationest la plus importante. Elles sont présentées selon le degré d’implication des citoyens. Du droit d’interpellation du collège au budget participatif, enpassant par des enquêtes publiques hors cadre obligatoire, ou encore par les panels de citoyens, le tableau brossé par Mathieu Lambert2 est illustré d’exemples dedispositifs touchant à tous les domaines de la vie locale.
1. Pages 6 à 17 du dossier de presse, à télécharger sur :
http://www.uvcw.be/presse
2. Mathieu Lambert, conseiller, Union des villes et communes de Wallonie :
– adresse : rue de l’Étoile, 14 à 5000 Namur
– tél. : 081 24 06 31
– courriel : mathieu.lambert@uvcw.be