Place à l’activation des chômeurs. Jusqu’en 2004, seuls les cohabitants perdaient leurs allocations si leur chômage dépassait une certaine durée,c’était ce qu’on appelait l’article 80. Depuis bientôt trois ans, les chefs de ménage et les isolés sont eux aussi dans la ligne de mire. Ils sontpriés de s’activer, de démontrer leurs efforts pour chercher un travail, décrocher un intérim, une formation. Le super-conseil des ministres de Petit-Leez de lami-janvier 2004 a en effet accouché d’un projet d’accompagnement et de suivi des chômeurs proposé par Frank Vandenbroucke, à l’époque, ministre fédéralde l’Emploi (SP.A), Un plan qui prévoit une gradation d’avertissements et de sanctions.
Les principes de la réforme proposée par le ministre de l’Emploi au gouvernement mi-janvier 2004 dans son plan intitulé « Activation du comportement de recherche» sont les suivants : la durée du chômage indemnisé ne dépend (presque) plus des caractéristiques du chômeur (âge, situation familiale, etc.), maisde sa mobilisation pour (re)trouver un emploi ; cette mobilisation (« activation ») est soutenue par un investissement dans les dispositifs d’accompagnement et une batterie decontrôles et de sanctions. Autrement dit – la note de Frank Vandenbroucke déposée à Petit-Leez est particulièrement claire –, l’allocation est dueà durée indéterminée, à condition que le chômeur puisse prouver sa « disponibilité active » en continu, et pas seulement quand ladurée de son chômage se prolonge trop. « Une sanction ne sera jamais prise avant que le chômeur ait été « réveillé » et ait eu l’occasion dese reprendre ». En somme, un Plan d’accompagnement des chômeurs renforcé et généralisé.
À l’annonce du plan, les organisations syndicales (CSC et FGTB) ont dénoncé une opération qui a pour effet, disent elles, de désigner les 420 000chômeurs comme des profiteurs, des fraudeurs, des fauteurs de troubles. Après la DLU qui a récompensé les fraudeurs fiscaux, la pilule a été, on le comprend,difficile à faire passer côté syndical. « On ouvre la chasse aux chômeurs. On agit comme si les chômeurs n’étaient pas disponibles alors qu’enréalité, c’est l’emploi qui est trop rare », tonnait Josly Piette (CSC), alors qu’André Mordant (FGTB) soulignait : « On veut culpabiliserl’ensemble des chômeurs. On les désigne à l’opinion publique comme des boucs émissaires ». Du côté patronal (FEB), sans surprise, on aapplaudi des deux mains.
De son côté, le gouvernement, sachant qu’il avançait en terrain miné, a accompagné l’annonce du plan par une invitation à une concertation avecles syndicats et les patrons. À noter qu’il s’agit bien d’une concertation et non d’une négociation, on a donc pris avis. Le 6 février 2004, le projet decontrôle des chômeurs de Frank Vandenbroucke franchissait le cap de la concertation sociale, édulcoré par les critiques syndicales.
Le plan
Mais que propose le plan ? Jusqu’en juin 2005, on a contacté les moins de 25 ans, au chômage depuis 15 mois, et les 25-30 ans, sans travail depuis 21 mois. Entre juillet 2005 etjuin 2006, ce fût au tour des moins de 40 ans dont la durée d’inactivité atteignait 15 ou 21 mois. Entre juillet 2006 et juin 2007, on vise les moins de 50 ans inactifsdepuis 15 ou 21 mois. Et après juillet 2007, le système sera évalué.
À ces différentes périodes, qui peut être convoqué ? Les chômeurs complets inscrits comme demandeurs d’emploi et qui ne sont ni en « large» incapacité de travail (moins de 33 % d’incapacité), ni en accompagnement actif à ce moment-là ou dans un passé récent, ni travailleurs àtemps partiel ou en ALE (min. 180h./an). Ils ne peuvent pas non plus être dans leur première période de chômage.
Les chômeurs sont ainsi convoqués à plusieurs entretiens, espacés dans le temps. De manière très résumée ici, car le texte est trufféde nuances, s’il résulte du premier entretien que le chômeur a fait assez d’efforts, il est reconvoqué au plus tôt 16 mois plus tard. Sinon, le rappel aura lieu4 mois plus tard et assorti d’efforts à accomplir entre-temps. S’il ne se présente pas au premier entretien, le demandeur d’emploi est convoqué unedeuxième fois dans les 3 semaines. S’il ne se présente toujours pas, il encourt une suspension d’allocation d’au moins quatre semaines et la suspension ne prend finque quand le chômeur se présente.
À noter qu’il peut se faire accompagner d’une personne de son choix, donc aussi d’un représentant syndical ou d’un avocat dès le premier entretien. Sile deuxième entretien s’avère positif, le troisième entretien est fixé au plus tôt 12 mois plus tard. Sinon, ce sera après quatre mois, avec privationlimitée de l’allocation durant ce laps de temps. Si le troisième entretien est positif, le suivant aura lieu au plus tôt 12 mois plus tard. Sinon, ce sera la privationtotale de l’allocation. Le chômeur a alors la possibilité d’introduire un recours devant la Commission administrative nationale1 en cas d’exclusion del’allocation pour « efforts insuffisants ». Ce recours n’est pas suspensif.
Pour objectiver les critères de contrôle du respect des engagements, une série de preuves mobilisables par le chômeur ont été énumérées: copies de lettres, attestations d’employeurs, copies d’offres d’emploi et relevé systématique du suivi, relevé des sites internet examinés, etc.L’Onem a la faculté de recouper ces informations s’il les estime douteuses : par exemple, via un contact avec l’entreprise où le chômeur affirme avoir eu unrendez-vous ou avec l’agence d’intérim où il affirme s’être inscrit. L’Onem peut aussi admettre, subsidiairement, la déclaration sur l’honneurdu chômeur.
Améliorations et déceptions
La pression syndicale a porté partiellement ses fruits et a permis d’engranger des modifications importantes au texte par rapport à la première version :
• le centre de gravité dans les propositions s’est déplacé du contrôle vers l’accompagnement ;
• les dispositions ne s’appliquent pas à certaines catégories de chômeurs parce qu’ils font preuve (temps partiel ALE) ou ont fait preuve (les 50 ans et +) dedisposition au travail ;
• la charge de la preuve incombe aussi et surtout aux instances officielles (Onem et Régions) ;
• l’assistance syndicale aux chômeurs convoqués est assurée ;
• l’art. 80 est enfin supprimé.
Reste, pour les syndicats, que le plan du ministre Frank Vandenbroucke n’apporte aucune solution au problème fondamental des chômeurs : l’obtention d’un emploi.« Un accompagnement ne garantit pas un emploi convenable ni même une possibilité d’expérience professionnelle, observe-t-on à la CSC. Et les dispositions duplan s’appliquent également aux chômeurs ayant plus de 20 ans de carrière. »
ENCADRE
Plan d’accompagnement des chômeurs
Le Plan d’accompagnement des chômeurs2 poursuit aujourd’hui un double but : d’une part, accompagner plus intensément les demandeurs d’emploi de longue durée,au moment où leur motivation pour rechercher activement du travail menace de diminuer, afin d’améliorer leur situation sur le marché du travail et, d’autre part, contrôlerplus étroitement la disponibilité au travail des chômeurs indemnisés. Tous les chômeurs complets indemnisés âgés de moins de 46 ans qui ne sontpas en possession d’un diplôme de l’enseignement secondaire supérieur, doivent obligatoirement participer au Plan d’accompagnement lorsqu’ils entament leur dixième mois dechômage (les neuf mois de la période d’attente sont inclus pour les jeunes ayant terminé leurs études).
Tout demandeur d’emploi qui satisfait aux conditions précitées, est automatiquement convoqué par les services régionaux de l’emploi (Forem, Orbem et VDAB) pour unentretien. Celui-ci aboutit à l’établissement d’un diagnostic de la situation du chômeur concerné et à la proposition d’un plan d’action, contenu dans une conventiond’accompagnement. Les services régionaux évaluent la manière dont le chômeur exécute son plan d’action.
Les étapes du PAS
Lorsqu’on parle du PAS (plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs), on entend à la fois le contrôle de l’Onem (= suivi) et l’accompagnement parl’Orbem/Forem/VDAB.
• À 7 mois de chômage pour les moins de 25 ans, à 13 mois pour les 25-49 ans, l’Onem envoie une lettre d’avertissement.
• L’Orbem à Bruxelles ou le Forem en Wallonie envoie alors une convocation pour une séance d’information sur l’activation du comportement de recherched’emploi où est également proposé un accompagnement (entretien individuel systématique en Wallonie, proposé à Bruxelles).
• En moyenne, 8 mois après la lettre d’avertissement, premier entretien visant à juger si les efforts de recherche d’emploi sont estimés suffisants. Si oui,nouveau « premier entretien » 16 mois plus tard (la procédure ne s’arrête donc jamais). Dans la négative, obligation de signer un « contrat »reprenant une liste d’actions à mener.
• Au plus tôt 4 mois plus tard, deuxième entretien évaluant le respect du « contrat ». En cas de nouvelle évaluation négative, un nouveau «contrat » est établi et une sanction de 4 mois est appliquée3.
• Au plus tôt 4 mois plus tard, troisième entretien évaluant le respect du « contrat ». Cette fois, une évaluation négative est synonymed’exclusion définitive !
D’après Aline Gernay
1. Cette Commission remplit déjà une tâche comparable dans le cadre de la procédure de l’article 80.
2. Textes réglementaires :
• Loi du 22 décembre 1995 portant des mesures visant à exécuter le plan pluriannuel pour l’emploi, art. 28 à 31 (Moniteur belge du 30 décembre1995).
• Accord de coopération du 13 février 1996 entre l’État, les Communautés et les Régions concernant le plan d’accompagnement des chômeurs (Moniteurbelge du 24 avril 1996).
3. Suppression totale des allocations pour les allocataires d’attente (quel que soit leur statut) et les cohabitants , diminution du revenu d’intégration pour les isolés etles chefs de ménage.