Depuis 1984-1985, le CPAS de Charleroi mène une politique active d’insertion socioprofessionnelle (ISP) des bénéficiaires du minimex et de l’aide sociale. Jusqu’en 1984, laremise au travail des usagers avait essentiellement pour but « de leur permettre de recouvrer leurs droits aux allocations de chômage »1. Peu à peu, la « durabilité » de l’ISP estdevenue un objectif en soi. La loi du 12 janvier 1993 contenant un programme d’urgence pour une société plus solidaire prévoit d’ailleurs que « pour l’octroi et le maintien dudroit à un minimum de moyens d’existence à un bénéficiaire âgé de moins de 25 ans, celui-ci doit, sauf raisons de santé ou d’équité,signer et respecter un contrat contenant un projet d’intégration sociale. » En 1994, dans le cadre de l’Objectif 1, le CPAS procède à l’installation de son Centre deressources pour l’intégration (CRI) au Passage 452. Ce dernier devient l’animateur et le coordinateur du dispositif d’insertion du CPAS.
Au départ, le tutorat
Parallèlement, il met sur pied une démarche d’ISP basée sur le tutorat via l’application de l’article 60§7. Il n’est dès lors plus question de se contenter de rendreaux minimexés un statut de chômeur. L’usager doit accéder à un véritable emploi. L’aspect « transition professionnelle » de l’article 60§7 estprivilégié. Cette « remise au travail » doit être valorisée en tant qu’expérience professionnelle.
Au travers du tutorat, le Passage 45 revoit la notion d’employabilité pour repérer les personnes susceptibles d’être mises au travail. Les questions les plus importantes portentsur le « savoir-être » (ponctualité, convivialité sur le lieu de travail…), la mobilité et la flexibilité. À cette fin, un tutorat a été misen place. Ce type d’accompagnement implique que chaque poste de travail soit encadré par un tuteur, lequel exerce une fonction pédagogique et non hiérarchique. Tous les troismois, la personne encadrée est évaluée sur son « savoir-être », ses compétences techniques, etc.
Bien évidemment, le tutorat n’est pas le seul mode d’ISP, d’autres modes sont la formation-insertion, les dispositifs de préqualification professionnelle et de formation par le travail,ou encore l’intégration directe sur le marché du travail. « Tout dépend du seuil d’employabilité de la personne. »
Philosophie
D’entrée de jeu, le Passage 45 a décidé d’introduire l’ISP dans les antennes du CPAS de Charleroi. Concrètement, les usagers y sont informés de leurs droits etdevoirs à l’aide d’un parcours illustré qui leur montre le chemin suivi par une demande pour obtenir l’aide sociale. Serge Ferdin, coordinateur du Passage 45 : « Depuis quelque temps,nous intégrons toute la démarche de l’insertion socioprofessionnelle dès l’introduction de la demande d’aide sociale. Nous évoquons la question avec le demandeur, nous luifaisons des propositions afin de lever ses ‘freins’ à l’emploi. Il est vrai que c’est une demande primordiale qui vient aussi du public. Avec le temps, le public des CPAS aévolué. Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser végéter les gens. Une personne qui touche le minimex depuis six mois a réorganisé sa vie et pris denouvelles habitudes. Il faut donc remobiliser davantage la personne pour la réinscrire dans un processus de remise au travail. Il est donc plus intéressant d’utiliser le moment de lacrise. Cela ne veut pas dire pour autant que l’on refuse le minimex, mais on incite la personne à se remettre au travail. Beaucoup de gens sont ainsi rapidement remis à l’emploi,parfois au bout d’un mois. Pour y arriver, il ne faut pas hésiter à court-circuiter certaines étapes dans le processus d’ISP. La linéarité du parcours ne doitpas être appliquée à tous. Il faut nettement plus individualiser.
L’année dernière, quelque 1.200 nouvelles personnes se sont inscrites au CPAS. Il ne faut pas se contenter de les mettre en action sans se préoccuper de savoir ce qu’ellesdeviennent ensuite. Il en va de même pour les 500 nouvelles personnes inscrites depuis le 1er janvier 2001. En fait, on fait du « jobcoaching » depuis longtemps. Dès la premièredemande jusqu’à la mise à l’emploi de la personne, il faut un accompagnement très fort. Ce dernier doit se poursuivre même après la remise au travail de la personne.C’est le rôle de Proaction, un dispositif ‘interfaciel’commun au CPAS de Charleroi et au Forem. » Dans la publication « Pour sortir de l’exclusion sociale » réalisée il y aquelques mois par Passage 45, Etienne Jacques définit les objectifs de Proaction comme suit : « Créer des passerelles et synergies entre les deux institutions dans le cadre del’accès à l’emploi, assurer la continuité du ‘parcours d’insertion’des personnes issues des dispositifs de transition du CPAS, faciliter leur accès aux services etressources du Forem dans leurs démarches de recherche et d’accès à l’emploi. »
Rapports avec les entreprises
De manière à favoriser l’intégration des usagers sur le marché du travail, le CPAS de Charleroi a adopté une stratégie par rapport aux entreprises. En 1995,la cellule Relations-Entreprises a été créée. Concrètement, elle prospecte auprès des entreprises afin d’identifier les besoins et les postes vacants.Ensuite, la cellule regarde si le CPAS a des profils qui correspondent. Dans ce cadre, elle joue un rôle d’information et de sensibilisation. Serge Ferdin : « Nous tenons le discours suivant :’En tant qu’entreprise vous avez une demande d’emploi, nous allons essayer d’y répondre et nous vous dirons s’il y a ou non un candidat.’ Il faut faire en sorte qu’il y ait uneadéquation entre l’offre et la demande. Mais, ce n’est pas nous qui disons à l’entreprise d’engager telle personne plutôt qu’une autre. » Ces propos sont confortés parEtienne Jacques : « … on peut penser que le fait de ne pas jouer la carte de la (pseudo-)fibre sociale ou citoyenne des entreprises, mais uniquement celle d’un service pouvant répondreà la demande de main-d’œuvre et aux besoins des entreprises s’avère payante. » Dans le cas d’un recrutement, l’expérience du Passage 45 démontre que le »savoir-être » du candidat joue un rôle plus important dans la décision de l’employeur que les compétences ou les qualifications.
Plan de printemps
Au niveau du Passage 45, le Plan de printemps est perçu comme une opportunité de mettre à l’emploi de plus en plus de personnes et de faire mieux. Les effets se seraientd’ailleurs rapidement fait sentir. Le nombre de minimexés diminue dans la région de Charleroi. De plus, il y a une stabilité du nombre de chômeurs. L’effort est donc assezimportant. Bien sûr, tout n’est pas parfait. Il y a des choses à revoir sur la base de l’expérience. C’est le cas par exemple de la mise au travail à mi-temps, qui restelimitée à six mois. Il s’agit d’une demande du public, en particulier des femmes avec enfants, qui désirent travailler à temps partiel non pas durant une périodefixe, mais durant toute leur vie. D’autres aspects du plan font aussi l’objet de questions, tels la mise à disposition et l’int&e
acute;rim d’insertion.
Mise à disposition des articles 60§7
Pour le coordinateur du Passage 45, « la mise à disposition du privé des personnes engagées par le CPAS sous contrat article 60§7 présente certains risques. En effet,dans ce cas de figure, le CPAS reste l’employeur tandis qu’il met les minimexés à disposition de l’entreprise privée. Cette dernière ne s’engage que moralement àemployer la personne après le temps de mise à disposition de la personne. Rien ne l’y oblige. Dans le cas de l’article 61, c’est l’entreprise privée qui engage leminimexé, elle s’implique donc beaucoup plus dès le départ. Par ailleurs, les conditions financières des articles 60§7 sont beaucoup plus intéressantes pourl’employeur que celles des articles 61. Nous regrettons que les mesures prévues pour les premiers ne soient pas étendues aux seconds. »
« Pour nous, poursuit notre interlocuteur, l’essentiel est de garder le côté ‘durabilité’ de l’ISP. L’article 60§7 ne doit constituer qu’un passage.Concrètement, si la personne termine son contrat, nous n’avons aucune garantie sur ses capacités à rebondir ensuite. Peut-être le fera-t-elle dans trois mois, six mois ouun an? Rien ne dit qu’il va rechercher un travail tout de suite. Il va peut-être d’abord se recentrer sur soi, sur sa famille et c’est une attitude légitime. »
Intérim d’insertion
En novembre 2000, Etienne Jacques émettait un avis nuancé par rapport à l’intérim d’insertion. Cette piste est « a priori intéressante puisqu’ilapparaît que l’intérim est une voie souvent privilégiée (faute de mieux?) de retour à l’emploi pour des publics de faible qualification et que pour 58%des intérimaires, c’est une manière de se fixer de façon stable dans le marché du travail. Il conviendra toutefois de rester attentif aux conditions dans lesquellesdes bénéficiaires de l’aide pourront accéder à ce dispositif tremplin ainsi qu’aux contenus de formation/qualification dont ils devraient pouvoirbénéficier en vue de missions d’intérim auprès d’employeurs (ou entre ces missions). » Ces réflexions semblent toujours d’actualité.
Serge Ferdin dresse d’ailleurs un bilan provisoire de ce dispositif : « Une série de conventions ont été conclues. Cela nous a pris du temps de connaître nos interlocuteursafin de construire un partenariat efficace avec les agences d’intérim. Notre but est que ces missions d’intérim permettent de déboucher sur la conclusion de contrats àdurée indéterminée. Aussi, insistons-nous sur le fait que les périodes entre les missions doivent vraiment servir à suivre des formations. Au départ, le plusimportant a été le repérage des candidats. Il n’était cependant pas question que les agences d’intérim viennent faire des permanences chez nous ou aientaccès à nos fichiers. Nous avons procédé nous-mêmes à l’identification de 150 usagers qui avaient déjà effectué des missionsd’intérim par le passé. En mars 2001, nous avons organisé une réunion d’information sur l’intérim d’insertion (garanties, fonctionnement…) à laquelle100 personnes ont participé. Nous faisons le pari que puisque ces personnes ont déjà presté des missions d’intérim, elles ont une plus grande facultéd’adaptabilité. Actuellement, 50 personnes sont déjà inscrites dans des agences et 30 sont en attente d’audition.
Par rapport à ce système, nous ne pouvons actuellement que tirer des conclusions provisoires. Tout d’abord, il n’est pas question de geler les gens en attente d’audition. Nous allonsdonc leur proposer autre chose. Ensuite, le fait qu’il y ait une attente de missions révèle qu’il n’y a pas forcément concordance entre nos publics et les missionsproposées. Comment dépasser ces limites? Comment les agences d’intérim vont-elles s’y prendre? »
L’enjeu de la coproduction
Au Passage 45, l’article 60§7 n’est pas considéré comme un dispositif d’occupation avant l’emploi, mais une transition vers l’emploi. Il y a des personnes sous contrat article60§7 qui ont des responsabilités importantes. « Nous ne les faisons pas travailler pour le plaisir, insiste le coordinateur du CRI. Nous faisons le pari de leur donner des ‘plus’ pourqu’ils puissent se confronter au marché du travail, afin qu’ils restent le moins longtemps sur ces articles 60§7. Parfois, il y a des ruptures de contrat lorsque la personne ne respectepas ses obligations, mais alors nous lui proposons autre chose. Le véritable enjeu c’est la coproduction à l’épreuve des faits. » Celle-ci constitue une relation àpréserver à tout prix. Elle se base sur les éléments suivants : « La reconnaissance de la personne dans sa globalité et son environnement; lacrédibilité de sa parole et de son quotidien dans toutes ses facettes (comme ‘solution de survie’ dans son contexte); les ressources de la personne potentielles, mobilisables,engageables dans des actions. »
1 « Pour sortir de l’exclusion », novembre 2000.
2 Rue Jules Destrée 45 à 6000 Charleroi, tél. : 071 28 19 19, fax : 071 48 80 94.
Archives
"Passage 45 : la transition professionnelle par l"article 60§7"
Baudouin Massart
02-07-2001
Alter Échos n° 101
Baudouin Massart
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