L’Institut pour l’Égalité des femmes et des hommes1 vient d’éditer un mode d’emploi à destination des employeurs et des partenaires sociaux afin de repenserl’évaluation des salaires et des fonctions. Un moyen de réduire des écarts, parfois criants, selon que l’on est homme ou femme. Mais qui ne repose pour l’instant que sur lavolonté d’engagement des uns et des autres.
EVA pourrait être le nom d’une charmante et dévouée secrétaire. Mais ce serait tomber dans les clichés… pas le genre de la maison. C’est enréalité le programme de la Commission européenne, lancé en 2001, destiné à promouvoir l’égalité salariale entre hommes et femmes et dont lespremières conclusions ont été présentées le 9 novembre à Bruxelles. En Belgique, c’est l’Institut pour l’Égalité des femmes et des hommes qui amené l’enquête, auprès de neuf entreprises belges et auprès de partenaires sociaux. Constats ? Si la Belgique fait figure de « moins mauvaise élève » dansl’Union européenne, et a su réduire quelque peu les écarts de salaires, l’égalité hommes-femmes est encore loin d’être atteinte avec des variations de 6à 25 %, en moyenne, pour une même fonction. Un écart trop grand pour le ministre fédéral de l’Égalité des chances, Christian Dupont, et ClaraRijmenams, chef du projet à l’Institut, qui a passé ces cinq dernières années à mettre au point un outil susceptible de changer la donne.
La nature physique du travail préférée au profil du travailleur
Cet outil ? EVA, justement, pour « Évaluation analytique des fonctions », le salaire de fonction, tout comme les normes sociales, demeurant aujourd’hui le principal élément de larémunération. Mais si changer les mentalités et les « coutumes » du jour au lendemain s’avère difficile, les systèmes actuels de classification des fonctions, eux,peuvent toutefois être précisés et s’affiner au moyen de systèmes de classification sexuellement neutres. C’est en tout cas, le credo de l’Institut qui a conçu encinq ans un mode d’emploi destiné aux employeurs et aux partenaires sociaux et qui les encourage, sans s’embarrasser de méthodes de calcul ou d’équations mathématiquescomplexes, à exercer une plus grande vigilance sur leurs façons de faire. Notamment dans la description des fonctions, quand jusqu’ici un travailleur du bâtiment estconsidéré plus méritant financièrement qu’une infirmière, « qui a pourtant une charge physique tout aussi importante avec des patients à soulever », expliqueCarla Rijmenams. L’objectif, dans ce cas, serait donc de décrire et prendre d’abord en compte la nature physique du travail avant le profil du travailleur.
Autre exemple: les critères propres aux fonctions dites masculines tels que la responsabilité, le pouvoir de décision ou encore la formation, qui pèsent souvent plusque les aptitudes de communication ou d’empathie, traditionnellement dévolues aux femmes. « Des critères, qui sont autant de préjugés, qu’il convient derééquilibrer dans les bases de salaires », explique la chef de projet, et ce en tendant vers une plus grande objectivité. Ce que ne permettent pas justement les systèmesactuels de « ranking« , consistant à comparer les dénominations de fonctions, quand la méthode analytique, elle, se veut plus précise en comparant les critèresde fonction.
La seule bonne volonté ne suffit pas…
Pour ce faire, l’Institut a donc organisé pendant cinq ans des groupes de travail avec les employeurs et les partenaires sociaux, histoire de les convaincre de changer de points de vue.Tout comme il a multiplié les formations à destination des volontaires. Et c’est bien là que réside la principale faiblesse de l’outil, tout comme celle du cabinet Dupont: faire reposer la nécessité de changements sur la seule volonté des uns et des autres. Quand il faudrait, selon Carla Rijmenams, des impulsions politiques fortes et des coups depouce financiers pour faire avancer les choses. Car réévaluer les fonctions, en les passant au crible des évaluations sexuellement neutres, cela coûte cher. Du moins celapourrait coûter cher aux employeurs s’étant rendu compte que les salaires féminins peuvent être revus à la hausse… Dans ce domaine, le cabinet Dupont avoued’emblée sa totale » incompétence », regardant d’abord du côté du ministère de l’Emploi, « seul à même de prévoir des budgets à cet effet »,comme l’explique la porte-parole de Christian Dupont. Ce qu’il peut faire, lui ? Inciter les employeurs et les partenaires sociaux à se mettre l’égalité dans la tête,notamment quand ils négocient les conventions collectives.
Pas suffisant, toutefois, pour l’Institut et les différents intervenants du colloque bruxellois. Un exemple? L’arrêté royal de 1987, qui enjoignait à tous les secteursprofessionnels de produire annuellement des rapports sur l’égalité des salaires et des avantages, justement, arrêté « qui n’est pas appliqué », explique GittaVanpeborgh, responsable égalité à l’ABVV fédéral (FGTB). Car la Belgique n’est pas sans armes, « mais ne les utilise pas suffisamment ». Parmi ces armes, lesconventions collectives de 1975, qui prônaient déjà à l’époque l’égalité salariale homme-femme dans un même type d’emploi. Des instruments queGitta Vanpeborgh aimerait également voir mis à jour, « car trop peu d’avancées ont été enregistrées sur le terrain depuis 30 ans et même aucune depuisdix ans ».
Une volonté politique forte, c’est ce que réclame également l’Institut, qui, pour l’heure, poursuit son expérimentation et escompte à plus ou moins court termemettre sur pied une base de données fournie de pratiques d’entreprises. Mais dans l’élaboration de « bonnes pratiques », il n’omet pas non plus la responsabilité des femmes et lerôle qu’elles ont à jouer elles-mêmes sur le terrain. Car « elles ne négocient pas suffisamment et doivent apprendre à le faire », ajoute Carla Rijmenams.
Ne serait-ce que quand il s’agit de parler des avantages liés à la fonction. « Elles demandent généralement de disposer de plus de temps quand les hommes, eux, parlenthausses de salaire, voiture de fonction ou GSM », poursuit la chef de projet, pour qui les femmes peuvent inverser des tendances si elles le souhaitent. Ce qui supposerait par ailleurs qu’elles nesoient pas seules en charge des contraintes familiales, sources pour elles de nombreux emplois à temps partiel. Là où, justement, les écarts de salaires homme-femme sontles plus criants.
1. L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, rue Ernest Blerot 1 à 1070 Bruxelles-
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