Parfois, il faut savoir faire une pause. Courte ou longue, elle aide à mieux repartir de l’avant. Elle évite de s’épuiser inutilement dans une course sans fin, où l’on oublierait de reprendre son souffle. S’autoriser une pause permet de relever la tête du guidon et d’apercevoir à temps le mur dans lequel on risque de s’encastrer.
Ainsi en va-t-il du burnout qui fait l’objet de notre rubrique « Approfondir ». A trop s’enfoncer dans son boulot, le travailleur du social peut y perdre la santé. Dans l’étude du SPF Emploi « Recherche sur le Burnout au sein de la population active belge », les chercheurs ont retenu la définition suivante : « Le burnout est un état d’esprit négatif persistant lié au travail, chez des individus “normaux”, qui est caractérisé par de l’épuisement, un sentiment d’inefficacité, une démotivation et des comportements dysfonctionnels au travail. Cet état d’esprit n’est souvent pas remarqué par le travailleur pendant un long moment. Il résulte d’une différence entre les intentions et la réalité du travail. Souvent, les travailleurs entretiennent cet état d’esprit par des stratégies d’adaptation qui sont inefficaces. » (Schaufeli & Enzmann, 1998, p.36 cités dans Schaufeli & Buunk, 2003).
Il est donc important de prendre du recul pour éviter de sombrer. Mais la chose n’est pas toujours aisée à l’ère de l’immédiate rentabilité. Pourtant, si l’on ne se pose pas, la pause finira toujours par s’imposer à nous.
Cela vaut aussi pour notre société actuelle. Ne serait-il pas temps de faire cette pause pour prendre du recul par rapport à notre système capitaliste ? Prenant l’exemple de l’ancrage de l’actionnariat, Vincent Reuter, administrateur délégué de l’Union Wallonne des Entreprises, invitait à se poser la question de « la forme de capitalisme que l’on veut » dans l’émission Matin Première de ce 26 octobre 2012. Comment encourager les actionnaires à rester chez nous ? Est-ce qu’on ne devrait pas, propose-t-il, revenir à une espèce de prime aux « actionnaires fidèles qui soutiennent une entreprise dans le long terme et qui ne vendent pas leurs actions immédiatement dans des buts purement spéculatifs ». Et de déplorer que cette question de l’ancrage de l’actionnariat ne soit discutée nulle part.
Cette notion de pause pourrait être étendue à d’autres problématiques. Difficile de ne pas faire le lien entre la crise actuelle – conséquence directe de produits ultra-spéculatifs, tels les subprimes – et les annonces de restructurations et fermetures en cascade d’entreprises telles Alcatel-Lucent, Ford Genk, Dow Chemical, Hewlett-Packard, Duferco La Louvière, Volvo Gand, Cockerill, Photo Hall et bien d’autres. Plusieurs milliers de travailleurs sont aujourd’hui contraints à une pause forcée, sans doute parce nous ne sommes plus capables de prendre un minimum de recul par rapport à notre modèle économique.
Dans le même ordre d’idées, il est temps aussi de s’interroger sur l’évolution du modèle européen, surtout si l’objectif est bien de le maintenir. Trop de déclarations à l’emporte-pièce à propos des Etats-membres défaillants ou de décisions placées comme des couteaux sur leur gorge risquent, à terme, de venir à bout de l’entente européenne.
Dommage qu’aujourd’hui, la fuite en avant soit davantage privilégiée à la pause.