Le projet Périclès paraissait enterré il y a un an. Voici qu’une initiative du ministre Jean-Claude Marcourt (PS)1 semble le ramener à la vie, sous une formequelque peu différente.
Ambiance cinéma : après Périclès I en 2005 et Périclès II en 2007, se dirige-t-on vers un troisième opus de ce projet pourtant presque donnépour mort il y a un an ? Si parler de come-back est peut-être tiré par les cheveux, la question mérite d’être posée puisque le cabinet de Jean-Claude Marcourt (PS),ministre wallon de l’Economie, s’est fendu il y a quelque temps d’un communiqué de presse présentant un projet qui ressemble assez furieusement aux deux premiers volets, de ce quipourrait devenir une trilogie contrairement à ce qu’Alter Echos avait annoncé dans son numéro 300 du 4 septembre 2010 (« Pas de trilogie pour Périclès »).
Retour sur le synopsis de Périclès I et II : le projet partait du constat que beaucoup d’entreprises semblaient confrontées à des problèmes de main-d’œuvrepour des tâches ne nécessitant pas beaucoup de qualification, mais ne représentant pas un volume de travail suffisant pour créer des emplois supplémentaires eninterne. Périclès suggérait donc de soutenir six projets susceptibles de répondre à cette problématique. Portés par des agences-conseil enéconomie sociale, ces projets devaient développer un partenariat avec trois groupements d’entreprises et/ou grandes entreprises, regrouper leurs besoins en main-d’œuvre etfavoriser la création d’entreprises d’insertion destinées à engager le personnel nécessaire à la satisfaction des besoins.
Périclès, le retour ?
Néanmoins, un bon scénario ne suffit pas à faire un bon film et, fin 2010, l’initiative semblait vouée à disparaître même si le cabinetdéclarait travailler à sa suite. Décevant en termes de création d’emplois, Périclès avait aussi et surtout connu certains ratés comme ladifficulté de trouver des porteurs pour les projets ou encore une certaine réticence des entreprises dites classiques à s’engager et à externaliser.
Or aujourd’hui, le projet annoncé par le cabinet Marcourt semble se situer dans la lignée de Périclès I et II puisqu’il vise à développer « desprojets structurants et construits sur des logiques de partenariat entre entreprises d’économie sociale, entreprises classiques, intercommunales de développement économique,centres de recherche… », le tout pour un budget total de 600 000 euros. Présentés à l’ASE (Agence de stimulation économique) par les agences-conseil enéconomie sociale dans le but de développer de nouvelles activités et/ou de nouvelles entreprises dans le secteur de l’économie sociale, ces projets devront proposer dedévelopper des activités dans le domaine du service aux entreprises, aux travailleurs ou encore proposer des projets industriels intégrés.
Des questions qui dérangent
On le voit, le premier volet au moins (service aux entreprises) s’apparente à Périclès. Pourquoi le cabinet Marcourt prolonge-t-il, même modifié etcomplété, un projet qui avait connu certains problèmes ? Visiblement, la question agace car, après nous avoir expliqué le contenu du projet et avoir admis que lepremier volet se situait dans la lignée de Périclès, on nous déclara un peu sèchement qu’il vaudrait mieux attendre l’avis que le Cwes (Conseil wallon del’économie sociale) est censé rendre fin juin avant de produire un quelconque article. Soit. Mais il y a eu communiqué de presse, le moment semble donc bien choisi…
Nous aurons un peu plus de chance avec Dimitri Coutiez, expert pour le cabinet: « Je ne suis pas d’accord de dire que Périclès n’a pas fonctionné, sauf concernant le nombred’emplois créés, qui a été décevant, se lance-t-il. Mais pour le reste, Périclès a permis des contacts positifs entre les agences-conseil et lesintercommunales, entre l’économie sociale et l’économie classique. Tout cela doit être capitalisé. Je vous rappelle de plus que le service aux entreprises reste un secteurde développement économique important pour l’économie sociale. »
Quelques différences
L’expert souligne aussi que des différences existent entre les deux projets, à commencer par le volet de création de projets industriels intégrésinséré dans la nouvelle initiative et qui est complètement neuf. « Ce volet est volontairement large, explique Dimitri Coutiez. Le ministre souhaitait que des projetsn’entrant pas dans les deux premiers volets ou dépassant le rôle des agences-conseil puissent se voir donner une chance. » Concrètement, il s’agira ici de susciter unelogique de partenariat sans trop se situer dans la logique de sous-traitance induite par les deux autres volets. Le modèle des pôles de compétitivité est ainsiévoqué par le cabinet Marcourt, il s’agira de développer de nouveaux produits. Le côté industriel est donc à souligner même si le développementd’activités de services, comme dans les deux premiers volets, n’est pas non plus à exclure.
Le mode de financement induit également un changement de paradigme. Avec Périclès, il se faisait en quelque sorte a priori, avant l’établissement du projet (lesagences-conseil devaient répondre à l’appel à projet avec un projet et une méthode, mais sans nécessairement avoir identifié un porteur ou des entreprisesparticipantes). La nouvelle initiative fonctionne différemment. « L’agence-conseil devra avoir réalisé le travail de recherche préalable et ne sera financéeque si le projet qu’elle présente est jugé recevable par l’ASE. Elle devra notamment identifier au minimum trois entreprises (dont au moins une entreprise d’économiesociale) désirant participer », explique Dimitri Coutiez. Plutôt qu’un financement sur base d’une prévision de projet, les agences-conseil ne seront doncfinancées que sur base de projets qu’elles présentent et pour autant que ceux-ci soient jugés recevables. Le travail d’animation qui leur est dévolu se fera avantl’appel à projet, au lieu de se faire après. Et surtout, le financement arrivera après ce travail d’animation.
Un point qui fait visiblement tiquer les agences, d’autant qu’elles demandaient voici un an une pérennisation de leur action de promotion et d’animation mise en lumière parPériclès en intégrant dans leurs budgets structurels certains fonds dédiés à ce projet. Or, cette solution n’a pas été retenue. « C’estdommage. Il va falloir préparer les appels à projet pour cette nouvelle initiative, il va y avoir un rôle d’animation écon
omique alors qu’il n’y a pas de moyenssupplémentaires prévus dans le budget des agences-conseil, dit Grégory Berthet, directeur de Syneco2. Nous regrettons également que, concernant le service auxentreprises, l’évaluation de Périclès n’ait pas été entendue de manière approfondie. » Un point de vue que l’on retrouve du côtéd’Emmanuelle Renaud, directrice de Ages3 et représentante de l’Apaces4 (Association professionnelle des agences-conseil) au Cwes. Pour elle, ce constat semblepartagé par l’ensemble des neuf agences-conseil composant l’association.
En 2012 ?
Dimitri Coutiez remet en cause ces arguments: « Les agences-conseil qui décideront de déposer des projets dans ce cadre devront nécessairement avoir bienréfléchi à les configurer correctement afin de maximaliser leurs chances de les voir acceptés. C’est la même logique que lorsqu’elles sont amenéesà répondre à un appel d’offres émis par une entreprise ou un pouvoir public. Dans ce cas, elles doivent travailler parfois plusieurs jours sur un cahier des chargessans avoir la certitude d’obtenir le marché. C’est aux agences-conseil de présenter les meilleurs projets possible afin que ceux-ci se voient financés »,argumente-t-il. Notons néanmoins que cette question liée au budget structurel des agences-conseil ne semble pas totalement évacuée. Le sujet devrait êtredébattu début 2012, lorsque le cabinet se penchera à nouveau sur la question des agences-conseil.
En ce qui concerne le troisième volet (projets industriels intégrés), les agences-conseil sont plus positives, même s’il y a des bémols. « C’est unesoupape, on ouvre la porte à beaucoup de choses. Il va falloir mobiliser des compétences fortes et je me demande s’il s’agit là de l’axe idéal pour avancer sur unecollaboration entre l’économie sociale et l’économie traditionnelle », conclut Grégory Berthet.
1. Cabinet de Jean-Claude Marcourt :
– adresse : rue Kéfer, 2 à 5100 Namur
– tél. : 081 23 41 11
– courriel : jeanclaude.marcourt@gov.wallonie.be
– site : www.marcourt.wallonie.be
2. Syneco :
– adresse : rue Edouard Dinot, 32 à 5590 Ciney
– tél. : 083 23 13 02
– courriel : info@syneco.be
– site : www.syneco.be
3. Ages :
– adresse : rue de Steppes, 24 à 4000 Liège
– tél. : 04 227 58 89
– courriel : ages@ages.be
– site : www.ages.be
4. Apaces :
– adresse : place de l’Université 16, à 1348 Louvain-la-Neuve
– site : www.apaces.be