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Regard critique · Justice sociale

Vivre ensemble

Pens(i)onsQuartier, l’autre réseau social

Mis en place depuis 2013, Pens(i)onsQuartier se développe dans la capitale pour créer des réseaux de voisins dévoués à l’entraide, notamment auprès des seniors.

La «Pens(i)onsQuartier» a été lancée en novembre 2013 à Neder-Over-Heembeek (© KennisCentrum)

Mis en place depuis 2013, Pens(i)onsQuartier se développe dans la capitale pour créer des réseaux de voisins dévoués à l’entraide, notamment auprès des seniors.

«Il n’y a pas de permanence?», s’inquiète Dominique, en ne voyant pas Jean-Louis, le coordinateur d’une des quatre antennes du projet Pens(i)onsQuartier, celle installée rue Van Artevelde, en plein centre de Bruxelles. Depuis quatre mois, Dominique participe à cette initiative. Chaque jeudi, entre 14 et 16 heures, elle retrouve les autres bénévoles. «C’est l’occasion de se connaître dans le quartier, mais surtout de pouvoir aider les personnes seules qui ont besoin d’aide ou de compagnie», explique-t-elle. «Avec l’âge, je me rends compte que, tôt ou tard, j’aurai aussi besoin d’un coup de main d’un voisin, ne serait-ce que pour m’aider pour mon ordinateur», poursuit-elle.

C’est tout l’objectif de Pens(i)onsQuartier qui met en contact des personnes seules, âgées ou handicapées, ayant besoin d’un coup de main pour une course, un trajet ou encore un peu de réconfort, avec des personnes qui souhaitent aider les habitants de leur quartier.

«Avec l’âge, je me rends compte que, tôt ou tard, j’aurai aussi besoin d’un coup de main d’un voisin, ne serait-ce que pour m’aider pour mon ordinateur.» Dominique, bénévole

«Les participants s’engagent à se soutenir mutuellement, sur une base de réciprocité: quelqu’un qui demande de l’aide pourrait en donner à un autre moment, explique le coordinateur de l’antenne de Pens(i)onsQuartier du centre de Bruxelles, Jean-Louis Van Handenhoven, un policier à la retraite. On est ouvert à tous. L’objectif est que tous les habitants du quartier connaissent l’existence du projet et que toutes les personnes qui ont besoin d’aide ou peuvent en offrir sont les bienvenues.»

Pallier les services sociaux

Bénévole, Jean-Louis effectue le lien entre l’offre d’aide et la demande, ce qui sécurise et rassure les participants. Il est le garant du fonctionnement du système. En amont, il a pris contact avec des acteurs sociaux locaux prêts à entrer dans le projet. Des sessions d’information ont lieu régulièrement afin d’informer le public cible. Suite à cela, les personnes intéressées sont invitées à s’enregistrer pour devenir membres et ainsi pouvoir participer à ces échanges de petits services. Jean-Louis effectue des permanences hebdomadaires durant lesquelles toute personne peut s’inscrire. Des rencontres mensuelles sont organisées durant lesquelles le fonctionnement du système est expliqué. Ces rencontres sont également des moments de partage autour d’un café avec les bénévoles qui permettent de faire le point sur les besoins ou les problèmes rencontrés pour la mise en place du réseau.

«On va lancer une ou deux antennes à Laeken. Puis on va créer une antenne à Ixelles.» Charlotte Hanssens, coordinatrice de Pens(i)onsQuartier

Depuis la création de l’antenne en juin dernier, le réseau a pris forme: de quatre personnes, il est passé à une trentaine de participants. Plus d’une soixantaine d’interventions ont déjà pu être effectuées. «Si vous avez un problème, on trouve une solution dans l’heure. On a un avocat, un informaticien, un économiste, une enseignante, deux infirmières… Les assistants sociaux font de plus en plus appel à nous pour rendre de petits services à des personnes en difficulté… On fait le nécessaire pour les aider. On vient pallier ce que les services sociaux n’ont plus le temps de faire, ajoute Jean-Louis. Tout le monde n’habite pas forcément dans le centre. Certains viennent de Vilvorde ou d’autres communes par sympathie pour le projet. Les gens savent qu’on existe. À chaque permanence, il y a des inscriptions. C’est rare quand il n’y en a pas. Le meilleur moyen de diffusion reste le bouche-à-oreille, qui permet d’attirer de plus en plus de bénévoles.»

Cela permet aussi de faire de belles rencontres. À ce sujet, l’ancien policier n’hésite pas un instant. «C’est avec un avocat anglais, un arrière-arrière-petit-cousin du poète Byron. Il devait se faire opérer de la cataracte et est venu à l’antenne pour qu’on vienne le chercher après son opération. En remerciement, il va créer une cellule juridique.»

Le projet a été mis sur pied par le «Kenniscentrum Woonzorg Brussel» et lancé en 2013 par le Centre de services de Neder-over-Heembeek. En juin dernier, deux autres antennes voyaient le jour à Bruxelles. «De six personnes à ses débuts, l’initiative a grandi et compte plus de 90 participants, explique Charlotte Hanssens, coordinatrice de Pens(i)onsQuartier. Nous avons pu étendre le projet après avoir gagné le Trophée du Mérite social en septembre 2015», indique-t-elle encore. Le projet s’est ainsi vu attribuer 40.000 euros, ainsi que 10.000 euros via des financements privés. Au sein de la région bruxelloise, d’autres communes ont montré leur intérêt pour ce projet. «On va lancer une ou deux antennes à Laeken. Puis on va créer une antenne à Ixelles. On croit qu’on passera de trois à sept antennes, assez rapidement. L’objectif, c’est de pouvoir les multiplier à travers la région. On se rend compte que le problème de la solitude est un problème mal connu.»

Casser la solitude

Ce que propose Pens(i)onsQuartier, ce sont des «petites choses», comme le dit sa coordinatrice, pour enrayer l’isolement de certains citoyens. «On fonctionne en complémentarité avec l’aide à domicile, avec les infirmiers, les assistants sociaux… Il s’agit de se rendre visible pour casser cette solitude, d’aller ensemble à des événements, faire une course, accompagner quelqu’un chez le médecin, à l’hôpital ou à la banque… Beaucoup de personnes ne se sentent plus assez sûres d’elles-mêmes en transport en commun, ont peur de tomber, d’être bousculées.» Parmi les besoins les plus urgents: «40% des cas sont des visites, 18% des transports ou une aide à l’utilisation des transports publics et 15% concernent des courses», poursuit Charlotte Hanssens. «Une enquête de la VUB révèle qu’un Bruxellois sur huit a besoin d’un coup de main de temps en temps mais ne sait pas vers qui se tourner», continue-t-elle.

«40% des cas sont des visites, 18% des transports ou une aide à l’utilisation des transports publics et 15% concernent des courses.» Charlotte Hanssens, coordinatrice de Pens(i)onsQuartier

La VUB a d’ailleurs suivi la mise en place de la première antenne à Neder-over-Heembeek. Elle a conduit des interviews qualitatives un an après son démarrage. L’analyse a fait ressortir les données chiffrées suivantes: le plus jeune participant était âgé de 41 ans, le plus âgé, de 99 ans. L’âge moyen était de 77 ans. Au bout de six semaines, 24 participants avaient signé une convention. Au bout d’un an, 59 conventions de bénévolat étaient signées. En quelques mois, le réseau était devenu assez grand pour pouvoir répondre à la plupart des demandes. Au début, trente personnes ont reçu de l’aide et, en un an d’existence, 673 prestations ont été délivrées, ce qui représentait en tout 812 heures enregistrées. La durée moyenne d’une prestation était de 73 minutes. «Les bénévoles s’engagent pour des raisons très différentes: par altruisme, parce que cela leur donne un sentiment positif; parce qu’ils pourraient aussi avoir besoin d’aide sur le long terme; pour le contact social ou encore pour lutter contre l’exclusion sociale dans leur environnement. La reconnaissance qu’ils reçoivent des personnes ren­force aussi leur motivation», explique Charlotte Hanssens.

Pens(i)onsQuartier permet surtout à ces personnes de se former un nouveau petit réseau personnel. «Cela leur donnera la possibilité de rester plus longtemps à domicile», assure la coordinatrice.

Informations : buurtpensioen@kenniscentrumwwz.be.

En savoir plus

«Les vieux du bord de mer», Alter Échos n° 399, Pierre Gilissen, 24 mars 2015

Pierre Jassogne

Pierre Jassogne

Journaliste

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