C’est peut-être l’odeur du café fumant Oxfam ou plus sérieusement le thème de la participation dans les services de proximité qui a attiré unevingtaine de personnes1 le vendredi 7 avril dernier dans les locaux hôtes de Gammes2 en plein cœur de Saint-Gilles. Lancée par la Fédération desservices de proximité à finalité sociale3, cette rencontre conviviale – qui en était à sa seconde édition pour 20064 –abordait le thème de la participation des travailleurs et des bénéficiaires.
Avant d’entamer le menu principal, il est intéressant de retirer les éléments saillants qui font que, comme le souligne sa coordinatrice adjointe Marie-Colette Wuyts,« Gammes est un cas relativement exceptionnel de par ses partenariats multiples conclus au long de ses six années d’existence ». Cette asbl agrééeéconomie sociale (ILDE) et soutenue par l’Orbem, l’Institut bruxellois francophone pour la formation professionnelle (IBFFP) et la Cocof propose des gardes à domicile dans lesdix-neuf communes bruxelloises « pour toute personne malade, âgée ou moins valide de plus de dix-huit ans ». Le coût horaire varie de 3,25 euros à 6,75 eurosselon les jours de prestations et la reconnaissance Vipo ou non du bénéficiaire. En contrepartie, Gammes s’engage à former et superviser une soixantaine de personnes peu oupas qualifiées, pour la plupart d’entre elles des femmes proches de la cinquantaine d’origine subsaharienne.
Gammes a fonctionné avec quarante PTP jusqu’en 2004 avant de se voir octroyer une vingtaine d’ACS (anciens PTP) et deux encadrants. « Le problème était etreste pour certaines de nos travailleuses la durée limitée – soit deux ans – de la formule de transition professionnelle, qui les oblige à retourner au chômage,en attendant un éventuel « rappel ». Nos bénéficiaires éprouvent de la difficulté à accepter des changements successifs de la personne qui noue avec elle unerelation souvent privilégiée ». Voici déjà énoncée une des limites de l’engagement participatif : la précarité des contrats,contraire à l’objectif de « durabilité » visé par l’économie sociale. Un second frein invoqué par la coordinatrice est le fait quel’asbl n’a pas été créée dans une idée de cogestion, autre pilier du concept. Marie-Colette Wuyts tout comme son collaborateur Zimbi Nsiala sontinvités au CA et à l’AG avec voie consultative. Pour l’heure, il n’est pas encore question d’impliquer un quelconque représentant des travailleurs ou desbénéficiaires.
Participation des travailleurs
La coordinatrice part du principe suivant : la reconnaissance du métier, de la formation et de l’association est directement liée à l’implication del’ensemble des travailleurs. Cette dernière sous-entend trois éléments clés : la négociation des avis, la concertation sur le règlement de travail etla gestion commune des problèmes rencontrés. Chez Gammes, la participation s’opère à travers :
• Des groupes de travail avec les assistants sociaux – qui réalisent les enquêtes auprès des bénéficiaires -, les travailleurs de l’asbl, lesgardes à domicile, les chefs d’équipe et les fondateurs du service qui se rencontrent régulièrement pour analyser la vie de l’association au gré de sonévolution mais aussi des modifications soit du côté de l’offre (ex : La formation est-elle suffisante ? La sélection est-elle bien opérée ?, etc.) soitdu côté de la demande (ex : Comment répondre à une demande précise formulée par le membre référent de la famille ?) ;
• L’instauration de deux rôles favorisant la communication et l’expression des travailleuses : celui de chef d’équipe pour encadrer notamment les nouvelles gardeset celui de référent dans un domaine précis (fin de vie, démence, manutention) ;
• Un groupe d’activation et de sensibilisation à la participation via une discussion avec les travailleurs-euses sous CDI.
Il n’est pas anodin que le mot « ensemble » soit sorti à plusieurs reprises de la conversation: Gammes compte ainsi, notamment, prochainement rédiger une grilled’évaluation commune afin que « chacun puisse savoir vers où il va et connaisse ses atouts et points à améliorer ».
Implication sous conditions
Tout d’abord, la participation doit rester une démarche volontariste. À titre illustratif, quand Amélie della Faille de la FSPFS a demandé l’avis desquelques travailleuses présentes quant à leur intérêt sur la gestion financière de l’association, les gardes à domicile n’ont pu retenir uncertain fou rire. Gêné pour certaines mais étonné pour d’autres ! Pour Hélène, « il est important d’avoir un regard sur le fruit de notrecontribution à la bonne santé de Gammes ». Cependant, toutes ne marquent pas un tel enthousiasme. Par contre, l’ensemble s’accorde sur le besoin d’êtreécoutées soit par leur chef d’équipe soit par le staff.
Ensuite, les contraintes liées au type d’activités (travail 24 heures sur 24, horaires souvent flexibles pour répondre au mieux à la demande, charge physique del’emploi, etc.) mais aussi les contraintes familiales n’encouragent pas toujours la garde à domicile à consacrer du temps supplémentaire. Ainsi àl’annonce que les membres du groupe Terre5 octroient une heure de leur temps chaque vendredi matin sans rémunération pour une réunion d’équipe,elles se sont exclamées : » C’est beau mais ils sont fous ! «
Comment faire participer les bénéficiaires ?
Pour David Tartini, assistant social chez Gammes, « les personnes âgées ont du mal à exprimer leurs souhaits et comptent sur la garde pour deviner leurs besoins ».Les plaintes éventuelles en effet, ce sont plutôt les deux travailleurs sociaux qui les reçoivent et envisagent conjointement avec la travailleuse une solution (ex : formation,orientation vers un cours de langue). David met aussi en avant le rôle indéniable du dialogue avec la personne responsable chargée de remplir le questionnaire, parfois un parentdirect mais aussi un voisin ou un ami proche.
Les deux constats que les partenaires ont pu retirer au bout de cet échange sont d’une part le lien effectif entre la participation et la valorisation du travail des gardes àdomicile et d’autre part la nécessité d’impliquer l’ensemble des maillons de la chaîne dans la démarche depuis le CA au travailleur en passant bienévidemment par les bénéficiaires.
1. Etaient présentes les associations suivantes : Ecomons (soutien aux projets d’économie sociale), Psytoyens (concertation des usagers en santé mentale),Proximité Santé (livraison de matériel paramédical et dépannages à domicile), Ferme Nos Pilifs (entreprise de travail adapté), le collectif FormationSociété (éducation permanente) et TOF-service (soutien aux parents d’enfants polyhandicapés). Pour obtenir le compte-rendu de la rencontre, contacter Améliedella Faille, collaboratrice de la FSPFS, au 071 30 80 11.
2. Gammes, rue Hôtel des Monnaies, 133 à 1060 Saint-Gilles – tél. : 02 537 27 02 – fax : 02 538 82 49 – asblgammes@yahoo.fr
3. Fédération des services de proximité à finalité sociale, rue Grégoire Soupart, 15 à 6200 Châtelet – tél : 071 30 80 11 –fax : 071 70 10 05 – fspfs@skynet.be – contact Amélie della Faille.
4. Pour le programme des prochains petits déjeuners, s’adresser à la FSPFS. Le 3e aura lieu à Marloie le 13 juin. En novembre 2006, la Fédération comptedresser le bilan de ses deux années d’existence et rendre compte des avancées politiques en la matière.
5. Le Groupe Terre est composé d’entreprises et d’associations d’économie sociale et soutient des projets dedéveloppement durable tant au Nord qu’au Sud. Au Nord, les activités du Groupe Terre vont de la récupération de papiers et vêtements aux travaux demécano-soudure en passant par la fabrication et le placement de panneaux isolants acoustiques et la location de cuistax. Adresse : Parc Industriel des Hauts Sarts, 4e Avenue, 45 à 4040Herstal – tél. : 04 240 58 58 – fax : 04 240 58 79