C’est tout au long de l’année 2006 que la Fédération bruxelloise des organismes d’insertion socioprofessionnelle et d’économie sociale (Febisp1) fêteses dix années d’existence. Parmi les événements marquants de ce jubilé de douze mois, la fédération organisait ce 23 mai, sa 10e journéed’étude, intitulée « Le bateau ivre de la mondialisation. L’action sociale face aux défis du capitalisme mondialisé ».
Rediscuter du salaire minimum
Parmi les communications, outre celle de Florence Lefresne (Institut de recherches économiques et sociales, Paris) sur les modèles sociaux européens, et celle de BernardFrancq (UCL) sur « l’urbain comme nouvelle question sociale », on retiendra celle de Philippe Defeyt, directeur de l’Institut du développement durable (IDD2), qui portait sur lamontée des inégalités et de la précarité. Il a notamment plaidé pour que soit remise à l’avant-scène du politique la question du pouvoird’achat et des revenus, particulièrement des plus pauvres. On se souviendra à ce sujet que le gouvernement fédéral avait prévu un Conseil des ministresspécial entièrement consacré à la question du pouvoir d’achat (liée tout de même à celle de la compétitivité des entreprises), conseilqui a été ajourné à trois reprises, et dont le gouvernement n’annonce maintenant la tenue que pour septembre. Pour Philippe Defeyt, une des urgences du moment est de sepencher sur le niveau du salaire minimum interprofessionnel, qu’il estime beaucoup trop bas au vu de l’évolution récente du coût de la vie. Une évolution que nereflète qu’insuffisamment l’index, du fait notamment de l’exclusion des produits pétroliers et de la part trop faible qu’y occupe le logement. Même si ce salaire minimum n’est querarement celui qui est appliqué, puisque les secteurs négocient leurs propres minima sectoriels, ces minima sectoriels ne sont, dans les faits, que quelques euros plusélevés que le minimum interprofessionnel. Pour Philippe Defeyt, c’est donc ce plancher commun qu’il s’agirait d’augmenter – en espérant que cette action initialeentraîne des hausses, secteur par secteur.
Le revenu plutôt que le statut
Par ailleurs, Philippe Defeyt plaide pour que le point de référence devienne le revenu et non plus le statut (minimexé, chômeur, travailleur pauvre, etc.). Selon lui,les « réponses » actuelles fondées sur ce statut créent des effets pervers et des inégalités parmi les pauvres eux-mêmes. Derrière desdispositifs aussi divers que l’article 27, le statut Vipo, ou encore les chèques-énergie, se rassemblent, selon lui, des politiques toutes entachées du même «péché originel » : accorder un avantage sur la base d’un statut administratif plutôt que d’un niveau de revenu. Mais c’est sans doute en matière de logement que lesinégalités introduites par les systèmes sociaux seraient le plus criantes : « Entre deux ménages de revenus identiques qui ont chacun droit à un logementsocial, mais dont le premier a la chance d’en bénéficier effectivement, alors que le second végète sur une liste d’attente, c’est une différence artificielle qui secrée, une différence qui se chiffre en centaines d’euros. » Et l’économiste d’appeler à compenser, d’une manière ou d’une autre, ceux qui ont droit àun logement subventionné, mais n’y ont pas accès.
Au-delà du niveau de revenus, c’est à l’insécurité subjective que Philippe Defeyt jugerait utile de s’attaquer. Ainsi, la proportion de travailleurs qui craignent deperdre leur emploi dans les douze mois à venir est très nettement supérieure à la proportion de ces mêmes travailleurs qui perdront effectivement leur emploi.Cette « irrationalité » ne vient évidemment pas de nulle part : un travailleur craintif est un travailleur docile. La mesure de l’insécurité sociale constitued’ailleurs un des champs d’investigation privilégiés de l’IDD. D’après les indicateurs qu’il construit, la croissance du PIB connue depuis le début des années 1990s’est paradoxalement traduite par une augmentation plutôt qu’une régression de cette insécurité.
Pour la suite de ces journées d’échange, rendez-vous est déjà pris en octobre, pour la 11e journée de réflexions de la Febisp, consacréecette fois-ci à « L’économie sociale, nouvelle frontière de l’insertion ».
1. Febisp, Cantersteen, Galerie Ravenstein 3, bte 4 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 537 72 04 – fax : 02 53784 04 – secretariat@febisp.be
2. IDD, rue des Fusillés, 7 à 1340 Ottignies – tél. : 010 4173 01 – fax : 010 41 36 49 –idd@iddweb.be