Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Archives

Plan pluriannuel pour les campings : tables rondes et revendications

Les 11, 12 et 14 mars, Liège, Namur et Charleroi ont accueilli trois tables rondes d’information et de concertation sur la problématique des résidents permanents dansles équipements touristiques, organisées par l’APIC (Action pilote intégrée campings). La Région wallonne y a présenté son plan d’actionpluriannuel sur l’habitat permanent aux partenaires potentiels et aux opérateurs concernés (communes, CPAS, gérants de campings et de parcs résidentiels, associatif,etc.), afin de recueillir d’entendre leurs commentaires. Tout le monde semble adhérer aux principes du plan. Mais quid de la mise en pratique ? Les pouvoirs locaux s’interrogent,entre autres, sur les moyens humains et financiers dont ils disposeront, ainsi que sur le temps qui leur sera accordé. L’associatif déplore l’intention politique deconsulter en final (les personnes) les résidents permanents. Enfin, si certains parcs résidentiels et domaines pourront être reconvertis en zone d’habitat, ce ne sera pas lecas des campings. La question du relogement est donc au centre du débat. Les logements sociaux manquent, l’action des AIS est ardue… Alors, où reloger les résidents?

01-08-2005 Alter Échos n° 138

Les 11, 12 et 14 mars, Liège, Namur et Charleroi ont accueilli trois tables rondes d’information et de concertation sur la problématique des résidents permanents dansles équipements touristiques, organisées par l’APIC (Action pilote intégrée campings). La Région wallonne y a présenté son plan d’actionpluriannuel sur l’habitat permanent aux partenaires potentiels et aux opérateurs concernés (communes, CPAS, gérants de campings et de parcs résidentiels, associatif,etc.), afin de recueillir d’entendre leurs commentaires. Tout le monde semble adhérer aux principes du plan. Mais quid de la mise en pratique ? Les pouvoirs locaux s’interrogent,entre autres, sur les moyens humains et financiers dont ils disposeront, ainsi que sur le temps qui leur sera accordé. L’associatif déplore l’intention politique deconsulter en final (les personnes) les résidents permanents. Enfin, si certains parcs résidentiels et domaines pourront être reconvertis en zone d’habitat, ce ne sera pas lecas des campings. La question du relogement est donc au centre du débat. Les logements sociaux manquent, l’action des AIS est ardue… Alors, où reloger les résidents?

Le Plan

Le 11 mars, à Liège, tout le gouvernement wallon était représenté lors de la table ronde présidée par José Daras, ministre de laMobilité. Le panel était complété par Carine Jansen directrice de la DIIS (Direction interdépartementale de l’Intégration sociale), Myriam Daniel,coordinatrice de l’APIC1, des représentants de la Société wallonne du logement, du Commissariat général au tourisme, et de la Division Logement dela DGATLP (Direction générale de l’Aménagement du territoire, du Logement et du Patrimoine). C’est dire l’importance accordée à la question et lenombre de départements concernés par l’habitat permanent dans les équipements touristiques. Le dossier nécessitait aussi d’accorder l’ensemble descabinets, puisque chacun est concerné dans l’une ou l’autre compétence. Cela explique sans doute aussi l’accouchement long et douloureux du plan. Le dossier estpiloté par le ministre-président wallon, Jean-Claude Van Cauwenberghe2. Au niveau de l’administration, il est géré par la DIIS3.

Les grandes lignes en ont été présentées par Carine Jansen. Concrètement, à travers ce plan, le gouvernement wallon veut « favoriserl’égalité des chances et des droits pour tous les habitants de Wallonie et assurer la réinsertion socio-économique des personnes résidant dans unéquipement à vocation touristique ». Bien sûr, ce plan vise à « tenir compte de certains choix de vie, mais les rencontrant (…) dans le respect desnormes légales » concernant l’aménagement du territoire. L’optique d’un relogement pur et simple de tous les résidents permanents a donc étéabandonnée. Néanmoins, la phase 1 du plan vise à réinsérer les personnes habitant dans un camping, situé ou non en zone inondable, et dans un autreéquipement (parc résidentiel de week-end, village de vacances…) situé en zone inondable. Elle a débuté cette année et concerne 1 480 ménages ou2 061 personnes réparties dans 141 structures sur 64 communes : 900 ménages pour les campings (1 854 personnes) dans 112 structures et 580 ménages (1 177 personnes) dans 23structures. La phase 2 suggère de « revoir au cas par cas la situation des autres domaines non situés en zone inondable » à partir de 2004. Ici, 2 604 ménagessont concernés, soit 5 483 personnes habitant dans 150 structures réparties dans 51 communes. En tout, 89 communes seront concernées, car certaines ont les deux typesd’habitat sur leur territoire. Ces données datent de 1999.

Le rôle des communes

La réalisation de ce plan implique donc la participation des communes. Carine Jansen l’a rappelé dans son exposé et les différents représentants dugouvernement ont insisté sur ce point. Néanmoins, cette participation ne peut se faire que sur une base volontaire. Des partenariats locaux devront être mis en place, impliquantles pouvoirs publics, l’associatif et le privé. Dans les objectifs opérationnels, il est aussi question de « stopper les nouvelles installations dans les équipementstouristiques » et de « maîtriser l’évolution des zones de loisirs pour en faire progressivement disparaître l’habitat. » Une séried’aides et de dispositifs seront également mis en place afin de faciliter le relogement et l’accompagnement social (antennes sociales, etc.) des résidents permanents encamping. Diverses aides seront également octroyées aux communes pour mener à bien l’opération (primes au déchirage, soutien méthodologique ettechnique, etc.). José Daras insiste aussi sur la nécessaire participation des communes : « Sans leur participation, cela n’a aucune chance d’aboutir. Le plan estassez complexe. Seul le pouvoir de proximité peut mesurer la précarité de la personne ou voir si cela relève d’un choix. »

Un calendrier a été proposé aux participants. À la fin mars 2003, un appel à projets sera lancé aux 262 communes. Si 89 communes étaientconcernées en 1999, la directrice de la DIIS estime nécessaire de vérifier si davantage de communes sont confrontées à cette problématique aujourd’hui.Pour la fin avril, les communes intéressées devront manifester leur adhésion au plan en présentant l’ébauche d’un projet, avec une liste de partenairespotentiels et le nom d’un chef de projet (de la commune ou d’un partenaire associé). Cela devrait permettre la réactualisation des statistiques. Au cours des mois de mai etjuin, les communes élaboreront leur projet local. Dans ce cadre, elles bénéficieront du soutien de la Région pour l’élaboration de ce dernier et la formationdu chef de projet. Le projet et la convention liant la commune à la Région wallonne devront être adoptés par le Conseil communal à la fin juin. Début juillet,les deux documents devront être ensuite transmis à la Région. Cette dernière analysera les projets durant les vacances d’été. À la mi-septembre,le gouvernement décidera des projets retenus et le notifiera aux communes. Selon ce calendrier, au début d’octobre 2003, les conventions et les actions pourront être misesen œuvre sur le territoire des communes, en même temps que les concertations locales. Une procédure d’information devrait se dérouler en parallèle del’élaboration des projets.

Pour illustrer le propos, Myriam Daniel a présenté la cartographie réalisée par l’APIC. Pour ce faire, elle a pris le cas d’un camping (ChâteauDieupart) situé près d’Aywaylle. Seuls 11 résidents permanents sur les 24 « officiels » ont répondu à l’enquête. L’analysepermet de dresser un triple état des lieux du camping : technique (voiries, plan de secteur, etc.), administratif (domiciliations, caractéristiques des abris, etc.) et social (originedes personnes, isolées, faiblement qualifiées, etc.). Elle a également montré l’impact des inondations de 2002 en photos dans la région del’Ourthe-Amblève. « La plupart des personnes interrogées souhaitent rester, conclut Myriam Daniel. Les relations sont bonnes entre l’exploitant et les locataires. Il ya un clivage net entre les francophones et les néerlandophones. Ce sont ces derniers qui ont surtout refusé de répondre à l’enquête. »

Reloger, le maître mot

La question du relogement des personnes est revenue de manière lancinante au cours de la table ronde. Ainsi, pour une représentante du CPAS de Wasseiges, le plan risqued’être de la poudre aux yeux si on n’aide pas les gens à se reloger : « On sait les difficultés à trouver des habitations à bon marché pources personnes. Qu’est-ce qu’on nous propose comme logements de remplacement ? » Elle rappelle la fermeture de l’agence immobilière sociale (AIS) de Hesbaye à lasuite du manque de collaboration des propriétaires et du refus de la Région d’accorder un délai supplémentaire, car l’AIS n’avait pas atteint sesobjectifs. Le représentant du cabinet Daerden, en charge du Logement, estime que « beaucoup de communes concernées par la problématique de l’habitat permanentn’ont pas sollicité d’intervention régionale pour construire des logements dans le cadre des plans triennaux. Où reloger les gens ? Je pense que c’est àla commune de décider où reloger les gens. J’espère que les communes le proposeront dans le cadre du plan triennal 2004-2006. Il y aura un décalage dans le temps. Ilfaudra donc faire appel aux AIS pour avoir une action plus rapide. Un budget leur a été réservé. » Il rappelle ensuite la volonté du ministre de confier latutelle des AIS au Fonds du logement en vue de leur coordination, car les AIS manquent d’encadrement. Pour lui, c’est ce manque d’encadrement qui explique la fermeture de certainesAIS. Il pointe aussi le subside supplémentaire accordée à certaines AIS concernées par la problématique des résidents permanents.

Ces propos ont été quelque peu contestés par un représentant de la SISP Ourthe-Amblève Logement : « Si les communes n’ont pas de projets dans lecadre des plans triennaux, c’est parce que cela ne se présente pas sur leurs territoires. Il n’est pas possible de faire une acquisition rénovation pour quatre logements.Quant aux AIS, la majoration est insuffisante, car les loyers sont très chers. » Cette opinion est partagée par l’AISOA. Elle précise aussi qu’il lui estimpossible de savoir à l’avance quel type de locataire – résident permanent ou non – elle allait devoir reloger. Le représentant de Daerden a reconnu que cela pouvait poserproblème. José Daras signale pour sa part « qu’il n’y a pas d’obligation pour la commune de trouver un logement pour les habitants permanents, même si elleadhère au plan. »

L’associatif exige une implication rapide des résidents

L’associatif s’inquiète de l’avenir des résidents permanents. Il a fait circuler un tract lors de la table ronde du 12 mars, à Namur. Initié par lemouvement LST (lutte-solidarité-travail)5, le texte a été cosigné par Solidarités nouvelles, le Front commun SDF, ATD Quart-Monde et le Miroir vagabond. Toutd’abord, le secteur associatif salue l’existence du plan pluriannuel : « L’existence de ce plan constitue une première étape : il y a désormais un textede référence autour duquel on peut discuter. On sort de l’arbitraire et du flou. Il doit maintenant faire naître le débat. » Mais il préciseaussitôt : « Le débat avec les résidents permanents ne peut avoir lieu en fin de parcours. Pour le moment, nous avons le sentiment qu’on veut garder les personnesconcernées en dehors, comme si les opérateurs et les décideurs voulaient prendre une longueur d’avance. »

Le secteur insiste aussi sur la nécessité d’inscrire la problématique des résidents permanents dans celle, plus globale, du logement en Wallonie. Et de souligner:

> « Il faut bien percevoir que pour certains ce type d’habitat est aussi, soit la première étape qui permet de se relever après la rue, soit la dernièreétape avant la rue. Que se passe-t-il si l’on supprime cette étape ? »

> « C’est encore une façon pour les gens qui ont des bas revenus d’avoir accès à un logement. A-t-on réfléchi à d’autres moyenspour promouvoir l’accès au logement des plus pauvres ? »

Le secteur ne remet pas en question le droit à un logement décent à un prix abordable, mais s’interroge sur son application : coût des loyers, relations parfoisdifficiles avec les propriétaires ; les chômeurs ou minimexés ne peuvent montrer une fiche de paie, le fichage des mauvais locataires, les listes d’attente dans leslogements sociaux, les problèmes financiers de certaines AIS… L’auteur du texte pointe aussi « les pressions et les menaces qui ont été exercées sur lesrésidents permanents », même si « le plan parle de départs volontaires ». Et d’interroger de nouveau : « Le plan, qui se veut une boîteà outils, proposera-t-il des solutions que les habitants pourront maîtriser ? » ; « Les communes s’engageront-elles à reloger ou à aider au relogement desrésidents qui devront partir et pour aller vers un mieux ? »

Autres questions, autres inquiétudes

Une autre question portait sur le rachat des parcelles par les communes et leur réhabilitation. Le coût est élevé pour la commune. La réinsertionsocioprofessionnelle a aussi été évoquée. La définition des zones inondables n’est pas simple non plus. Elle reste provisoire : une vision cartographiqueprécise est prévue pour la fin 2004. La domiciliation dans les campings devrait faire l’objet d’une discussion entre la Région et le fédéral.L’enjeu est important sachant que « si quelqu’un ne peut pas se domicilier, il perd ses droits, observe un représentant du CPAS d’Aywaille, donc il s’adresse auCPAS et ce dernier est obligé de le domicilier au CPAS ».

Enfin, l’asbl Solidarités nouvelles4 a lancé trois questions : Comment associer les habitants ? Comment faire adhérer les communes concernées qui ne le veulentpas, car dans ce cas-là, les primes ne sont pas accordées ? Étant donné que le plan arrive en fin de législature, quelles sont les garanties que l’action nesoit pas revue ?

À la dernière question, le représentant du cabinet Van Cauwenberghe répond : « On a planché pendant 10 ans là-dessus. D’où la longueurdes délais. Cela nous a permis de mettre en place une politique transversale et intégrée. Il n’est pas possible de répondre à tout, mais c’est uneamorce. » Rien n’est prévu cependant pour contraindre les communes à participer. « Mais si les communes ne participent pas, dit le représentant duministre-président, elles ne devront pas revenir avec ce problème par une autre voie, une autre fois. » Concernant l’implication des habitants, le représentant ducabinet Detienne, en charge des Affaires sociales, déclare : « Les résidents permanents pourront s’exprimer de manière collective et individuelle au travers desantennes sociales. On les intégrera en tenant compte du fait que le gouvernement a une approche nuancée, donc cela se fera au cas par cas et en se donnant le temps de répondre.» Carine Jansen ajoute : « Dans le comité d’accompagnement local, le porte-parole des habitants permanents sera repris. Il y aura un soutien méthodologique auxcommunes pour aider les communes à construire cette concertation. » L’objectif étant, bien entendu, de rendre effective cette concertation.

Et José Daras de conclure : « La problématique est complexe. Il est donc important de construire dans les mois et années à venir, ainsi que de procéderà une évaluation. Aujourd’hui, notre but est que ce plan apporte un peu plus pour les communes et les habitants. Les communes sont libres d’y adhérer. Mais oùest le risque ? Si elles n’adhèrent pas, les représentants permanents n’auront pas accès aux aides individuelles. »

1. APIC, rue du Bas Rivage à 4920 Remouchamps, tél. : 04 384 33 31, fax : 04 384 74 37.
2. Cabinet Van Cauwenberghe, rue Mazy 25-27 à 5100 Namur, tél. : 081 33 12 11, fax : 081 33 12 99,
mail : vancau@gov.wallonie.be, site : http://vancau.wallonie.be
3. DIIS, place de la Wallonie 1 à 5100 Namur, tél. : 081 33 31 40, fax : 081 33 31 44, e-mail : diis@mrw.wallonie.be
4. Solidarités nouvelles, rue Léopold 36 à 6000 Charleroi, tél. : 071 30 36 77, fax : 071 30 65 50.
5. LST, rue Pépin 27 à 5000 Namur, tél. 081 22 15 12.

Baudouin Massart

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)