La jeunesse bruxelloise se caractérise par une forte dualisation dans plusieurs domaines comme l’éducation, l’emploi ou le logement, selon une étude menée par cinq chercheurs de l’ULB et de la VUB, et publiée dans la revue Brussels Studies.
Article publié dans Alter Échos n°423, 23 mai 2016.
Bruxelles-Capitale est la région la plus jeune de Belgique. En 2015, les jeunes entre 12 et 24 ans composaient 15% de la population. Belle ambition que de vouloir faire la fiche d’identité de la jeunesse bruxelloise ou plutôt des jeunesses bruxelloises. Une équipe de Brussels Studies, réunie autour de la chercheuse en sciences politiques et sociales (ULB) Muriel Sacco, s’y est attelée. Elle a déchiffré environ 200 travaux de la dernière décennie issus d’universités, d’associations ou d’institutions publiques pour réaliser ce qu’ils admettent être un «portrait incomplet et fragmenté de la jeunesse bruxelloise» en raison notamment du morcellement des institutions compétentes en la matière.
Ségrégation sociale et ethnique
Les chercheurs font deux constats principaux: l’importance numérique et la diversité croissante de la jeunesse en Région bruxelloise et le portrait assez sombre qui se dégage. En effet, la jeunesse est marquée par une grande précarité sur le plan de l’éducation, de l’accès à l’emploi, des discriminations, des conditions de logement, de l’accès aux soins de santé… Aussi, il existe une «très forte dualisation des conditions de vie de la jeunesse bruxelloise».
[do action= »citation »]Les élèves résidant dans les communes les plus défavorisées sont ceux qui ont le plus tendance à suivre un enseignement technique ou professionnel.[/do]
L’enseignement, largement étudié, se caractérise par de fortes inégalités. «Les quelques statistiques désagrégées à l’échelle communale mettent en évidence la très forte dualisation des parcours scolaires au sein du territoire bruxellois. Les élèves résidant dans les communes les plus défavorisées sont ceux qui ont le plus tendance à suivre un enseignement technique ou professionnel, à l’inverse de ce qui se passe dans les communes plus aisées», notent les chercheurs. En plus de la hiérarchisation certaine des types d’enseignement et la présence d’écoles «ghettos» et élitistes, l’étude souligne que «les établissements d’enseignement secondaire, surtout de la filière générale, opèrent une ségrégation sociale et ethnique des publics notamment pas le biais du redoublement et de la réorientation scolaires. Ce processus contribue fortement à transformer les inégalités sociales en inégalités scolaires.»
Ces inégalités se poursuivent ensuite dans l’enseignement supérieur, expliquant pourquoi une part importante des jeunes issus de milieux défavorisés n’y accède pas. Le coût des études et le capital social et culturel sont d’autres freins avancés dans l’étude pour expliquer la sous-représentativité d’une partie de la jeunesse bruxelloise dans l’enseignement supérieur.
Un taux de chômage élevé
Les données sur l’emploi ne sont pas plus réjouissantes. Si moins de 30% des jeunes Bruxellois de 15 à 24 ans sont sur le marché de l’emploi, ils sont particulièrement sujets au chômage (39,5% en 2014). La part des jeunes recevant une allocation d’aide sociale est plus forte que dans les autres tranches d’âge. D’autant plus suite à la restriction du droit aux allocations de chômage.
Les jeunes au chômage sont particulièrement localisés dans le croissant pauvre. En cause: le déficit de formation, de qualification et de connaissance des langues étrangères, Mais pas seulement: «Il existe un phénomène d’inégalités d’accès à l’emploi entre jeunes bruxellois mais aussi de discrimination à l’embauche.» Les auteurs avancent aussi le manque de reconnaissance par les employeurs des compétences non attestées par un diplôme, la faible expérience professionnelle et le phénomène de travailleurs surqualifiés…
La synthèse des recherches souligne aussi que de nombreuses thématiques mériteraient d’être davantage investiguées, comme la vie intime des jeunes, les déterminants du choix du partenaire amoureux, les goûts, les activités et les gestes de la vie quotidienne, les pratiques religieuses ou encore l’impact du genre sur les pratiques de mobilité.
Aller plus loin
Brussels Studies, « Jeunesses bruxelloises : entre diversité et précarité », note de synthèse, Muriel Sacco, Wendy Smits, Dimo Kavadias, Bram Spruyt, Caroline D’Andrimont, Numéro 98, 25 avril 2016