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Regard critique · Justice sociale

Le « 103 », les enfants et la maltraitance

Le 103 Ecoute-Enfants reçoit chaque année des milliers d’appels. Gratuité et anonymat sont garantis. Reportage à Cognelée.

12-06-2011 Alter Échos n° 317

Vingt ans que le numéro de téléphone gratuit « 103 Ecoute-Enfants » existe1. Près de 40 000 appels sont reçus chaqueannée par l’équipe namuroise de ce service qui garantit l’anonymat. Une parole libérée qui permet d’aborder de front de nombreux problèmes, dont lamaltraitance.

A Cognelée, près de Namur, un grand bâtiment abrite l’intercommunale des modes d’accueil pour jeunes enfants – Imaje –, une sorte de multiplex de l’enfance avecassociations, crèches et autres services sociaux. Dans ce bâtiment, on trouve un petit bureau avec une ligne téléphonique. C’est le bureau de « 103 Ecoute-Enfants», service gratuit qui offre la parole aux enfants et garantit l’anonymat. Cela fait plus de vingt ans que le service existe. Selon Sylvie Courtoy, l’idée de 103 Ecoute-Enfants, «c’est de répondre, entendre, écouter tous les questionnements d’un enfant, d’un jeune ou d’un adulte intéressé par les problématiques des enfants. » Une lignetéléphonique est consacrée à cette tâche autour de laquelle se relaient six « écoutantes » – toutes des professionnelles de l’aide –de neuf heures du matin à minuit. Les écoutantes reçoivent des appels de toute la Belgique francophone. Et elles ne chôment pas. En 2010, elles ont reçu 38 000appels, dont 14 000 sont considérés comme sérieux. Les chiffres quotidiens donnent plus d’indications sur l’objet de ces appels : 104 appels par jours, dont 57 sont des blagues,7 présentent un contenu grossier, 17 sont muets et, enfin, 24 sont qualifiés « d’appels à contenu ».

Laissons une place à la parole

L’anonymat est la clé, il permet à l’enfant de dire quelque chose qu’il n’aurait pas forcément dit face à face. Quant aux écoutantes, leur job est de laisser uneplace à cette parole puis de voir avec l’enfant qui, dans son entourage, pourrait lui venir en aide. Elles peuvent aussi conseiller au jeune de se rendre dans un service qui l’aidera demanière approfondie. Les deux écoutantes anonymes que nous rencontrons estiment qu’elles offrent « un service de pré-première ligne. Les personnes nous parlent,disent-elles, l’émotion transperce. Quand on verbalise, on peut trouver des solutions. Mais ce n’est que le tout début d’un chemin. » Des jeunes les appellent tous les jours, pourparler de tout, de chagrins d’amour, de relation aux autres, de sexualité.

« Le thème de la maltraitance amené sous forme de blague »

Si le principe de l’écoute téléphonique est d’être généraliste, il est évident que la maltraitance fait l’objet d’une attention particulière.« Cinq à six appels par jour concernent la maltraitance », affirme Sylvie Courtoy. Lorsque des adultes appellent pour parler de maltraitance, l’écoutante rappelle les cadreslégaux, explique ce qui peut être fait, où s’adresser. Si ce sont des enfants qui téléphonent, il faut jouer finement. « Chez les enfants, le thème dela maltraitance peut être amené sous forme de blague, dit une écoutante. Ce n’est jamais l’objet du premier appel, ce n’est jamais abordé de front. Les jeunes cherchentd’abord à vérifier que le service est bien anonyme. Du coup, il faut prendre du temps, ça peut durer plus d’une heure. » Vu combien il est difficile pour un enfant deparler de maltraitance, on imagine bien l’utilité de ce service. « Dans les cas de maltraitance, les enfants n’en parleraient pas s’il n’y avait pas la garantie de l’anonymat »,lâche une écoutante. Néanmoins, il est possible de lever cet anonymat. Sylvie Courtoy nous donne le détail de la marche à suivre : « Il faut que l’appelantsoit d’accord et qu’il soit en incapacité de faire les démarches seul. C’est donc à l’écoutant de mesurer le niveau de danger. Mais lorsqu’on reçoit des appelsd’adultes qui menacent d’abuser d’un enfant ou de le maltraiter, on écrit au parquet qui peut faire lever l’anonymat. »

Dans les cas de maltraitance, comme dans d’autres, ce travail social anonyme n’est pas toujours facile. Une écoutante en décrit les limites : « Ça peut êtrefrustrant car c’est l’appelant qui a toujours la possibilité de raccrocher quand il le souhaite. Et c’est frustrant de ne pas savoir ce qui se passe après, de ne pas avoir de nouvelles». Dans le même temps, elle s’enthousiasme sur les vertus de l’appel téléphonique : « On sent que ça fait du bien aux gens de parler, de se poser. On intervientà des moments de la vie des gens où ils n’ont que nous. Parfois, en mettant des mots, on évite l’intervention d’autres services. »

Plus de vingt ans d’existence pour le 103, mais Sylvie Courtoy estime que ce service « devrait être mieux connu. Beaucoup d’adultes et d’enfants ne le connaissent pas. Mais nousn’avons qu’une ligne téléphonique. Alors, avant de faire de la publicité, il nous faudrait au moins les moyens d’en ouvrir une seconde. »

1. 103 Ecoute-Enfants :
– adresse : chée de Louvain, 1081 à 5022 Cognelée
– tél. : 103
– site : www.103ecoute.be

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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