Offrir un lieu d’accueil pour les enfants précarisés et une formation en puériculture à destination de leurs parents. C’est le double objectif de la crèche parentale D’n Opvang, lancée en 2014 à Ostende. Une initiative inédite en Belgique.
Trouver une place en crèche relève du parcours du combattant pour les familles belges. C’est encore pire pour les parents précarisés. «Ils ont d’énormes difficultés d’accès aux crèches parce que souvent sans travail, ils ne sont pas prioritaires. D’autre part, ils vivent dans des situations instables et ne savent pas de quoi demain sera fait», constate Patrick Blondé, directeur du CKG Kapoentje, centre d’accueil et de soutien aux familles en difficulté installé à Ostende, ville où plus d’un quart des enfants naissent dans une famille précarisée (contre 10% en Flandre). Face à cette détresse, rapportée par de nombreux parents – familles monoparentales et issues de l’immigration en tête –, l’asbl a lancé en 2014 le projet de crèche parentale D’n Opvang (en français: «l’abri»).
Contre l’exclusion
Samantha, jeune mère de quatre enfants, suit aujourd’hui cette formation. «Il y a cinq ans, j’ai dû arrêter mon métier de vendeuse pour m’occuper de mes enfants, explique-t-elle, ici j’apprends beaucoup et je combine études et éducation de ma fille dans un endroit familial.» «De nombreuses personnes, y compris dans le secteur social, pensent souvent que les parents précarisés s’occupent mal de leurs enfants. On prouve le contraire», défend le directeur. Il souligne aussi qu’«il n’est pas toujours facile pour eux de se remettre dans cette vie très active.» Mais les résultats suivent: 16 parents ont participé à l’aventure la première année du projet et dix d’entre eux ont décroché un diplôme. Parmi eux, quatre travaillent dans des crèches de la ville, quatre dans un autre secteur et les deux restants ont décidé de se spécialiser.
«Parmi la cinquantaine d’enfants fréquentant la crèche, tous ne viennent pas de milieux précaires, précise Patrick Blondé, en croisade contre l’exclusion. Pour les familles qui ne répondent pas aux critères de pauvreté, le prix est fixé en fonction du salaire.» Le projet se caractérise aussi par sa flexibilité. La crèche est ouverte de 7 à 18 heures tous les jours de la semaine, jours fériés et vacances scolaires compris. Quatre places sont réservées chaque jour aux urgences: un entretien d’embauche, un rendez-vous au CPAS, à l’Onem, au tribunal… «L’accueil en Flandre ne tient pas compte des conditions de vie des personnes fragilisées. Si une maman doit marcher longuement pour accéder à la crèche, c’est possible qu’elle vienne en retard… Or, elle sera pénalisée financièrement», déplore Patrick Blondé, qui souligne que «ce problème s’est accentué avec le nouveau décret “crèches” encore plus strict.» Mis en place en Flandre depuis le 1er avril 2014, le texte durcit les conditions d’annulation et de remboursement.
«C’est un projet un peu rebelle, concède le directeur. On n’est pas d’accord avec ce que l’État fait, donc on doit être créatif!» L’asbl veille à communiquer les incohérences entre les politiques d’accueil de l’enfance et de lutte contre la pauvreté mises en place avec la réalité du terrain. Toutes les deux semaines, l’équipe se rassemble avec les parents en vue de rédiger un rapport annuel qui sera transmis au gouvernement.
À son lancement, le projet a reçu 180.000 € du Fonds contre la pauvreté infantile, 250.000 € de la province de Flandre-Occidentale et des donations. Il sera évalué fin 2017. Plus de 20 familles sont actuellement sur la liste d’attente.
«Les bambins flamands inégaux face à la crèche», Alter Echos n°366, 27 septembre 2013, Pierre Gilissen
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«Les bambins flamands inégaux face à la crèche», Alter Echos n°366, 27 septembre 2013, Pierre Gilissen