Selon une étude du professeur Jozef Pacolet, du Hoger Instituut voor de Arbeid (Hiva) de l’Université de Louvain (Leuven), arrêter de travailler à 55 ans est unetrès mauvaise opération dans la plupart des cas. Les prépensions sont plus souvent imposées par l’employeur que choisies volontairement par le travailleur, maisl’idée reste cependant fort répandue parmi ces derniers qu’arrêter prématurément de travailler est une excellente affaire.
Or, selon l’étude du Hiva, qui se base elle-même sur des statistiques de l’INS concernant le budget des familles, les familles dont les membres prennent une pension anticipéeconnaissent en moyenne une diminution drastique de leurs revenus.
En moyenne,
• les actifs de plus de 55 ans gagnent 43 067 euros par an, un revenu dont ils arrivent à épargner 15 %.
• les inactifs par contre (la catégorie considérée recouvre les pensionnés et prépensionnés, mais aussi les chômeurs et invalides) ne peuventcompter en moyenne que sur 26 300 euros et dépensent 2 % de plus que leurs revenus. Auparavant, de telles familles continuaient à épargner après la retraite.
Depuis les années 1997-1999, on observe dans les statistiques, pour tous les ménages, un glissement de l’épargne vers les dépenses. En 1996, les actifs parvenaientà épargner 34 % de leurs revenus et en 2000 encore 22 %. De même, jadis, ceux qui arrêtaient de travailler réduisaient drastiquement leur train de vie, mais ce n’estplus le cas : de plus en plus, les gens souhaitent conserver leur train de vie après leur départ à la retraite. Dans un premier temps, ils souhaitent voyager beaucoup. Puis,vient l’augmentation des frais de soins de santé. Et enfin, le coût, toujours élevé, de la maison de repos. En outre, il y a de plus en plus de retraitésisolés, et ceux-là doivent proportionnellement faire face à des coûts fixes plus élevés, notamment pour tout ce qui concerne le logement.
Un glissement de l’épargne vers les dépenses
Les nouveaux retraités n’ont généralement pratiquement pas cotisé non plus pour une pension extralégale et commencent très vite à puiser dans leurséconomies, ce qui n’était pas le cas auparavant. L’étude ne précise toutefois pas à combien se montent en moyenne les économies en question. Globalement, lesménages belges disposent en moyenne de 272 000 euros, dont 70 %, toujours en moyenne, consistent en biens immobiliers. La situation est bien entendu aggravée pour ceux qui ne sont paspropriétaires de leur logement. En moyenne, les propriétaires disposent de 18 000 euros pour les dépenses de consommation ; les locataires de seulement 10 000 euros.
La génération qui part en préretraite est celle des baby-boomers : ils sont souvent issus de familles nombreuses et l’héritage de leurs parents, souvent maigre, s’estretrouvé divisé dans des fratries multiples. On ne peut pas dire que les 55-65 ans qui continuent à travailler épargnent massivement : en moyenne, 0,22 % de leur revenuannuel. Mais les autres se retrouvent rapidement à, non seulement ne plus épargner, mais à devoir dépenser leur épargne antérieure. Pour ceux-là, lerisque de tomber dans la vraie pauvreté est réel selon les enquêteurs, qui n’hésitent pas à parler de « génération perdue ».
Quel remède face à ce constat ? Jozef Pacolet prône une politique d’activation des plus de 55 ans, mais aussi une revalorisation du montant des prépensions. Autrementdit, il faut recourir le moins possible aux préretraites, mais ceux qui aboutissent malgré tout dans ce système doivent, selon le professeur, disposer d’un filet desécurité suffisant.
Le 8 novembre dernier, à Anvers, le professeur Pacolet a encore pris part au colloque de CoViVe (consortium formé de chercheurs de l’UA, de la VUB et de la KUL, et qui étudieles conséquences du vieillissement de la population en Flandre pour le compte des autorités régionales). Parmi les conclusions des différents intervenants, on peutsynthétiser ceci : les prévisions démographiques ont sous-estimé tous les paramètres conduisant au vieillissement de la population. Le bureau du plan avaitestimé que 10 % de la population vivrait au-delà de 87 ans ; on sait aujourd’hui que 10 % des gens atteignent déjà 93 ans. On s’attendait à des taux defécondité de l’ordre de 2,1 % ; on n’est guère aujourd’hui qu’à 1,69 %.
D’après De Morgen et De Standaard