Une carte blanche de la Coordination des Sans-Papiers de Bruxelles et Getting the voice out.
L’urgence a été déclarée, l’urgence humanitaire dit-on. Mais le terme “urgence” implique que l’on ne peut y répondre que par des solutions à court terme et ainsi empêcher tout projet à plus long terme, voire « oublier » les origines politiques de ces urgences…
L’histoire a connu de nombreuses migrations d’humains en quête d’une vie meilleure. Mais depuis des décennies, les politiques européennes déterminent qui a le droit de séjourner en Europe. Distinction est faite entre les expatriés, bienvenus partout, et les autres, les migrants et demandeurs d’asile, bienvenus nulle part et qui luttent pour obtenir un visa, un titre de séjour, une autorisation de s’installer sur le territoire.
L’Europe s’arroge ainsi le droit de sélectionner les migrants autorisés à se réfugier chez nous : « les bons, vrais » et les « mauvais, faux » réfugiés. Comme si quitter son pays de résidence à cause d’une misère économique était moins justifiable que de le quitter pour cause de discrimination, de répression ou de guerre…
Et pourtant, plus de la moitié des réfugiés qui campent au parc Maximilien actuellement, en attendant qu’on leur permette de déposer leur demande d’asile à l’Office des Étrangers, recevront une réponse négative à leur demande par le CGRA (Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides).
Certaines nationalités sont actuellement dans le top 10 du CGRA – les Syriens par exemple -, mais d’autres risquent de se faire renvoyer dans leur pays (50 % des Irakiens notamment). Ils seront expulsés ou devront vivre dans la clandestinité, devenir des «sans papiers » avec dans leur poche un ordre de quitter le territoire.
On apprenait d’ailleurs ce mardi dans la presse que plus de 15 Irakiens ont été amenés dans le centre fermé 127bis, dont au moins 8 d’entre eux ont été arrêtés à l’office des Étrangers.
Un demandeur d’asile ne sera accepté que si «il risque un réel danger» à son retour dans son pays d’origine et à condition qu’il ne soit pas passé par un autre pays de l’espace Schengen (Dublin3). Si c’est le cas, il y sera renvoyé manu militari.
Les politiques migratoires européennes empêchent dans un premier temps l’arrivée de ces migrants en les bloquant aux frontières. Ceux qui passent à travers les mailles des filets sont filtrés et épinglés comme « bons », « vrais réfugiés » et « mauvais », « faux » réfugiés. Sans parler des réfugiés qui seront taxés de réfugiés « économiques » ou de ceux qui viennent d’un pays « sûr » selon le CGRA et dont la demande d’asile sera refusée dans les 15 jours.
Parallèlement aux aides citoyennes urgentes actuelles, bien d’autres actions sont et seront nécessaires pour soutenir les exclus de nos politiques migratoires qui ne peuvent et/ou veulent pas rentrer chez eux !
D’autres initiatives sont indispensables pour éliminer ce système d’exclusion – dont les migrants ne sont d’ailleurs pas les seules victimes -, et de frontières, propre à nos sociétés actuelles.
Nombre de chercheurs, anthropologues, sociologues confirment que l’ouverture des frontières est bénéfique pour tous (confer le dossier publié dans Les Échos « L’immigration sera la chance de nos économies » (04/09/2015)
Notre lutte contre ces politiques, les luttes des exclus, les luttes des réfugiés, les luttes des sans papiers, sont complémentaires à l’aide humanitaire. Mais si nous ne soutenons pas ces luttes, toutes ces luttes, nous risquons de faire de l’humanitaire pendant des siècles et … dans l’urgence !
Pour un monde de migrations.
Aller plus loin
Lire aussi :
«L’afflux massif de migrants en Europe est à relativiser», interview de Olivier Clochard du réseau Migreurop, par Manon Legrand, Fil infos, Invité du vendredi, 12.06.2015.
« Philippe de Bruyckere : d’abord sauver des vies », par Cédric Vallet, Alter Echos, n°402, 13.05.2015.
«Ces naufrages ne sont pas une fatalité», interview de François Crépeau, par Cédric Vallet,Alter Échos n°369, 15.11.2013.
Focales n°5, mai 2014: «Réinstallation des réfugiés: les premiers pas d’un programme belge»