« La société québécoise face au défi chinois : quelles réformes structurelles au Québec pourraient amortir le choc? » était laquestion posée, vendredi 17 mars, à quatre économistes signataires des deux manifestes Québécois publiés l’automne dernier. Les conférenciersavaient été invités par le Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (Cérium) à laconférence Le Québec face au géant chinois, au HEC Montréal1. Ces invités semblaient en accord sur la position que le Québec devraitadopter face au géant chinois. Un contraste avec les deux manifestes publiés l’automne dernier, pour un Québec lucide et pour un Québec solidaire2 qui proposent deux types de changements structurels pour éviter que le Québec de demain ne soit englouti par la concurrence mondiale. Six mois plus tard, quels sont lesimpacts et le devenir de ces manifestes qui ont marqué l’imaginaire intellectuel québécois?
Pour un Québec lucide
Face à la dette publique, le déclin démographique et la concurrence féroce des pays asiatiques, douze signataires, dont l’ancien premier ministre duQuébec, Lucien Bouchard, ont sonné l’alarme en octobre dernier : le Québec doit s’adapter aux nouvelles réalités économiques et politiquesmondiales. « Nous ne sommes pas les premiers à tenter d’alerter nos concitoyens. Malheureusement, la plupart des Québécois continuent de nier ou d’ignorer ledanger », peut-on lire dans ce manifeste. Face aux défis que le Québec doit affronter, que ce soit en tant qu’état souverain ou au sein du Canada, les signataires dumanifeste pour un Québec lucide proposent des changements structurels tel qu’alléger le fardeau de la dette publique; investir massivement en éducation et enformation; abandonner le gel des droits de scolarité; établir un régime de remboursement des prêts étudiants proportionnel au revenu; augmenter les tarifsd’électricité fournie par la société d’État Hydro-Québec; une réforme majeure de la taxation; et un régime de Revenu minimumgaranti.
André Pratte, éditorialiste en chef à la Presse et signataire du manifeste, expliquait en conférence, lors du colloque de Force Jeunesse en févrierdernier, que la question sous-jacente au manifeste est : « a-t-on les moyens de se payer nos programmes sociaux? Question qui crée un malaise dans une société où ilest difficile de remettre en question certaines idées ». La critique fut immédiate !
Pour un Québec solidaire
Quelques semaines plus tard, trente-six personnalités dont Viviane Labrie du Collectif pour un Québec sans pauvreté, Steven Guilbault de GreenPeace, Françoise David etAmir Khadir les deux portes-paroles actuels du nouveau parti politique Québec Solidaire, ont rédigé un deuxième manifeste. Ces signataires rejettent les conclusions dumanifeste pour un Québec lucide. « L’enjeu ne se situe pas pour nous entre le statu quo et le changement. Il porte plutôt sur la nature du changement »peut-on lire dans ce manifeste. Les signataires de pour un Québec solidaire ne nient pas que les enjeux soulevés par les lucides sont réels, mais ce virage politique etéconomique proposé doit être progressiste et solidaire, à l’image des pays scandinaves et d’Amérique latine. Pour les solidaires, « leproblème n’est donc pas celui de la création de la richesse, mais de sa répartition » (manifeste). Après avoir critiqué une à une les solutionsdes lucides, les signataires pour un Québec solidaire proposent des stratégies axées sur le développement durable et écologique du Québec.Selon eux, il faut soutenir les entreprises qui ont une conscience sociale et écologiste; combattre la disparité de traitement et les emplois précaires; répartiréquitablement la richesse; financer correctement les institutions publiques d’enseignement ; effectuer un retour à la mission première d’Hydro-Québec qui estde fournir à la population québécoise l’électricité à un meilleur coût possible ; assurer l’universalité etl’accessibilité des soins en mettant l’accent sur la prévention ; enfin, renforcer la réglementation environnementale. À la question : avons-nous les moyens?Les signataires pour un Québec solidaire répondent « refusons les baisses d’impôts! ».
Face au géant chinois
À la conférence du 17 mars, Jean-François Lisée, directeur exécutif du Cérium et ancien chef de cabinet, a qualifié les deux manifestes de « textesmarquant significativement le débat au Québec ». Pourtant, les quatre économistes semblaient s’entendre sur la position et les stratégies à adopter face augéant chinois. Selon M. Robert Lacroix, un « lucide », nous ne pouvons dire si le choc de la Chine sera transitoire ou pas. « Je me souviens que le discours autour du modèleéconomique japonais était catastrophique ! On prédisait l’écroulement européen et une montée asiatique. Ce n’est pas ce qui est arrivé», affirme M. Lacroix. M. Pierre Fortin, un autre « lucide », nous présente même des côtés positifs de l’importance de la Chine sur le marché mondial :ralentissement de l’inflation canadienne, maintient des ressources naturelles à un prix élevé et diminution de notre dépendance aux États-Unis. Par contre,les « solidaires » semblent moins optimistes, sans être alarmistes. Ruth Rose-Lizée, une ‘solidaire’, professeure de sciences économiques à l’UQÀM (Universitédu Québec à Montréal), se dit préoccupée par les impacts environnementaux sur le Québec, dus au marché chinois. Pierre Paquette, un ‘solidaire’économiste pour le Bloc québécois (parti politique souverainiste), considère qu’il n’y a actuellement aucune mesure de sauve-garde économiqueinstaurée ici. Pierre Paquette propose des solutions qui ne sont pas nécessairement incompatibles avec celles proposées par les « lucides » : investir dans l’éducationet le savoir technologique, soutenir les entreprises de haute technologie et créer des programmes d’aide transitoire pour les travailleurs touchés par la montée desmarchés asiatiques.
1. Conférence : www.cerium.ca
2. Sites web des manifestes :
www.pourunquebecsolidaire.org
www.pourunquebeclucide.com