Le nombre de personnes exerçant plusieurs occupations professionnelles croît tandis que le pouvoir d’achat baisse : mais tous ne sont pas égaux face au cumul d’emplois.
Les chiffres annoncés par la Banque carrefour de la sécurité sociale1 (repris par Het Laatste Nieuws du 26 mars dernier) parlent d’eux-mêmes : lenombre de personnes exerçant deux activités professionnelles est en hausse. En 2006, on dénombrait près de 260 000 personnes ayant deux activités professionnelles,soit une augmentation de 11 000 personnes alors qu’en moyenne ce nombre n’a augmenté que de 3 000 personnes par an entre 2003 et 2005. Soit actuellement 4 % des travailleurs en Belgique, selonEurostat, l’institut européen de statistiques.
Avec la baisse perceptible du pouvoir d’achat qui touche les ménages, lier cette recrudescence de personnes cumulant deux jobs pour éviter de s’appauvrir est tentant. Même sile raccourci semble un peu rapide comme l’analyse Philippe Defeyt de l’Institut pour un développement durable2 : « Les personnes qui occupent deux emplois, dans leur grandemajorité, ne me semblentpas devoir le faire pour des motifs liés à un trop faible pouvoir d’achat, souligne celui qui est aussi président du CPAS de Namur. Nous ne sommespas encore trop confrontés au phénomène des working poors tel que le connaissent les USA où beaucoup de « pauvres » cumulent deux voire trois emplois pour survivre.»
L’économiste voit davantage dans ces « cumulards » des personnes « dotées de compétences et d’expérience désireuses de diversifier leur activité demanière complémentaire ». On peut d’ailleurs constater, dans les statistiques de l’enquête sur les forces de travail d’Eurostat, que le pourcentage de personnesayant deux emplois augmente avec le niveau de qualification.
Son analyse obtient écho dans le monde syndical qui voit d’ailleurs dans cette situation le signe d’une nouvelle forme d’inégalité face au travail. Avec d’uncôté, ceux qui peuvent se permettre d’avoir une activité supplémentaire et de l’autre, ceux qui sont obligés de recourir à deux emplois mais qui n’en ont pastoujours la possibilité physique. « C’est toute la problématique du temps partiel, souligne Valérie Jadoul qui est conseillère au service social du bureaud’étude de la FGTB3. Des secteurs comme les services de nettoyage, les grands magasins ou l’horeca recourent à des personnes à temps partiel et très flexiblesdans leurs horaires. Pour ne pas dire susceptibles d’être appelées à la demande. Étant donné cette flexibilité, il leur est de plus en plus difficiled’accéder à un temps plein alors qu’ils en ont un réel besoin. »
Autre paradoxe que Valérie Jadoul n’est pas la seule à relever : l’interdiction légale de travailler plus de 38 heures par semaine ne compte que pour un contrat de travailauprès d’un employeur. Il est donc tout à fait loisible, endéans les limites physiques, d’aller au-delà via un autre contrat ou en tant qu’indépendantcomplémentaire. « Avec les risques que cela implique pour la vie privée et la santé, vu le stress qui augmente lui aussi au travail », souligne-t-elle.
Travailleurs préretraités et retraités travailleurs ?
Dès lors, n’y a-t-il aucun risque de voir une large partie de la population recourir à « l’overworking« 4 pour s’assurer des revenus capables de répondreà la hausse du coût de la vie ? Pour Philippe Defeyt, une autre catégorie de personnes pourrait être concernée par cette évolution atypique du marché dutravail. « Les pensionnés, qui connaissent une importante baisse de revenus à la fin de leur carrière, pourraient être tentés de se remettre au travail», avance-t-il comme hypothèse.
Un nouveau paradoxe au regard des chiffres d’Eurostat pour la Belgique – pays qui a connu un régime de prépension assez favorable ces dernières années – quicompte un taux d’emploi de personnes de 55 à 64 ans de 32% alors que la moyenne dans l’Union européenne dépasse les 43%.
Pour Valérie Jadoul de la FGTB, cette pression financière que connaissent les pensionnés serait encore davantage vécue par les chômeurs, les invalides et leshandicapés directement confrontés à la baisse significative du pouvoir d’achat.
1. Disponibles sur le site : www.ksz.fgov.be/Fr/index.asp
2. Institut pour un développement durable :
– adresse : rue des Fusillés, 7 à 1340 Ottignies
– tél. : 010 41 73 01
– site : http://users.skynet.be/idd
3. Fédération générale du travail de Belgique :
– adresse : rue Haute, 42 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 506 82 11
– voir http://www.bonusalemploi.be/CODE/fr/home.htm
4. Pour paraphraser l’overbooking (ou surréservation) qui peut se rencontrer dans le domaine du tourisme en avion.