Le Plan wallon de cohésion sociale a été adopté ce mercredi 19 octobre par le gouvernement wallon ; 304 millions d’euros seront dégagés sur les quatreprochaines années. L’ex « PST III », partie « sociale » du Contrat d’avenir renouvelé compte 5 axes. Il couvre les compétences Logement(Antoine, CDH), Emploi (Marcourt, PS), Action sociale et Santé (Vienne, PS) et Formation (Arena, PS). Le plan compte peu de nouveautés. En effet, il traduit en grande partie ladéclaration de politique régionale (DPR) de 2004 et reprend les priorités du gouvernement pour les quatre prochaines années.
Au total, ce sont les infrastructures (hôpitaux, logement social…) et le secteur des seniors qui raflent la mise. Concernant les politiques sociales hors infrastructures, lapriorité va à la remise à l’emploi et au travail avec les publics les plus défavorisés. La ministre Vienne a résumé l’orientation prise par cePlan de cohésion sociale : « Les 300 millions servent à renforcer les outils sociaux les plus efficients. » Ce plan comprend en fait deux types de mesures : un nouveau plande subsides pour travaux dans les infrastructures fondé sur des financements dits « alternatifs », notamment à partir d’emprunts (budgétairement le plusimportant) et un programme d’aides ciblées sur les publics fragilisés. Pour bien mesurer les priorités politiques de ce gouvernement, il convient de mettre en rapport lessommes allouées avec la période à partir de laquelle s’applique la mesure. Autrement dit, plus une mesure débute tard, plus les nouveaux moyens qui lui serontoctroyés seront importants, s’ils sont poursuivis après 2009. Le communiqué du gouvernement stipule en effet que « chacune des propositions fait l’objet d’uneenveloppe budgétaire précise et garantie au minimum jusqu’en 2009 ».
Le logement
Le premier axe concerne le logement. On y trouve la construction de 1.560 logements sociaux supplémentaires via les sociétés de logement et les communes sur la période2006-2009 pour un montant de 15 millions d’euros, ce qui correspond, avec les autres plans de construction lancés ces dernières années, à la construction de 1.600logements par an. Dans le but de favoriser la mixité sociale, pour chaque logement social, deux logements moyens seront également construits. Les sociétés publiques delogement social comme les communes seront tenues de respecter cette obligation. Pour le cabinet du ministre Antoine, c’est une manière de proposer, grâce aux financementsexceptionnels prévus par le Crac, un système de financement qui permet aux SLSP et aux communes de trouver rapidement l’équilibre financier, même sur unepériode de 20 ans (au lieu de 30).
Par ailleurs, trois millions seront consacrés à la mobilisation du patrimoine privé inoccupé par des Sociétés de logement ou des agencesimmobilières sociales. Et deux millions sont réservés à l’accompagnement social dans le cadre du programme d’investissement exceptionnel (PEI). Ce quicorrespond à 1.000 allocations supplémentaires par an pour reloger les locataires durant les travaux ou lors de la destruction de logements. Enfin, une mesure sans impactbudgétaire : la réorientation des différentes aides aux particuliers pour l’accès à la propriété vers les ménages à faiblesrevenus ou dans les zones prioritaires.
Les personnes âgées
Cet axe compte trois actions : la promotion du maintien à domicile des seniors avec l’amélioration de la coordination des services d’aide et de soin (0,5 million par anà partir de 2008), la mise aux normes des différentes structures d’accueil, pour un montant de 151 millions, à partir de 2007. C’est en fait une enveloppe definancement alternatif pour subsidier les travaux dans les hôpitaux (111 millions), la sécurité contre les incendies dans les maisons de retraite et les maisons de repos et desoin (25 millions), pour le court séjour et l’accueil de jour ou de nuit dans les MR et MRS (15 millions). Enfin, la lutte contre la maltraitance des personnes âgées àtravers l’organisation de campagnes de sensibilisation et d’information, la formation des personnels des maisons de repos et des aides à domicile (0,6 million).
Les personnes handicapées
Afin de répondre à la demande croissante de places, dix millions d’euros seront dégagés à partir de 2007 pour améliorer l’accueil existant. Onpoursuit donc le moratoire sur la création de nouvelles places, mais on joue sur leur qualité. Concernant l’intégration des personnes handicapées sur le marché dutravail, 400 emplois seront créés dans le cadre des entreprises de travail adapté (ETA), pour un montant de 6,6 millions d’euros – ce qui répond à la grogne dusecteur manifestée en début d’année.
Les personnes précarisées
Le quatrième axe comprend quatre actions. Premièrement, la création de deux relais sociaux à Namur et pour la région Mouscron-Tournai, le premier en 2006 et lesecond en 2009. Ils viendront rejoindre les cinq relais sociaux qui assurent la coordination et la mise en réseau des acteurs publics et privés travaillant avec les personnes exclues etprécarisées. Par ailleurs, les relais sociaux se verront adjoindre un relais santé afin de développer une action médicale ciblée vers les publics les plusprécarisés, y compris les illégaux ; 2,98 millions y seront consacrés d’ici 2009. Une action vise à augmenter l’accessibilité des centres deplanning familial pour les jeunes et les publics défavorisés (0,99 million). Un des objectifs est de renforcer la prévention des risques de grossesse. Ainsi, un lot de pilulescontraceptives sera mis à disposition de chaque centre. Cet axe compte encore le doublement des services d’aide aux toxicomanes, soit 1,12 million par an dès 2008.
Enfin, la lutte contre l’analphabétisme voit ses moyens augmenter de 4,55 millions. Deux volets seront renforcés : la détection de l’analphabétisme, en collaborationavec le Forem, les CPAS et l’intérim; et la création de 2.000 nouvelles places dans les cours d’alpha. Au cabinet de la ministre Marie Arena, en charge de la Formation, on explique queces mesures, qui s’inscrivent dans la suite de l’accord de coopération et de la conférence interministérielle sur l’alpha, constituent un seul et mêmeprojet : mieux identifier les publics en demande, ce qui entraînera une augmentation de la demande de cours d’alpha. On entend également privilégier certains publics : lespersonnes ne maîtrisant pas les savoirs de base, ceux qui ne possèdent pas le CEB (certificat d’aptitude de base) et les personnes issues de l’immigration. Le cabinet insiste surl’obtention du CEB dans la mesure où dans de nombreux secteurs, y compris dans la fonction publique, il est devenu un prérequis minimum, même pour des fonctions subalternes.À noter que des moyens complémentaires proviendront encore des mesures comprises dans le PST II, mais ces dernières n’ont pas fait l’objet d’une discussionbudgétaire.
Les personnes d’origine étrangère
Un volet concerne spécifiquement l’intégration des personnes issues de l’immigration. Ainsi, les sept Centres régionaux d’intégration, chargés de la coordinationet du suivi des initiatives locales en la matière, verront leurs équipes augmenter (2,1 millions à partir de 2006). En 1996, à leur création les CRI n’avaientpas reçu les moyens nécessaires à leur action. Face à l’enjeu de l’accueil des personnes issues de l’immigration, le gouvernement a décidéd’assurer les moyens pour engager le personnel nécessaire à la réalisation des missions prévues par le décret.
L’accompagnement des demandeurs d’emploi
Première mesure, la création d’emplois par les entreprises d’insertion (EI). Concrètement, 12 nouvelles EI seront mises sur pied et 215 postes subsidiés àdestination de travailleurs peu qualifiés seront créés. En outre, l’accompagnement de ces travailleurs sera augmenté. Pour ce faire, le gouvernement met sur la table 2,6millions d’euros par an à partir de 2006.
Autre mesure, la pérennisation ou la création de 15 services de proximité au sein des quartiers en difficulté à partir de 2006. Dix projets pilotes sontactuellement en cours. Ces structures, organisées sous forme d’asbl, dans le cadre de sociétés à finalité sociale ou encore à partir d’un CPAS,doivent aider les populations des quartiers en difficulté en créant les conditions d’une amélioration du cadre de vie. Ils organisent notamment des banques alimentaires, lavoirssociaux, etc. Ces services interviendront pour des petits travaux d’entretien de l’habitat. Ils chercheront également à améliorer l’accessibilité àdifférents services. Le coût sera d’un peu plus d’un million d’euros par an.
L’activation des demandeurs d’emploi est également de la partie. Chaque année d’ici 2009, 0,9 million d’euros seront alloués aux CPAS pour recruter des conseillerschargés de promouvoir de manière « proactive » les emplois « sous article 61 » (bénéficiaire d’un revenu d’intégration social mis àl’emploi dans une entreprise privée).
On trouve aussi le renforcement des missions régionales pour l’emploi (Mire) avec l’augmentation de leur capacité d’accueil en 2006. Objectif : 4.000 stagiaires par an en ciblant lesbénéficiaires du RIS, les personnes d’origine étrangère et les jeunes chefs de familles monoparentales (soit une augmentation de 25%) : 0,45 million par an dès2006. Enfin, dernière mesure de ce volet : la mobilité des demandeurs d’emploi. Ceux qui auront signé un contrat d’insertion se verront rembourser cinq trajets TEC par mois.L’objectif est d’offrir cet avantage à 3.500 demandeurs d’emploi par an.
Le cabinet du ministre Marcourt explique que le plan comporte surtout, du point de vue de l’emploi, des orientations dont l’opérationalisation sera discutée avec les secteursconcernés.
La Déclaration de politique régionale
Le plan wallon de cohésion sociale reprend grosso modo les mesures retenues dans la DPR. Cette dernière mentionnait, dans le cadre du Contrat d’avenir renouvelé, la conclusiond’un plan stratégique transversal dénommé « Inclusion sociale ». La priorité y était clairement mise sur le logement. Dans la continuité de laprécédente législature, l’objectif restait d’offrir un logement décent pour tous. Les mesures proposées étaient les suivantes : l’accroissementde l’offre de logements locatifs (rénovation, taxe sur les immeubles inoccupés, AIS…), à concurrence de 2.000 logements par an. Les plans actuels permettront decréer 1.600 logements par an, de 2006 à 2009 ; l’offre des logements décents (rénovation de l’ensemble des logements sociaux, poursuite du Plan habitatpermanent, évaluation de l’application du permis de location et des normes minimales de salubrité…) ; la création de logement durable en densifiant les noyauxd’habitat existants. Quant à la réforme du Code wallon du logement, elle a été réalisée cet été.
Si l’accueil des personnes âgées (via les hôpitaux et les autres formes d’accueil) se voit attribuer plus de la moitié des moyens programmés (maintienà domicile, accueil de jour, de nuit…), la création au sein de chaque commune d’espaces des aînés actifs n’est plus reprise dans le Plan de cohésion sociale.
À noter, la confirmation de « la montée en puissance en trois ans d’un accompagnement pour tous les demandeurs d’emploi wallons », c’est-à-dire d’ici à fin2007, conformément à l’accord de coopération conclu avec le fédéral.
Du côté des personnes handicapées, l’accord parlait de « soulever progressivement le moratoire qui pèse sur les places d’accueil et d’hébergement » et« de mener une réflexion sur les politiques d’agrément et sur leurs impacts budgétaires ». Cette mesure, vu précisément son impact budgétaire,reste au placard pour le moment.
Dans la partie consacrée aux exclus sociaux, était citée la mise sur pied d’un plan de lutte contre l’analphabétisme dans le cadre de l’accord de coopérationconclu à ce sujet avec la Communauté. On y trouvait également le renforcement des réseaux et services spécialisés dans l’aide aux toxicomanes qui seretrouvent dans le Plan de cohésion sociale. En revanche, le texte présenté ce 19 octobre ne mentionne aucune mesure concernant le surendettement. La DPR s’était en effetcontentée d’affirmer le souhait du gouvernement wallon de prendre « les mesures utiles pour renforcer l’offre de services de médiation de dettes et sensibiliser les publicsfragilisés à la gestion de la consommation ». Ce type de problématique fait l’objet d’une attention toute particulière, mais elle sera traitée,comme d’autres, dans le cadre des budgets ordinaires, indique-t-on au cabinet de la ministre Vienne.
Enfin, pour les primo-arrivants plusieurs mesures, telles l’ouverture de bureaux d’accueil et d’information dans les communes les plus concernées ou encorel’organisation de séances d’information systématiques pour les services dont ils peuvent avoir besoin en vue d’une intégration optimale, ne sont pas reprises.Mais elles devraient être initiées à partir du travail des CRI.
Et la suite ?
Au cabinet de la ministre Vienne, la principale concernée par ce plan, on se déclare « pas mécontent » du résultat final. Il faut dire qu’aprèsl’annonce du Plan Marshall, les secteurs sociaux avaient craint le pire pour le financement de leurs matières en Région wallonne. Même si, comme dans les autres cabinets, ons’est senti un peu à l’étroit dans les limites budgétaires imparties. Il a fallu faire des choix. Toutefois, il reste des politiques qui ne sont pas reprises dans leplan wallon de cohésion sociale. Ont-elles une chance de voir leurs moyens augmenter d’ici à la fin de la législature ? À cette question, les différents cabinetscontactés répondent que ce plan reprend la manière dont le gouvernement veut développer ses politiques en matière de cohésion sociale. Quant à savoirsi de nouvelles marges vont se libérer en dehors du PST III… « Ce sont donc les choix du gouvernement, issus de la DPR, pour cette législature. Mais si unévénement venait modifier la donne actuelle, cela deviendrait un enjeu de gouvernement et les moyens devraient être trouvés au niveau de ce dernier et non plus au niveau duministre de tutelle », indique le cabinet. « Ce qui ne signifie pas non plus que de nouveaux décrets ne seront pas adoptés sur ces matières d’ici à la fin dela législature », précise-t-on encore.
Au moment de boucler ce n°, le gouvernement wallon décidait du budget 2006. Le volet « cohésion sociale » y est doté de 2 millions d’euros en financement direct. Il s’agiten fait du lancement d’une série de mesures qui doivent s’échelonner sur les quatre prochaines années. Par ailleurs, la majorité du plan de Cohésion se fonde surdes emprunts (le financement alternatif) qui permettent en fait de disposer de montants plus importants (90 millions pour le logement et 130 millions pour les hôpitaux) dès 2006.