Sensibiliser sans stigmatiser
A côté de ces primes, différentes campagnes de sensibilisation à l’utilisation rationnelle de l’énergie se sont également succédé, en déclinant l’adage : l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas. Ces campagnes ont visé, et visent encore, l’ensemble des citoyens y compris les ménages en situation de précarité énergétique, avec la dérive de mettre en évidence uniquement le comportement individuel plutôt que l’impact du bâti. Comme le relève Julie Neuwels, chargée de cours à l'ULiège, dans un article consacré à la performance énergétique des logements à Bruxelles, les politiques de performance énergétique des bâtiments sont principalement abordées en termes de "modes d’habiter", tandis que les politiques du logement se réfèrent aux "conditions d’habiter".
"La référence aux conditions d’habiter sous-entend la résolution des disparités sociales et raisonne en termes de classes sociales. Elle sous-entend également la nécessité d’une prise en charge publique visant, à Bruxelles, les plus démunis dans le cadre du droit au logement et la classe moyenne dans le cadre des politiques d’attractivité urbaine, notamment par la production publique de logements. La référence aux modes d’habiter revêt une dimension plus individualiste, insistant sur la responsabilité des habitants. Objet d’une appréhension mécanique des comportements, l’habitant est abordé comme un consommateur responsable, supposément informé qui, par ses choix d’habiter, peut faire évoluer l’offre du logement. Les pouvoirs publics sont alors relégués à un rôle d’informateur, de facilitateur et de contrôleur".
Un constat relayé aussi par Anne Baudaux et Françoise Bartiaux qui ont consacré une étude sur la précarité énergétique et l’aide sociale à Bruxelles. Une "contribution ethnographique" qui consiste en observations de terrain et entretiens approfondis avec des personnes en précarité énergétique.
"Notre enquête montre que les pratiques et les émotions négatives de ces personnes doivent se comprendre en les contextualisant par la pénurie de logements modestes en Région bruxelloise et par l’état médiocre du parc immobilier. Ce contexte est peu pris en compte par les aides publiques qui insistent au contraire sur les dispositifs techniques à installer dans le logement et sur les changements de comportements individuels des occupants. Ces différences de perspective et ces pratiques d’aide bureaucratiques parfois stigmatisantes ou infantilisantes contribuent à expliquer un recours limité aux aides destinées à combattre la précarité énergétique".