Réaffirmer le droit à l’utopie des jeunes, d’autant plus que le monde est en crise, voilà un des messages clés de BruXitizen.
« Chez les jeunes que j’ai entendus, il y a de la frustration, du cynisme, un énorme sentiment d’impuissance. Alors vous, les Belges, ça veut dire que vous êtes prêts pour une révolution démocratique ! » C’est le constat de Félix. Il est québécois. Il a vécu de l’intérieur et avec intensité la vague du Printemps érable. Il participait à BruXitizen, le festival de l’engagement citoyen des jeunes organisé du 21 au 24 novembre par l’Agence Alter et inspiré d’une dynamique… québécoise.
« Souvent, continue-t-il, au début des discussions, on sent la peur de l’avenir, le pessimisme. Mais les échanges font tourner le vent et suscitent souvent une volonté d’approfondir, d’agir, de s’engager. » Ce nœud à détendre, à masser, il dit bien toute la tension entre d’une part, la compétition, la nécessité de tirer son épingle du jeu de chaises musicales, et d’autre part, le besoin d’autre chose, le désir d’alternatives, la volonté de se mettre en projet en collant à ses valeurs et à ses rêves.
BruXitizen a semé des graines dans ce sens-là. La rencontre, le débat, la collaboration, l’inspiration, le partage d’envies et d’outils, la fête, tout ce qui y était offert à plus de 200 jeunes Bruxellois de tous horizons, permet en réalité de ne plus avoir à porter tout seul cette tension entre lutte des places et engagement.
C’est que les jeunes que nous avons rencontrés sont parfaitement lucides. L’ambiance de crise, entre 18 et 25 ans, on l’a intériorisée et on s’en rend compte. Ces jeunes savent qu’ils ont des espérances de vie et de revenus moindres que celles de leurs parents. Ils sont familiers des maladies de civilisation, des risques écosystémiques globaux, des effets destructeurs de la crise financière pour les démocraties.
Ils savent que tout cela fonctionne au cœur de leur personnalité, transforme leur subjectivité, et ils ont envie de sortir de ces formes de soumission. C’est la métaphore de cette capsule vidéo grinçante écrite et tournée par les participants à l’un des ateliers, proposé par une maison de jeunes. Une jeune fille demande à Saint-Nicolas quelque chose de très généreux et de très naïf, du bonheur pour tout le monde tout de suite ou quelque chose du genre. Et le barbu de lui répondre goguenard : « Tu déconnes, baby, c’est la crise, tout ce que je peux te donner, c’est ça ! » Et de lui tendre fièrement une bouteille de Coca rutilante.
C’est lors de la table ronde consacrée à l’emploi, pleine à craquer, que s’est montré de la façon la plus spectaculaire ce poids que sentent les jeunes sur leur existence : en arrivant sur le marché, on sait qu’il n’y a pas d’emploi pour tout le monde, que le boulot qu’on décroche signifie « retour à la case départ » pour plusieurs dizaines ou centaines d’autres, et que les perdants seront traqués par la chasse aux chômeurs. On sait aussi que même avec un emploi, on sera confronté au manque de sens, à la déqualification, à l’usure psychique et corporelle. Et – plus dur à digérer – à la difficulté de nouer les deux bouts, même en limitant ses besoins et en consommant de façon sobre et créative.
Une vie faite de choix par défaut ? Ils expliquent, nombreux, que c’est à contre-cœur qu’ils abordent le dernier tournant vers l’âge adulte. Et qu’ils sont prêts à prendre des risques pour transformer leurs révoltes en choix, leurs idées en projets, leurs passions en métiers. Ils vont donc naturellement tenter toutes sortes de formes d’engagement : associatif, professionnel, militant, entrepreneurial, artistique, etc.
Des espaces où miser sur de tels paris en connaissance de cause et de façon maîtrisée dans la durée, voilà une nécessité que BruXitizen confirme et relance.
En savoir plus
https://www.alterechos.be/download/parutions/bruxitizen_2012_parcours_medias/AE_350_Supplement_BXZ_BD.pdf Télécharger ici le supplément réalisé par les « Bruxijournalistes »