Les familles monoparentales sont souvent les premières victimes de la pauvreté. Les Femmes prévoyantes socialistes1 reviennent sur une série de mesures pour endiguer la précarisation des mères seules
A chaque fois que Françoise Claude, la secrétaire générale des Femmes prévoyantes socialistes, croise un article sur la pauvreté des mères célibataires, sa lecture lui laisse un goût amer. « Les médias ont toujours l’air de s’étonner. Pourtant nulle surprise n’est justifiée si on additionne deux phénomènes massivement répandus et connus de tous : d’une part les femmes sont discriminées sur le marché de l’emploi, et, d’autre part, elles sont considérées comme principales responsables de l’éducation des enfants », nous explique-t-elle. Dans le dernier numéro de Femmes plurielles2, elle prend la plume et plaide pour un changement profond des mentalités. Pour un monde où les hommes ne se verraient plus regarder de travers par leur patron quand ils demandent un congé parental, où les femmes ne seraient pas reléguées aux emplois à temps partiel et où il n’y aurait plus de liste d’attente interminable pour obtenir une place en crèche.
Au-delà du discours, Françoise Claude pointe une série de petits changements concrets à mettre en œuvre, de la politique fiscale à la manière dont les allocations sociales sont calculées. « Il faut traquer toutes ces petites anomalies et injustices. C’est tout le sens d’une politique de « gender mainstreaming », que le gouvernement s’est engagé à mener, même si jusqu’à présent on n’en a pas beaucoup entendu parler. »
Fiscalité et créances alimentaires
Prenons le statut Omnio, qui ouvre le droit à des interventions plus importantes de la mutuelle pour les ménages en difficultés financières. Pour en bénéficier, une mère seule avec deux enfants doit prouver un revenu brut imposable inférieur à 1 862 euros par mois. Mais les pensions alimentaires perçues pour les enfants sont comprises dans ce calcul. « Ceci ne nous semble pas normal : le parent qui a les enfants à son domicile, après une séparation, est très majoritairement la mère. (…) Il s’agit d’une discrimination indirecte puisque les chiffres démontrent à l’évidence qu’un parent est nettement plus touché que l’autre. De plus, comme les allocations familiales, les pensions alimentaires des enfants ne sont en rien un revenu pour le parent qui en a la garde, mais une somme destinée uniquement à leur entretien et à leur éducation ». Dans la même veine, les Femmes prévoyantes socialistes ne jugent pas normal que les exonérations fiscales soient plus importantes pour le parent qui verse la pension alimentaire. « La solidarité nationale, par le biais de l’impôt, aide donc plus les pères que les mères à assumer les coûts de l’enfant. »
Autre point sensible, les pensions alimentaires. Selon une enquête menée par la Fondation roi Baudouin et la plate-forme Comeva3, près d’une femme sur trois ayant des difficultés financières attribue ces problèmes au fait qu’elle ne reçoit pas ou trop peu de soutien ou de pension alimentaire de son ex-conjoint. Dans la même étude, on peut également lire que plus de 40 % des personnes qui ont droit à une contribution financière de leur ex-partenaire percevraient leur pension en retard, de façon incomplète, voire ne verraient jamais la couleur de cet argent.
Du côté des Femmes prévoyantes socialistes, on déplore que le Secal, le service chargé du recouvrement des créances alimentaires, ne se voie pas octroyer les moyens d’assumer ses missions entièrement. « A l’origine, la loi prévoit que le Secal récupère les créances et avance l’argent. Mais faute de moyens, les avances ont été rabotées aux personnes les plus défavorisées », regrette encore Françoise Claude.
1. Femmes prévoyantes socialistes :
– adresse : place Saint-Jean, 1-2 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 515.04.01
– courriel : fps@mutsoc.be
– site : http://www.femmesprevoyantes.be
2. « Mères seules avec enfants : pour la rupture anthropologique ! » Par Françoise Claude dans « Femmes Plurielles » de mars 2013.
3. « Le Service de créances alimentaires, un outil de lutte contre la pauvreté des femmes ? » Par Carinne Vassart, pour la Fondation Roi Baudouin, juin 2011.
Aller plus loin
Alter Echos n° 289 du 14.02.2010 :
Portrait du pauvre type