Lancée par l’Observatoire international des prisons (OIP), la Ligue des droits humains, le Genepi Belgique et le Collectif de luttes anti-carcérales, la ligne téléphonique Info’Prison a pour but de transmettre au mieux ce qui se passe derrière les barreaux en prenant les informations à la source et en les rassemblant par la vingtaine de bénévoles qui écoutent chaque mercredi et samedi toute personne qui souhaiterait témoigner d’un quotidien bien souvent hors de portée. «En moyenne, on reçoit entre quatre et cinq appels par permanence, indique Damien Scalia, de la Ligue des droits humains. Beaucoup insistent sur l’importance de cette ligne téléphonique, qu’elle manquait au paysage et offre désormais la possibilité d’avoir quelqu’un à qui parler en cette période difficile où, avec cette crise sanitaire, les conditions de détention se sont détériorées et beaucoup de détenus se retrouvent livrés à eux-mêmes, éloignés de leurs familles.» Il ajoute: «Déjà en temps normal, l’ADN du système pénitentiaire est d’être opaque, et dès qu’il y a une possibilité de le redevenir, il y plonge naturellement. Dans ce contexte difficile, cela signifie moins d’avocats, moins de familles, moins de droits respectés, et, si la ligne téléphonique est une petite fenêtre d’ouverture, elle reste faible quand même.» «Les personnes espèrent qu’en nous appelant, on va pouvoir trouver du tac au tac une solution à leur problème. On doit hélas leur dire que ce n’est pas possible», renchérit Solène, une des bénévoles, membre de Genepi.
«Déjà en temps normal, l’ADN du système pénitentiaire est d’être opaque, et dès qu’il y a une possibilité de le redevenir, il y plonge naturellement.» Damien Scalia, de la Ligue des droits humains
Incohérence totale
Au fil des permanences, la question des visites des familles est devenue le sujet le plus évoqué. «Trois appels sur quatre concernent cette thématique», ajoute-t-elle. Si les visites à table ont pu reprendre sous de strictes conditions le 25 mai, malgré une limitation du nombre de visites et de visiteurs ou encore l’interdiction de contact physique, le sentiment est celui d’une incohérence totale par rapport aux règles sanitaires. «Un papa m’a appelé, me disant qu’il avait pu faire un câlin à un de ses enfants car il avait moins de 12 ans, alors qu’il n’avait pu le faire pour un autre de ses fils, âgé de 13 ans. Et il y a quelques jours, un détenu me contactait énervé parce qu’il venait de se retrouver en salle d’isolement pour deux semaines après que sa compagne l’eut embrassé en salle des visites.»
Depuis le début de la pandémie, les familles sont traitées comme des éléments contaminants, et, avec le déconfinement, la situation ne s’est pas améliorée. «On oblige à faire beaucoup de choses aux familles, sans que ce soit forcément cohérent. On les oblige par exemple à porter un masque alors que de nombreux témoignages font état du fait que les agents n’en portent pas toujours. Il y a le sentiment d’un traitement différencié qu’on soit un proche ou un agent», poursuit Damien Scalia. Suite à ces appels, les quatre associations demandent que les détenus puissent maintenir des relations affectives dans le cadre des visites intimes hors surveillance (VHS) ou que des conditions moins strictes soient imposées lors des visites à table, tandis qu’un collectif d’une cinquantaine de familles et proches de détenus a décidé de déposer une plainte contre l’État.
En savoir plus
Les permanences téléphoniques sont organisées tous les mercredis et samedis au 0498/51.51.91 ou via WhatsApp ou par e-mail ligneinfoprison@bawet.org.
Lire aussi «Passeurs de voix», Alter Echos, juin 2019, Manon Legrand.