L’évolution de l’emploi dans le secteur non marchand est le thème d’un séminaire organisé par le Centre de sociologie du travail, de l’emploi et de laformation de l’ULB1. Plusieurs rencontres sont prévues. La première a eu lieu ce mercredi 11 juin et les questions abordées lors de cette scéanceserviront de terreau pour la suite programmée après les mois d’été. L’intitulé de cette première rencontre, « la professionnalisation :histoire d’effets pervers et nouvelles opportunités », a amené les invités chargés de dresser le cadre du débat, à s’exprimer surl’évolution dans le temps des « engagements » dans la vie associative.
Jean-Luc Degée, vice-président de Peuple et Culture, en reprenant l’histoire de l’éducation ouvrière, devenue populaire puis permanente, a faitapparaître la constance de certaines questions, encore d’actualité. Évoquant l’institutionnalisation progressive, il reprendra quelques questionnements apparusdès l’entre-deux-guerres à cet égard. Faut-il maintenir des associations engagées à côté des structures publiques ? L’action associativedoit-elle suppléer les pouvoirs publics ? La subsidiation ne marque-t-elle pas la fin de la contestation, et ne participe-t-elle pas alors au renforcement du système établi ? Nesacrifie-t-on pas les finalités au profit d’un fonctionnement ? Il a également énoncé la tension entre deux modèles d’actions : d’une part celuiqui relève d’un processus d’échange des savoirs, d’« autodidactie », où le professionnel est « d’abord un militant qui a fait sespreuves sur le terrain et formé sur le tas » ; d’autre part le modèle, qu’il qualifiera de « plus paternaliste et élitiste », de la diffusiondescendante comme pour les universités populaires en son temps.
Jean-Luc Degée propose le concept d’« amacteur », cet amateur, volontaire avec plaisir et agissant avec professionnalisme, ce sont les figures de bénévole,volontaire, militant, permanent, animateur, salarié… qui ont jalonné la rencontre. Ainsi, Catherine Stercq, coordinatrice de Lire et Écrire, fait remarquer ladiversité dans les conditions de travail au sein même du secteur, où tous ne sont pas touchés par les nouvelles vagues de règles et de fonctionnements liésnotamment aux conventions collectives de travail et aux revendications du secteur non marchand. Le secteur socioculturel est décrit par certains comme un mixte de plusieurs figuresd’engagement, pour une seule et même personne parfois ou dans le fonctionnement de l’association. Le couple salarié -bénévole (encore faut-il s’entendresur les termes) prendrait plusieurs formes ; l’un pérennisant l’autre ; l’un remplaçant l’autre ; l’un mobilisant l’autre. À cet égard,la situation particulière et « problématique » des administrateurs d’associations sera évoquée. Volontaires, ils sont décrits comme devant faireface à une technicité grandissante qui demande temps et compétences pointues. Ce qui ne serait pas sans influences sur la relation à la direction des associations ; aurisque de voir cette dernière totalement investie de la fonction de gestion.
À la suite de Philippe Andrianne, secrétaire général de la Ligue des familles, qui a décrit le passage d’une activité de mouvement au rôle deservice, Catherine Stercq a expliqué la situation « émergente » du mouvement de lutte contre l’analphabétisme à sa naissance dans les années 70,et son développement vers une consolidation toute récente. Elle évoquera une génération issue de l’immigration porteuse d’un courant associatif presqueexclusivement bénévole qui n’arrive pas à porter sa parole et pose la question de la reconnaissance de ses actions. Ce débat sera mis en lien avec l’actuelleréflexion autour des associations qualifiées d’émergentes, dans le contexte de rédaction du nouveau décret sur l’éducation permanente (voirAÉduc n° 53/ p. 286). Gwenaël Brees, représentant du Cinéma Nova et invité en tant que témoin de cette émergence, reviendra sur le choix dubénévolat affirmé par ce collectif. Certains au statut de chômeur « utilisent sans honte leur temps. Ils bénéficient comme d’une sorted’allocation universelle ». Par rapport aux échanges de vues actuels sur le sujet, il explique la volonté des « émergents » de permettre dans ledécret éducation permanente, la déconnexion entre les subsides pour l’emploi et ceux pour le fonctionnement, s’élevant contre le mythe du tout àl’emploi, alors que le sens de l’action ne le nécessite pas toujours. Il lui semble dans ce cas moins aisé d’assumer un rôle contestataire, critique.
1. Publication prévue dans la Revue du TEF (point d’appui travail, emploi, formation de l’Institut de sociologie de l’ULB) – tél. : 02/650 47 89 – contact : AdindaVanheerswynghels. Voir aussi Courrier hebdomadaire du Crisp (n° 1795), « Les relations collectives dans le secteur non marchand ».